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Où sont-ils rendus?

Au fil de ses 100 numéros, Espaces a rencontré une foule d'explorateurs, aventuriers, innovateurs et autres fous du plein air. Retour et mise à jour sur quelques « grands noms » qui ont fait la manchette.

 

Benoît Havard, globetrotteur nordique
par Mathieu Lamarre

Au début des années 1990, Benoît Havard partait faire le tour du monde avec sa chienne Misha. À première vue, rien de totalement extraordinaire, jusqu'à ce qu'on découvre que ce voyage allait s'effectuer à des latitudes nordiques, en passant par la Russie puis l'Alaska et en tirant à vélo la niche-remorque du golden retriever. Soudainement, le périple devenait moins banal.

À l'époque, l'histoire de Benoît avait été reprise par de nombreux médias, pour ensuite être publiée sous forme de livre - il y a même eu un projet de film qui n'a pas abouti. Le gaillard a par la suite raconté ses péripéties dans bien des écoles du Québec, mais aussi prodigué ses conseils de motivation pour nombre d'entreprises. Mais l'appel de l'aventure n'allait pas tarder à se manifester de nouveau. « J'avais commencé à guider des jeunes en plein air lorsqu’en 2004, j'ai été appelé pour un voyage de voile sur glace à la Baie-James. La découverte du ski tracté m'a inspiré le projet d'en faire la promotion auprès des communautés du Grand Nord qui vivent au cœur des plus beaux sites de ski tracté au monde! » En 2005, il démarre le projet Kunoki avec un partenaire et ils trimballent leurs voiles aux quatre coins du Nunavut et du Nunavik, sans manquer les occasions de se payer des excursions en solo dans le Grand Blanc. Partout où ils passent, la magie des voiles colorées glissant sur le blanc arctique opère et illumine les yeux des spectateurs, en même temps que de proposer une avenue saine et sportive à une jeunesse autochtone souvent laissée à elle-même. « Lorsqu'ils se rendent compte qu'ils peuvent aller chasser le phoque sans dépendre de la motoneige, les Inuits se mettent à rêver! »

Benoît continue également à guider des touristes sur des bateaux de croisière en Arctique, même en Antarctique en 2011. En compagnie de sa conjointe, il est dorénavant basé à Goose Bay au Labrador et quand il n'est pas reparti vers l'un ou l'autre des pôles, il initie ses deux jeunes garçons au camping d'hiver. « Lorsqu'ils me demandent d'aller jouer dehors par -25 degrés Celsius, je me dis qu'ils sont sur la bonne voie pour suivre leur père! »

 

Jean Lemire : pôle position
par Gil Thériault

Pour les Inuits, Sedna incarne la déesse de la mer et des mammifères marins. Pour le reste de la planète, il s’agit plutôt du navire scientifique (Sedna IV) sur lequel le biologiste/cinéaste Jean Lemire et son équipe nous font voyager par procuration. En 2002, le vulgarisateur nous a donné Mission Arctique et rafle, avec les cinq documentaires et le long métrage reliés à cette aventure, moult prix et distinctions. En 2005, il change de pôle et réalise Mission Antarctique ainsi que le long métrage Le Dernier Continent qui, à nouveau, soulève l’enthousiasme de la foule et des critiques. L’Organisation des Nations Unies (ONU) lui décerne en 2009 le titre d’ambassadeur de la Vague verte, un vaste mouvement mondial de sensibilisation des jeunes à la biodiversité de la planète. Ce titre confirme le statut international de l’aventurier et lui ouvre bien des portes : « Nous avons entamé une collaboration avec le Smithsonian, le plus grand réseau de musées et de centres de recherche au monde », précise Jean Lemire. Il faut dire que son nouveau projet, qui verra le jour en 2012 et intitulé 1 000 jours pour la planète, exige des partenaires de taille. « Pendant trois ans, nous documenterons la richesse et la beauté des espèces vivant sur Terre et étudierons les rapports qu’elles entretiennent avec l’Homme. Notre équipe, entièrement québécoise, collaborera avec des scientifiques de toutes origines et permettra au public, les jeunes en particulier, d’interagir avec nous. » À partir du mois de mai, une exposition évolutive, basée à Montréal, permettra aux nombreux admirateurs de suivre de près cette nouvelle aventure moderne. Évidemment, un projet d’une telle ampleur demande une logistique colossale : « Depuis deux ans, nous préparons le bateau pour le voyage, faisons la sélection des membres de l’équipage, concluons les ententes avec les différents partenaires, bouclons les budgets, etc. Du gros boulot, mais le jeu en vaut la chandelle », complète le chef d’expédition.

 

Bernard Voyer : de la détermination à revendre
par Marie-Soleil Desautels

Bernard Voyer n'a pas vraiment besoin de présentation. Il a skié la Terre de Baffin en Arctique, traversé le Groenland, s'est rendu au pôle Nord et au pôle Sud. Le Québécois a atteint le sommet de l'Everest en 1999 et a complété en 2001 son tour du monde bien à lui : fouler le plus haut sommet de chaque continent.

Aujourd'hui, l'homme de 59 ans a mis de côté les grandes expéditions : « Mes cheveux blancs me parlent. Je ne prendrai pas mon sac à dos pour aller grimper un 8 000 mètres! » Son sac à dos n'est pas rangé pour autant et, de son propre aveu, il redevient un adolescent chaque fois qu'il le remplit. Son emploi du temps se divise en deux catégories : il donne de nombreuses conférences, tant corporatives que scolaires, et il s’investit dans des causes qui lui tiennent à cœur, dont celles de la jeunesse et de l'environnement.

Et c'est sans doute avec ce cœur d'adolescent qu'il est reparti en mai dernier. Après avoir trouvé du financement, il a invité 11 jeunes au Pérou, surtout des Inuits qui participent au programme gouvernemental des Rangers juniors. Sur place, ils ont planté des arbres, repeint des murs d'école et fait un trek qui a culminé à 4 750 mètres d'altitude. « Arriver au sommet avec eux, c'était presque aussi fort pour moi qu'à l'Everest! », affirme-t-il. « Ces jeunes doivent se dépasser, concevoir des projets environnementaux et s'impliquer dans leur communauté. » Enthousiaste, Bernard Voyer prépare d'ailleurs une deuxième sortie en 2013 avec un autre groupe.

« Si mes exploits du passé m'ont apporté une notoriété qui me permet de convaincre des gens d'embarquer dans un projet qui va servir autrui ou de réaliser leurs rêves, c'est pour le mieux! », conclut-il.

 

Thierry Pétry : apprivoiser la douleur
par Gil Thériault

Le Franco-Québécois Thierry Pétry a vu son nom circuler massivement au Québec en 1996, alors que son compagnon Bernard Voyer et lui devenaient les neuvième et dixième au monde à atteindre le pôle Sud, après 1 500 kilomètres en totale autonomie.

Évidemment, son itinéraire d’aventurier ne se limite pas à cette expédition : Terre de Baffin, Islande, Labrador, Groenland - il en a vu d’autres. Mais Thierry Pétry, c’est avant tout le docteur Pétry, anesthésiste de métier. Il travaille à la clinique de la douleur du Centre hospitalier de Gaspé, se rend plusieurs fois par année à Kuujjuaq pour traiter des patients et participe également à certaines missions de Médecins sans frontières. Il y parraine aussi deux étudiants en soins infirmiers.

Notre homme s’est installé en Gaspésie en 1985. De nature plus réservée que son médiatisé partenaire d'aventure, Pétry avoue humblement préférer la quiétude de sa ferme aux feux de la rampe. Aujourd’hui, son nom est surtout associé à un évènement qu’il a aidé à mettre sur pied au début du nouveau millénaire : la célèbre Traversée de la Gaspésie (TDLG), dont il est notamment le « fermeur de piste » officiel. « En 2012, ce sera un peu différent. Comme je dois être opéré à l’épaule, j’appuierai la logistique en motoneige », confie le baroudeur dans la soixantaine.

 

Fatigué? « Physiquement, l’heure n’est plus au dépassement de soi, surtout après plusieurs grandes expéditions qui ont laissé leurs stigmates. Mais j’apprécie toujours les échanges et les sourires que des évènements tels que la TDLG permettent de vivre et de partager. Et si l’occasion se présente d’aider un autre skieur à vivre pleinement son expérience de plein air, j’en retire beaucoup de plaisir », conclut le passionné.

 

Odile Dumais, la chef du plein air
par Frédéric Laporte

Si vos repas en plein air sont plus diversifiés et meilleurs au goût qu'il y a une quinzaine d'années, c'est en partie grâce à la nutritionniste d'expédition Odile Dumais. Celle-ci est surtout connue du grand public depuis la parution en 1999 du livre La gastronomie en plein air, mais elle est également responsable de la popularisation des aliments lyophilisés, bien plus intéressants que ceux déshydratés. La fameuse « chaudrée nordique », un classique du genre offert dans les boutiques de plein air par la marque québécoise Lyo-San, c'est elle!

Depuis plusieurs années, on la consulte pour superviser l'alimentation des aventuriers qui partent en expédition ou encore des athlètes de haut niveau. L'un de ses plus beaux souvenirs demeure le tournage durant six semaines du film Le peuple migrateur, réalisé sur l'Île Bylot il y a une décennie : « Tous les jours, il y avait des caribous qui déambulaient autour de ma grande cuisine en plein air! »

Au travers de tous ces mandats, Odile Dumais a toujours trouvé le temps de partager son savoir par le biais de conférences et d’articles portant sur le plaisir de manger au grand air, mais surtout dans les salles de cours du département d'éducation physique du réseau de l'Université du Québec. Après de nombreuses années d'enseignement, elle prépare sa retraite en douceur. Probablement d’ici deux ans.

Avec le recul, elle constate avec bonheur la réceptivité grandissante des gens au fait de bien se nourrir et de choisir des aliments de qualité : « C'est extraordinaire ce qu'une personne comme le docteur Béliveau, que l'on voit à la télévision, peut faire pour la santé des gens et pour la compréhension de la nutrition. C'est simple : il parle comme moi! », nous explique-t-elle en riant.

 

Shaunna Burke : d’alpiniste à scientifique
par Émilie Corriveau

Le 30 mai 2005, un peu moins de vingt ans après Sharon Wood, la Montréalaise Shaunna Burke devenait la deuxième Canadienne à atteindre le sommet de l’Everest. Aujourd’hui professeure de psychologie sportive au Institute of Membrane and Systems Biology à l’Université de Leeds en Angleterre, Shaunna pratique toujours l’alpinisme et rêve encore de sommets enneigés.  

« Je ne suis plus aussi active que je l'ai déjà été, mais je suis toujours très sportive, assure d’emblée Shaunna. Je cours beaucoup, je fais du vélo, de l’escalade mais maintenant, la plupart de mes aventures en montagne se font dans le cadre de mon travail. »

Poursuivant des travaux de recherche sur le rôle que joue l’activité physique sur la condition psychologique des cancéreux ou des grands blessés de guerre, Shaunna cumule les ascensions depuis son retour de l’Everest. « J’étudie sur le terrain l'impact que peut avoir l’ascension d’une montagne, par exemple le Kilimandjaro, sur des gens qui ont survécu à la maladie ou qui sont maintenant handicapés. Les résultats sont très intéressants : les sujets ont tendance à être beaucoup plus optimistes face à leur avenir lorsqu’ils réussissent à passer au travers d’importantes épreuves physiques », précise la scientifique.

Si les ascensions qu’elle mène dans le cadre de ses études semblent la combler pour le moment, Shaunna confie qu’elle entend bien se remettre à l’alpinisme pour des motifs plus personnels d’ici quelques années. « Mon souhait serait d'atteindre les sept plus hauts sommets du monde. J'en ai déjà quatre à mon actif. L'idée me trotte dans la tête, même si le besoin ne se fait pas encore sentir de façon très pressante. Mais ça viendra, j’en suis certaine! »

 

Jeff Thuot, professionnel jusqu'au bout de la pagaie
par Frédéric Laporte

À 54 ans, Jeff Thuot constate que le domaine du plein air a considérablement changé depuis une vingtaine d'années, et pour le mieux. « Les quatre saisons sont dorénavant bien occupées. L'automne est plus beau, les voyages d'hiver fonctionnent de plus en plus. Les périodes "mortes" entre les saisons sont courtes », nous explique-t-il. Il estime conséquemment qu'il travaille autour de 260 jours par année comme guide professionnel. Au moment de cette entrevue, Jeff s'apprête à s'envoler pour les Alpes. Guide un jour, guide toujours...

Thuot est l'une de ces figures emblématiques du plein air québécois dont la notoriété n'a d'égal que sa nature réservée, mais toujours accueillante. Il ne l'avouera pas, mais son nom fait référence dans le domaine nautique. Si sa trentaine a été le théâtre de plusieurs exploits à bord de son canot, immortalisés par des médias, la suite de son parcours est ponctuée de collaborations tantôt à titre de guide, tantôt comme consultant pour la Fédération de canot et kayak, pour des fabricants d'équipements et des détaillants, tantôt comme enseignant en plein air au Cégep Saint-Laurent à Montréal.

Le célèbre barbu entrevoit l'avenir avec optimisme : « Le Plan Nord apportera une accessibilité nouvelle aux activités de plein air. C'est certain qu'il y aura des impacts négatifs, mais d'ici dix à quinze ans, on va avoir accès à de nouveaux lieux et on profitera de la nature différemment. Ce que je souhaite, c'est que les gens soient conscientisés qu'ils ont le droit de bouger et d'aller partout, mais de le faire sans impact négatif », conclut-il.

 

Richard Weber, l'aventurier bipolaire
par Guillaume Roy

Sept voyages au pôle Nord, 45 expéditions et plus de 600 jours et nuits à parcourir l’océan Arctique. Richard Weber est sans aucun doute un des plus grands explorateurs de l’Arctique. L'homme est particulièrement fier de son aller-retour au pôle Nord sans ravitaillement en 1995 avec son ami Mikhail Malakhov : « Nous voulions faire un vrai voyage comme les premiers explorateurs, sans ravitaillement et sans avion pour revenir. » L'expédition en ski de quatre mois n’a toujours pas été répétée. Il y a deux mois, Weber revenait de l'autre pôle, sa deuxième conquête au Sud : « À mon premier voyage au pôle Sud, j’ai vu une autre équipe faire du ski aérotracté et ça m'a donné le goût de revenir. » Trente-huit jours pour se rendre au pôle en ski et neuf jours pour faire les 1 100 km du retour en kite, sans compter les journées sans vent. « Après quatre journées frustrantes, nos voiles se sont gonflées et nous avons vécu une expérience incroyable. On a même parcouru 240 km en un seul jour - à pied, on en franchit au plus 40! »

Selon l'expert nordique, ce genre de voyage serait impossible à faire au pôle Nord : « Au pôle Sud, la topographie alpine favorise les vents tandis qu'au Nord, la surface est trop accidentée. Il y a beaucoup trop d’eau et de dépressions dans la glace. Mais surtout, la banquise est constamment à la dérive. » Il note au passage que presque toutes les expéditions au pôle Sud réussissent, alors que seule une poignée d’irréductibles atteignent le Pôle Nord : « En plus du fait qu'avec le réchauffement, la banquise s'amincit à vue d'œil et sa superficie diminue rapidement. »

Avec sa femme Josée Auclair, le grand aventurier compte maintenant se concentrer sur son Arctic Watch Lodge sur l'île Somerset au Nunavut, la base de plein air la septentrionale au Canada. « On veut lancer une deuxième auberge au Nunavut. Je devrais être pas mal occupé avec ça! »

 

Jason Rodi : sur les traces de son père
par Antoine Stab

« Ce n’est pas le but qui compte, c’est le chemin. » Cette maxime, le Montréalais Jason Rodi l’a faite sienne depuis qu’il a pris goût à l’aventure. Alors qu’il venait d’avoir ses 18 ans, il tente l’ascension du Kilimandjaro, sous l’œil bienveillant de son père, Bruno. « Cette expérience commune nous a permis de tisser un lien très fort, un respect mutuel. »

Le pacte est scellé : le duo entreprend de grimper les plus hauts sommets des sept continents. En 2002, après avoir cofondé à Montréal la désormais célèbre entreprise multimédia Moment Factory, il touche le toit du monde sur l'Everest. « Quand j’étais enfant, je pensais que pour accomplir ses rêves, il fallait devenir quelqu’un d’autre. Or en arrivant au sommet, j’étais toujours la même personne, avec mes défauts et mes qualités! Cela m’a rendu fier d’être simplement humain. »

De cette expérience, Jason Rodi tire un documentaire, L’œil du fils, primé dans de nombreux festivals. « Ce film est très subjectif dans son approche. Pourtant, cela m’a permis de rencontrer beaucoup de gens qui venaient s’intéresser à moi et pensaient que j’avais réalisé quelque chose d’inhumain. J’en ai déduit que, pour l’excuse de faire un film, on peut vivre et réaliser n’importe quels rêves, même les plus fous. » En 2007, Jason démarre Nomad, une société de production cinématographique dans le but de financer ses expéditions.

Le duo père-fils vient à peine de repartir à l’aventure en février dernier : une escapade de 33 jours entre le cap Horn et le cap de Bonne-Espérance, via la petite l’Île Bouvet, un petit point perdu au cœur de l’Atlantique Sud. L'idée d'un tel périple au bout du monde est de gravir le sommet de l'île et d'y placer des témoignages dans une capsule étanche pour les générations futures. Signe des aventures modernes, le tout sera diffusé sur le Web : notrefutur.org.