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  • Crédit: Konstantin Shishkin, Shutterstock

Hors-piste, hors-la-loi?

Au Québec, on peut faire du ski hors-piste dans certains parcs de la Sépaq et dans plusieurs autres montagnes, mais le cadre réglementaire du ministère de l’Éducation, du Loisir et de Sports (MELS) du Québec interdit techniquement sa pratique dans les stations de ski. Alors que l’engouement pour le sport augmente et que les initiatives de développement se multiplient, les choses s’apprêtent à changer.

Au printemps dernier, l’Association des stations de ski du Québec (ASSQ) tenait son congrès annuel sous le thème « Entreprendre, c’est réussir ». Pendant ce congrès, un concours d’idées entrepreneuriales a eu lieu « où l'on demandait aux stations des idées pour promouvoir le développement de l'industrie », explique Yves Juneau, président-directeur général de l’ASSQ. Avec son projet de développement d’un secteur de ski hors-piste libre d’accès en partenariat avec la Coop Accès Chic-Chocs, c’est le parc régional de Val-d’Irène qui a gagné le concours dénommé les Dragons du ski.

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« Actuellement, le cadre réglementaire (géré par la Direction de la promotion de la sécurité, un département du MELS) prévoit que le ski hors-piste est interdit, souligne toutefois M. Juneau. Le fait que ce soit un projet de ski hors-piste qui ait gagné notre concours amène une dimension particulière. »

Le Règlement sur la sécurité dans les stations de ski alpin, qui découle de la loi sur la sécurité dans les sports, dit en fait ceci : « Respectez toute signalisation et tout avertissement, et ne vous aventurez jamais hors piste ou sur des pistes fermées ». Selon Théophile Cartier, directeur général de la station de ski Val-d’Irène, c’est le vocabulaire employé qui fait défaut. En mentionnant le terme « hors-piste », le règlement fait plutôt référence au périmètre de sécurité de la station, et non pas au sport qu’est le ski de randonnée, aussi connu sous le nom de « ski touring ».

Attention

Le ski hors-piste comporte des risques inhérents. Vous pouvez en réduire les dangers en suivant ces conseils :

— Prévoyez un téléphone cellulaire ou une radio.

— Portez un casque et des lunettes.

— Skiez/surfez toujours en groupe d’un minimum de 3 personnes. 

— Vérifiez en amont avant de sortir du secteur.

— Évitez ce secteur après 14 h. 

— Les mineurs doivent être accompagnés d’un adulte.

 

« On remarque une baisse d’achalandage dans les centres de ski. Les skieurs cherchent l’action, à être libres, et à être moins encadrés. Le ski hors-piste nous ramène à la base, pour voir nos capacités, chercher notre propre ligne, notre propre voie », soutient Guillaume Molaison, vice-président de la Coop Accès Chic-Chocs qui a réalisé l’aménagement du secteur hors-piste à Val-d’Irène.

Le Massif de Charlevoix a fait la même lecture de la situation alors qu’en 2011, la station ouvrait un secteur de ski hors-piste sur le mont à Ligori pour répondre à une demande de la clientèle. Selon Frédéric Sujobert, le directeur général de la station, la terminologie fait défaut dans la réglementation, mais le ski hors-piste n’est pas interdit en soi selon son interprétation. Il y a plutôt un vide dans la loi. Le Massif a donc ouvert son secteur de ski hors-piste avec des normes de sécurité très strictes et jusqu’à maintenant, personne ne s’est plaint.

« C’est nouveau pour tout le monde et pour répondre aux interrogations, nous avons entrepris les démarches avec le comité de sécurité de l’ASSQ, qui travaille avec le MELS, pour clarifier la situation. Et il y a une volonté de toutes les parties d’établir une façon sécuritaire et acceptable pour développer le hors-piste », explique Frédéric Sujobert.

C’est surtout les questions de sécurité qui nuisent à l’établissement de secteurs hors-piste, car ces secteurs sont souvent plus isolés et parfois réservés aux experts. De plus, le règlement stipule que toutes les pistes incluses dans le domaine skiable doivent être patrouillées.

Comme seuls les skieurs avertis se lancent à l’assaut de tels terrains, le secteur hors-piste au Massif est plus sécuritaire que le reste du domaine skiable, estime Frédéric Sujobert. « D’abord, il faut mériter la descente, car ça prend au moins 15 minutes pour s’y rendre. Il y a donc moins de monde sur les « pistes », les skieurs y sont plus expérimentés et les interventions sont très rares », dit-il. L’an dernier, il n’y a eu que deux interventions banales au Massif. Et le secteur est quand même patrouillé, moins qu’ailleurs dans la station, même si les avertissements stipulent le contraire.

Les skieurs qui s’aventurent dans les secteurs hors-piste doivent toutefois être conscients des risques encourus et ils doivent s’y préparer en conséquence.

De son côté, Val-d’Irène doit composer avec une situation particulière, car la montagne n’est ouverte que du vendredi au dimanche. Pour s’assurer de répondre à la réglementation en vigueur en ce qui a trait aux pistes patrouillées, Théophile Cartier souhaite que le secteur hors-piste soit dissocié de la station de ski et qu’il soit considéré comme d’autres secteurs que l’on retrouve en Gaspésie. « Même lorsque la station sera fermée, on s’engage à secourir les blessés une heure après leur appel dans le secteur hors-piste », ajoute-t-il.

« Ce qui est spécial, c'est que le ski hors-piste soit interdit dans le cadre de l'opération d'une station de ski, mais que ça ne soit pas interdit pour un opérateur de ski de randonnée. Moi je vais essayer de trouver des façons qui permettront d'aller de l'avant, mais il faut tenir compte de la loi. Notre souhait n’est pas de se retrouver en position hors-la-loi », commente le PDG de l’ASSQ.

Pour Luc St-Jacques, responsable du marketing de la station Owl’s Head, qui ouvre également un secteur hors-piste cet hiver, la question de sécurité est similaire à ce qu’on retrouve dans les parcs à neige. « On dit qu’on n’a pas le droit de faire de culbute à l’envers, mais comment peut-on empêcher les jeunes d’en faire? Pour réduire les risques, on met des règlements qui doivent être suivis par les skieurs », dit-il. Dans le cas du secteur hors-piste, il est clairement indiqué qu’ils y entrent à leurs propres risques et qu’ils doivent respecter des règles de sécurité. Juste au sud de la frontière, c’est ainsi que fonctionnent plusieurs stations de ski comme Jay Peak et Sugarloaf. Pourquoi pas au Québec?

Au départ, dans les parcs à neige, les risques étaient méconnus, puis, après quelques expériences, on a fait un guide de bonnes pratiques qui encadrent ces activités. C’est exactement ce que cherche à faire Val-d’Irène. « Notre but avec notre projet-pilote est de faire des recommandations au Ministère pour créer une procédure de gestion des risques. Ensuite, on veut réaliser un manuel de bonnes pratiques de ski hors-piste approuvé par le MELS et les assurances », souligne Théophile Cartier.

Ce futur guide de bonnes pratiques définira comment aménager un secteur hors-piste de façon durable, comment baliser les accès et les issues de secours, comment afficher la signalisation, quelles sont les règles à respecter et comment faire de la prévention. Par exemple, le ski hors-piste doit se pratiquer en groupe de trois au cas où arriverait un accident. De plus, de la surveillance pourrait permettre à ces secteurs d’êtes sécurisés, sans être toutefois patrouillés comme une piste normale.

Pour l’instant, les assureurs soutiennent les stations en voyant la « tolérance » du Ministère. « Le Ministère s’intéresse au développement du ski hors-piste et il étudie présentement la portée de la réglementation dans ce secteur. Ces études n'étant pas encore terminées, le Ministère préfère réserver ses commentaires sur la question », a soutenu Bryan St-Louis, responsable des relations avec la presse au MELS.

 
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