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La guerre des membranes

Qu’il semble loin le temps où les adeptes de plein air devaient se parer d’un ciré imperméable pour se protéger en cas d’averses! Si l’on évitait ainsi d’être trempé par la pluie, on l’était inévitablement de l’intérieur! L’arrivée des membranes imper-respirantes a tout changé, au point de devenir des incontournables, avec la domination depuis des années du fameux Gore-Tex.

Le tissu vedette de Gore, le leader du marché du vêtement imper-respirant, est passé dans le langage commun, comme l’ont fait K-way, Kleenex, Frigidaire ou Coke. La compagnie W.L. Gore, fondée en 1958 par Bill Gore dans le sous-sol de sa maison à Newark, dans le Delaware, a été la première à lancer une veste imper-respirante sur le marché, dès 1978. « Pendant très longtemps, la technologie de cette membrane microporeuse en polytératrafluorotéthyléne (PTFE) laminée de tissu n’a pas que peu changé, explique Léo Viger-Bernard, vendeur chez Mountain Equipment Co-op (MEC). Ce n’est que très récemment que sa structure a évolué vers une membrane non poreuse, où le transfert de vapeur se fait au niveau moléculaire ».

« Le Gore-Tex est plus connu aujourd’hui qu’il y a une dizaine d’années, précise Sonia Savage, acheteuse pour La Cordée. Dans les années 90, on parlait surtout des vêtements imperméables, qui étaient lourds et pas du tout respirants. Gore-Tex est le numéro un parce que la marque est jugée par le public comme la meilleure, celle en qui l’on peut avoir confiance. C’est le symbole d’un vêtement léger qui s’adapte à toutes les saisons et qui est garanti à vie. »

Aujourd’hui, W.L. Gore détiendrait plus de 70 % du marché du vêtement respirant qui pèse plus d’un milliard de dollars. Mais, depuis quelques années, le géant historique doit faire face à de nouveaux concurrents qui veulent chacun se tailler une part du gâteau. Polartec, Schoeller, Mountain Hardwear, Vertical, Columbia, Outdry, Marmot... la liste est longue. En 2011, Columbia, Potartec, Mountain Hardwear (racheté par Columbia en 2004) ont chacun lancé sur le marché leur nouvelle ligne de vêtements avec leur propre membrane, respectivement Omni-Dry, NeoShell et Dry.Q, avec une stratégie commerciale claire : « Take down Gore-Tex », pour reprendre les mots de la campagne publicitaire de Columbia.

General Electrics, poids lourds de l’énergie mondiale, rachetait en 2004 BHA Group, la société qui fabrique le eVent, une membrane lancée en 1999, initialement utilisée dans les filtres de cheminées industrielles et qui fut l’une des premières à sérieusement jouer dans les plates-bandes de Gore-Tex. Beaucoup y ont vu l’arrivée d’un concurrent sérieux avec des ressources financières et logistiques suffisantes pour bousculer la hiérarchie de manière significative. Ce qui ne fut pas le cas.

À en croire les récentes publicités, chaque marque revendique que sa membrane est la « plus légère » ou « la plus respirante ». Tests, chiffres et graphiques à l’appui. Polartec explique que sa membrane NeoShell possède « 100 % plus de respirabilité par rapport à la meilleure membrane imper-respirante actuelle » (comprenez Gore-Tex). Pourtant, quand on interroge les vendeurs, ceux-ci se montrent plus prudents sur les différences entre les produits : « Si leur technologie est différente, il n’y a pas de différences majeures sur le terrain, confie Léo Viger-Bernard. Les données techniques sont quasi similaires. Pour le client, cela se ressemble beaucoup. » Au final, bien peu de personnes pourront voir la différence sans faire d’analyses scientifiques poussées.

« Si les différences sont minimes entre les membranes, ce n’est pas le cas entre une membrane et un enduit, assure Sonia Savage. D’abord au niveau du prix. Avec l’enduit, un manteau de base coute entre 130 $, alors que c’est minimum 400 $ pour un manteau imper-respirant. L’enduit est davantage un imperméable de mi-saison, pas fait pour l’hiver. Mais il convient à beaucoup de gens, car c’est une barrière efficace contre la pluie. Très utile pour les randonnées d’une journée, car il est plus léger que la membrane. » Autre différence de taille : les enduits sont moins durables que les membranes. « Si les enduits sont plus légers, ils perdent de leur efficacité plus rapidement, indique Léo Viger-Bernard. Il faut compter trois à quatre ans de durée de vie, tandis que les membranes sont capables de maintenir leurs performances 5, 10 voire même 15 ans. J’ai déjà vu des Gore-Tex tenir 20 ans ! »

« Le marketing de Gore-Tex est très efficace, juge Sonia Savage. Des clients viennent nous voir en nous disant : “Je veux un Gore-Tex!” Mais avant de choisir une marque, la première question qu’il faut se poser, c’est : “Pour quelle activité? ” » Le choix de votre futur vêtement doit se faire en fonction du type d’activité que vous souhaitez pratiquer. « Les membranes imper-respirantes sont les vêtements qui offrent le plus de polyvalence, souligne Léo Viger-Bernard. Mais elles ne sont pas recommandées pour les activités aérobiques, comme la course à pied ou le ski de fond, car ces activités sont trop intenses. La transpiration est trop forte et cela ne favorise pas l’évacuation totale de l’humidité corporelle. » Dans ce cas, privilégiez plutôt une coquille souple (ou soft shell), plus légère et moins résistante aux fortes pluies que sa consœur rigide et totalement imper-respirante. Les vêtements imper-respirants à coque rigide sont conçus pour maintenir le corps au sec et au chaud dans des conditions extrêmes, notamment en montagne.

Le choix est donc tellement vaste qu’il est fortement conseillé de consulter les vendeurs et spécialistes des boutiques pour se retrouver dans cet univers scientificoludique du vêtement imper-respirant. 


Comment ça fonctionne?

Gore-Tex

Le principe d’une membrane imper-respirante est simple : elle repose toujours sur deux conditions indispensables. D’un côté, le tissu doit être imperméable à l’eau venant de l’extérieur. De l’autre, il doit être perméable à la vapeur d’eau émise du fait de la transpiration corporelle. Le tissu extérieur du vêtement est ainsi criblé de pores d’un diamètre de 0,2 micromètre, soit 20 000 fois petites qu’une goutte d’eau. De cette façon, l’eau ne peut circuler que dans un seul sens, de l’intérieur vers l’extérieur. De plus, le tissu subit un traitement déperlant : un revêtement qui permet la saturation de l’eau sur le tissu et permet une respiration optimale. L’eau n’imprègne pas le tissu, mais s’écoule sous forme de perle le long de la toile. Concrètement, une membrane fonctionne par différence de pressions entre l’intérieur et l’extérieur du vêtement. Si elle devient plus forte à l’intérieur, il y aura surpression et la vapeur corporelle sera dégagée au-dehors. Mais, attention, ce n’est pas un climatiseur! Tout effort physique entraîne de la transpiration et les vêtements imper-respirants ne sont pas l’idéal pour évacuer totalement l’humidité générée.

L’enduit

Contrairement à une membrane, l’enduit est un liquide que l’on applique à même la surface à protéger. Si ce procédé permet d’apporter imperméabilité et respirabilité au vêtement, il n’offre toutefois pas le même niveau de performance qu’une membrane.


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