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  • © Mathieu Beaudoin

Mathieu Beaudoin : 1000 km de vélo d’hiver à la Baie-James

L’hiver dernier, Mathieu Beaudoin a roulé 1123 km sur la Transtaïga et sur la route de la Baie-James. Une expé solo de 23 jours à pédaler jusqu’à 9 heures au quotidien, avec un chariot de 50 kg. Espaces l’a rencontré pour en savoir plus sur ce périple hors du commun.

Pourquoi avoir décidé d’entreprendre une telle expédition?

Après plusieurs treks et quelques voyages d’alpinisme avec guide en haute montagne, j’avais envie de quelque chose de différent, de bâtir ma propre expédition. Comme je pédale 7000 km par année, j’ai décidé d’entreprendre une aventure inédite à vélo. Et quand j’ai réalisé que personne n’avait traversé la Baie-James à vélo l’hiver, j’ai décidé de foncer.

Pourquoi avoir voulu innover, avec cette expédition?

J’avais le goût d’être le premier à faire quelque chose, sans que ce soit complètement fou — comme gravir l’Everest à reculons! — et sans aller trop loin. Ça m’a permis de découvrir une région de chez nous et de la faire connaître à ceux qui me suivaient.

Comment vous êtes-vous préparé?

C’était la première fois que j’organisais moi-même une expé, et ça m’a pris plus d’un an pour peaufiner la logistique, faire mes recherches, modifier mon équipement pour les besoins de l’itinéraire et trouver les gens qui pourraient m’aider si j’avais des besoins en cours de route. Tout ça pour trois semaines de périple!

Comment vous êtes-vous entraîné?

Puisque je suis déjà en forme, je n’ai pas fait d’entraînement spécial, à part rouler 50 km tous les deux jours pour me rendre au travail en vélo. Je faisais aussi des sorties en fatbike dans les sentiers de motoneige, durant les fins de semaine. Même s’il s’agit d’une expédition physique, c’est d’abord dans la tête que ça se passe.

Quel matériel avez-vous apporté?

J’avais une tente deux places et un gros chaudron, mais aussi huit litres de naphta et beaucoup de bouffe, que j’ai répartis dans trois dépôts sur mon parcours. En tout, je devais transporter une quarantaine de kilos quand j’étais chargé à bloc.

À quoi ressemblait votre équipement?

J’ai utilisé un vélo hybride avec des pneus de trois pouces (auxquels j’ai ajouté 125 clous par pneu), un bon compromis entre le vélo de montagne et le fatbike pour rouler sur une route de gravier, puis d’asphalte, recouverte de neige. Pour garder mes pieds au chaud, je portais de grosses bottes Baffin.

J’ai aussi ajouté un guidon additionnel pour varier la position des mains. Et comme il n’existait pas de couvre-mains conçu pour cet ajout, j’ai fabriqué mes propres protège-mains en néoprène, assez grands pour abriter mes grosses mitaines.

Pour traîner tout mon matériel, j’ai modifié un chariot double pour enfants. J’ai retiré la couverture pour y fixer un gros traîneau, que je pouvais utiliser pour transporter mon matériel dans la neige, le soir venu. Ce système s’est avéré très efficace et rapide, même quand je calais jusqu’aux genoux en raquette.

Comment avez-vous géré le froid?

Il y a eu au moins sept nuits où la température a chuté en bas de –30 °C. Disons qu’il faut que tu trouves de la motivation ces matins-là, parce que tout devient plus difficile. Ça me prenait une heure de plus pour défaire mon campement (3 h au lieu de 2 h), parce que je devais constamment me réchauffer les mains pendant les opérations délicates. Je devais parfois aller jogger sur la route pour me réchauffer. J’utilisais aussi des coupe-vapeur dans mon sac de couchage, dans mes bottes et dans mes gants, pour éviter que mon équipement prenne l’humidité. Le plus difficile était assurément de sortir du sac de couchage, le matin...

À quoi ressemblaient vos repas?

Je mangeais beaucoup de soupes, de nouilles Ramen et des repas lyophilisés. Pendant la journée, je m’arrêtais 10 minutes par heure pour m’hydrater et me nourrir, afin d’avoir un apport en énergie et en eau constant. Au total, j’avais calculé 4500 calories par jour, ce qui semble assez juste, parce que je n’ai pas perdu de poids. Après l’expé, j’ai même pris 4,5 kg parce que j’avais toujours faim.

Comment se sent-on après avoir réalisé une telle aventure?

Je suis vraiment heureux de l’avoir complétée, mais ma plus grosse bouffée de bonheur est venue pendant ma première journée, quand je me suis mis à pédaler et que j’ai réalisé que j’étais le premier à faire du vélo ici en hiver. À partir de ce moment, je savais que ça allait bien aller et que l’expé allait se dérouler comme je l’avais prévue.

Quels sont les principaux obstacles que vous avez rencontrés?

Mon chariot s’est brisé à deux reprises, parce qu’une soudure a lâché. La première fois, je me suis arrêté à une cabine téléphonique d’urgence, à 100 km de Radisson. Un mécanicien est venu me chercher, a ressoudé les pièces, m’a hébergé, et il est revenu me porter où il m’avait trouvé la veille! La deuxième fois, j’étais près du relais 381, et un garagiste m’a aidé à solidifier mon chariot. C’est dans ces moments difficiles que j’ai le plus apprécié l’esprit de solidarité que l’on trouve dans ces milieux éloignés.

Quelle a été votre plus grande surprise?

Je croisais à peine quelques voitures ou camions par jour, mais presque tout le monde s’arrêtait pour me demander comment ça allait, surtout quand il faisait –35 °C. Certains me prenaient pour un fou, mais la plupart étaient impressionnés de me voir là en plein février! Un chasseur amérindien m’a toutefois pris pour un orignal, ce qui aurait pu être dangereux…

Et votre plus grande déception?

Je n’en ai pas eu, sauf quand mon chariot s’est brisé. Pendant un moment, j’ai cru que l’expé était terminée. La dernière semaine a aussi été difficile, parce que j’étais éreinté et que j’avais mal aux genoux. C’est à ce moment que j’ai décidé d’augmenter la cadence de 50 à 60 km par jour pour terminer plus vite.

Quels sont les avantages et désavantages de partir en solo?

Les déplacements auraient peut-être été plus ardus avec quelqu’un d’autre, car il est difficile de rouler au même rythme à deux, surtout en tirant une lourde charge. Mais c’était plus ennuyeux d’être seul dans ma tente...

Avez-vous un dernier conseil à donner ?

Il faut se préparer longtemps à l’avance et tester son équipement : 90 % de la réussite de mon expé tenaient à ça. Quant au froid, ce n’est pas un obstacle : il faut simplement s’activer le corps, pour qu’il se réchauffe…

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