Rechercher dans le site espaces.ca
  • Crédit : Joshua Earle, Unsplash

Équipement : de l’écolo au durable

Et si nos grands espaces étaient menacés par le matériel que nous utilisons? Ce paradoxe est devenu une obsession chez les fabricants, qui multiplient les innovations éthiques et environnementales. Leur objectif : retirer le qualificatif « vert » et repenser l’équipement en mode durable. Bienvenue dans le plein air du 21e siècle.

Révolutionner le marché de l’équipement de plein air n’est pas une mince tâche. Autant du côté des puissants lobbys que de celui des consommateurs sceptiques, la nouvelle vague qui se targue d’être respectueuse de la planète doit faire ses preuves. Une abondance de nouveaux textiles et d’isolants fait son apparition, bouleversant une époque où les avancées furent impressionnantes, voire révolutionnaires. Ces nouvelles propositions arrivent-elles à la cheville de celles qui les ont précédées? Un seul endroit permet de s’en assurer : le terrain.

J’ai donc mis à l’épreuve une multitude de produits possédant tous au moins une appellation éco-responsable. J’ai réalisé mon banc d’essai au Saguenay, sur trois saisons, de février à juillet, pour une durée totale de 180 jours. Les produits testés ont été choisis en fonction de leur utilité lors de périples multi-activités : les articles ont notamment été malmenés en longue randonnée (pédestre et nautique), à vélo et en escalade. Près de 80  % de ce que je trimballais sur et avec moi était certifié « vert ».

Parmi les critères d’essai figure bien entendu la durabilité, mais aussi les qualités exigées de ces produits lors de sorties de plein air : imperméabilité, capacité de ventilation et isolation. Le confort (mobilité, coupe) était aussi une préoccupation constante, tout comme le coût initial du produit testé (un produit écolo doit-il être plus coûteux?). Inévitablement, le rapport qualité-prix a aussi été passé sous la loupe. Enfin, un portrait des avantages et des inconvénients propres à chaque produit coiffe mes observations. Chaque critère est évalué à l’aide de feuilles vertes ou rouges. 

Un virage amorcé depuis longtemps

Critiquée en raison des solvants, des perfluorocarbures (PFC) et de certains perturbateurs endocriniens présents dans l’équipement qu’elle propose, l’industrie s’est vite défendue. Mais avant même la fameuse enquête Footprints in the snow de Greenpeace, qui a dévoilé en 2015 des traces de PFC dans les coins les plus reculés de la planète, un grand nombre de fabricants planchaient déjà sur le développement durable tous azimuts. 

Si l’utilisation de produits chimiques est décriée, l’optimisation de la fabrication et surtout le cycle de vie du matériel sont depuis longtemps scrutés à la loupe. Le fabricant Patagonia et la Canadienne MEC, tous deux pionniers dans ce créneau, travaillent depuis des lustres à offrir des produits minimisant les impacts sur les plans humain, social et environnemental. L’Allemande Vaude propose sa gamme Greenshape, soucieuse des ressources naturelles, sans PFC. La Britannique Pàramo a remporté cette année le prestigieux prix de l’entreprise durable du quotidien The Guardian, et plusieurs géants suivent la vague : une révolution est en cours.

Des regroupements ont été formés afin que des actions voient le jour à l’échelle mondiale. C’est le cas de la Sustainable apparel coalition (SAC), qui regroupe de nombreux manufacturiers, des textiles à la chaussure. Le regroupement, dont MEC a été l’un des fondateurs, a établi l’indice Higg, qui cible les zones géographiques problématiques et mesure les effets des produits manufacturés. Cet indicateur de performance durable est aussi utilisé par Adidas, Salomon et autres Arc’teryx.

Le système Bluesign est sans contredit la certification la plus recherchée sur le marché présentement. Il certifie que le processus de confection d’un textile est dénué de produits nocifs et respecte des normes élevées en matière d’utilisation des ressources naturelles et humaines. L’organisme indépendant, basé en Suisse, appose son sceau si 90 % des tissus internes et externes respectent des critères établis. Attention toutefois : pour le volet accessoires du système, ce pourcentage doit être de 30 %, et lorsqu’il est question de tentes ou de sacs à dos, l’objectif est de 20 %. Il revient donc au consommateur de se renseigner davantage sur les autres alternatives écologiques présentes avec les produits. Voici donc mon banc d’essai, séparé en plusieurs catégories.


Habiller les générations futures

Patagonia Baby Torrentshell

Cet imperméable est construit avec la membrane H2no certifiée Bluesign, qui comprend un textile 50 deniers composé à 100 % de polyester recyclé. Fiston aventurier lui a fait vivre le calvaire : chutes, roulades, exploration sous la pluie... Il demeure comme neuf, et les innombrables lavages n’ont pas altéré son imperméabilité. Si l’élastique autour du capuchon épouse bien le visage, un casque n’y entre pas. L’absence d’ajustement à la taille étonne aussi, mais les bandes réfléchissantes à l’avant et à l’arrière rassurent le parent, le soir venu. Déjà la petite sœur le convoite : il saura lui rendre pareils services.

153 g, nylon recyclé, Bluesign, 100 $

Durabilité : 4,5 feuilles vertes sur 5
Rapport qualité-prix : 5 feuilles vertes sur 5
Feuille verte : Coupe et durabilité
Feuille rouge : Absence de fonctionnalités primaires

MEC Switchback

Rares sont les sacs de couchage pour enfants cotés près du point de congélation et qui offrent aussi des propriétés écologiques. Le Switchback renferme l’isolant HyperLoft Eco, composé à 50 % de fibres recyclées et dont la compressibilité est étonnante. Son capuchon épouse les petites têtes à merveille et sa fermeture à glissière, doublée d’un bourrelet coupe-froid, brille dans le noir. Enfin, ce sac pour les « grands » tient compte des petits accidents nocturnes : il sèche rapidement et peut être suspendu par deux boucles. Les nombreux  lavages et abrasions l’ont laissé intact. À quand une possibilité d’ajustement?

738 g, polyester, Hyperloft Eco, 125 $

Durabilité : 4,5 feuilles vertes sur 5
Rapport qualité-prix : 4 feuilles vertes sur 5
Feuille verte : Isolation et compressibilité
Feuille rouge : Absence d’ajustement évolutif


Rêver sans empreinte

Vaude Rottstein 700

Fabriqué sans PFC à l’aide de duvet de canard certifié RDS (Responsible Down Standard), le Rottstein comporte plusieurs innovations. Sa longueur ajustable aux pieds sert aussi de compartiment pouvant accueillir les vêtements à garder au chaud. La coupe ajustée laisse une bonne liberté de mouvement. Un généreux col et une capuche pleinement ajustable protègent admirablement. Les sols difficiles et humides n’ont pas eu raison du polyamide certifié Bluesign, malgré un manque d’isolant au dos. Irréprochable en refuge l’hiver, sa cote de –6 degrés est à mon sens trop généreuse. Livré avec sac de compression (non imperméable) et pochette en résille pour le rangement, il nécessite un bon investissement. Son poids et son confort vous le feront trimballer en de nombreuses occasions.

1 200 g, polyamide, certifié Bluesign et Greenshape, 490 $

Durabilité : 4,5 feuilles vertes sur 5
Rapport qualité-prix : 3,5 feuilles vertes sur 5
Feuille verte : Poids, compressibilité, caractéristiques innovantes
Feuille rouge : Prix, cote de température

Rab Ascent 900

Rab offre un sac dont le duvet, issu de canards élevés en Europe, est imperméabilisé grâce au traitement hydrophobe de Nikwax, sans PFC. Repoussant efficacement l’humidité, son revêtement imperméable est très résistant : nos multiples sorties hivernales, souvent sans matelas de sol isolé, n’ont pas suffi à le faire broncher. Sa cote conservatrice de –18 degrés a été maintes fois dépassée (jusqu’à –25), et l’isolant placé à la main en Angleterre est bien fourni à l’abdomen et au dos. La fermeture éclair doublée d’un rabat isolant et le cordon unique de serrage autour du cou et de la tête en font une redoutable fournaise. Le sac de couchage Ascent a un poids et une compressibilité respectables pour un modèle quatre saisons. Livré avec deux sacs (rangement et compression), son prix est renversant pour un repaire si efficace dans les grands froids.

1 530 g, Pertex Microlight, duvet sans PFC, 385 $

Durabilité : 4,5 feuilles vertes sur 5
Rapport qualité-prix : 5 feuilles vertes sur 5
Feuille verte : Prix, capacité thermique
Feuille rouge : Poids


Une protection écoresponsable

Vaude Bormio

L’indispensable doudoune n’est pas toujours polyvalente et devient agaçante lors d’efforts aérobiques importants. Le Bormio se démarque avec son isolant en Polartec alpha, juxtaposant chaleur, compressibilité et ventilation. En fait, il est génial en course à pied ou en ski de fond par des températures frigorifiantes. Jumelé à un textile extensible et respirant sous les aisselles, sa thermorégulation est phénoménale. C’est un vêtement de haute montagne : poches pectorales accessibles avec harnais et sac à dos, cordon unique de serrage à la taille et capuchon qui peut remplacer efficacement une tuque figurent parmi nos coups de cœur. Que dire de sa poche de rangement intégrée, munie d’une boucle pour mousqueton? Sa coupe athlétique et l’impressionnante liberté de mouvement qu’il procure en font un choix de premier ordre.

485 g, Polartec alpha, certifié Bluesign et Greenshape, 300 $

Durabilité : 4,5 feuilles vertes sur 5
Rapport qualité/prix : 5 feuilles vertes sur 5
Feuille verte : Capacité thermique, polyvalence, thermorégulation
Feuille rouge : Protection contre le vent

Patagonia R3 Fleece

Le vêtement polyvalent par excellence pour le plein air. Ce chandail en molleton réversible brille par son confort et sa régulation de la température corporelle. Le capuchon enveloppe comme une tuque et forme une cagoule offrant un refuge blindé. Construit à partir de polyester recyclé à 53 %, ce chandail signé Patagonia montre toute sa transparence en ciblant les parties du vêtement qui portent la certification Bluesign, soit le polyester et le tissu des serre-poignets. Si, avant le premier lavage, le vêtement a tendance à mousser, il ne craint pas par la suite l’abrasion ni les douches soudaines, qui témoignent de son extraordinaire capacité à sécher. Les poches pectorales sont géniales pour ranger le matériel inutilisé en haut de la paroi.

510 g, polyester recyclé, Bluesign, 239 $

Durabilité : 5/5
Rapport qualité-prix : 5/5
Feuille verte : Polyvalence
Feuille rouge : Prix élevé

Helly Hansen Odin Enroute

Léger, compact et fonctionnel : le pantalon Odin sied à toutes les activités en toute saison. Ses fermetures éclair pleine longueur évacuent la condensation, et il s’enfile en un clin d’œil grâce à l’ajustement à la cheville. Le vélo, la randonnée et la grimpe sous les ondées n’ont pas réussi à le faire défaillir. Les boutons à la taille sont cependant fragiles. Un logo réfléchissant et de pratiques sangles à velcro aux hanches complètent le tout, offrant un maximum de polyvalence.

380 g, polyamide, Bluesign, 325 $

Durabilité : 4 feuilles vertes sur 5
Rapport qualité/prix : 4,5 feuilles vertes sur 5
Feuille verte : Poids, polyvalence,
Feuille rouge : Genoux articulés trop bouffants

Pàramo Enduro

Un nouveau paradigme se dessine avec cette veste construite sans produits chimiques ni coutures scellées. Le manteau que portaient les membres de Greenpeace durant leur expédition est fabriqué en Colombie par des femmes en réinsertion sociale. Aucune comparaison possible avec l’imper-respirant traditionnel : un système interne aspire l’humidité aux endroits clés. Exit la condensation lors d’activités hautement aérobiques… Le revêtement extérieur, hydrophobe grâce à la technologie Analogy de Nikwax, est séparé par une couche d’air qui procure l’isolation. Les fonctionnalités sont montagnardes : 5 poches parcourent la veste, en plus de bandes réfléchissantes. Coupe géniale,imperméabilité sans faille, mais le poids demeure agaçant et la compression des membranes peut jouer des tours. Définitivement pour des conditions hivernales hostiles.

815 g, sans PFC, 530 $

Durabilité : 5 feuilles vertes sur 5
Rapport qualité/prix : 3 feuilles vertes sur 5
Feuille verte : Fonctionnalités, coupe
Feuille rouge : Poids, polyvalence

MEC Falcon


Fabriqué d’un doux mélange de polyester usagé et de spandex auquel on a ajouté de la laine mérinos, ce chandail est d’un confort inégalé. Que ce soit en plein air ou en voyage, vous ne le rangerez (et ne le laverez) que rarement, puisqu’il s’agira de votre coup de cœur à revêtir. S’il est assez résistant à l’abrasion, sa coupe a tendance à s’évaser avec le temps. Mais on lui pardonne presque tout vu son col coquet doté de boutons. À faire rougir d’envie plus d’un fer à repasser, il aura l’air d’un neuf chaque fois que vous le sortirez du fond de votre sac à dos.

152 g, polyester recyclé/spandex, Bluesign, 49 $

Durabilité : 3,5 feuilles vertes sur 5
Rapport qualité/prix : 4 feuilles vertes sur 5
Feuille verte : Confort, style, polyvalence
Feuille rouge : Prix, maintien de la coupe


En expédition

Lowa Camino GTX

Construite à l’aide de cuirs uniquement élevés en Europe et d’un imperméabilisant exempt de C8 (ou APFO), la botte Camino est l’alliée des longues et exigeantes randonnées. Fidèle à sa réputation, Lowa offre ici une botte ultrarésistante et hyperconfortable, dont le long cycle de vie vous évite un autre achat au bout de quelques saisons. La présence de Gore-Tex a agacé notre fibre environnementale, mais l’imperméabilité et la longévité ont un prix. Utilisée dans tous les environnements en toute saison, elle semblait encore sortie de sa boîte, même après tout ce temps. Si elle excelle en terrains difficiles, vos pieds seront moins ravis sur l’asphalte ou la poussière de pierre.

1 550 g (paire), 380 $

Durabilité : 5 feuilles vertes sur 5
Rapport qualité/prix : 4,5 feuilles vertes sur 5
Feuille verte : Robustesse, confort
Feuille rouge : Usage uniquement en montagne

MEC Candem

Un sac étanche alliant compression et facilité de transport, avec un fini écologique (aucun chlore ni métal lourd) : le modèle de 50 litres mis à l’essai est génial. Son ouverture très large permet de visualiser tout son matos et facilite le rangement. Trimballé en kayak, accroché sur le campeur, arrimé sur le catamaran, il a affronté la flotte sans faillir. Quelques traces d’usure prématurée ont surpris (près des sangles) et une purge d’air aurait été bienvenue. Tellement grand, il a servi plus d’une fois de baignoire à la marmaille! À ce prix, un incontournable.

990 g, polyester TPUR, sans PVC, 119 $

Durabilité : 3,5 feuilles vertes sur 5
Rapport qualité/prix : 5 feuilles vertes sur 5
Feuille verte : Utilité, prix
Feuille rouge : Coutures soudées fragiles

Farm to feet Dasmacus

Les propriétés de la laine mérinos sont bien connues : résistante aux odeurs, chaude lorsque mouillée, confortable, alouette. Elle est aussi naturellement écologique. Farm to feet propose un produit dont la chaîne entière de production et de conception est aux États-Unis. Ces chaussettes, sans coutures aux orteils et comportant des zones de compression au tendon d’Achille et à l’arche, sont hyperconfortables. Aucune formation de mousse durant l’essai; il est cependant vrai que c’est simplement par formalité qu’elles étaient lavées. Les coussinets sur le dessus du pied font toute la différence. On ne les enlèverait jamais.

70 g, laine mérinos+nylon, 30 $

Durabilité : 5 feuilles vertes sur 5
Rapport qualité/prix : 5 feuilles vertes sur 5
Feuille verte : Confort, prix
Feuille rouge : Se faire dire de les laver

Commentaires (0)
Participer à la discussion!