Personnalités inspirantes
Relever un défi et vivre à fond leur rêve de plein air : voilà ce que ces trois amateurs d’aventure sont en train de réaliser. Au passage, ils risquent fort de vous inciter à faire la même chose!
Mylène Paquette : l’appel du large
À partir du 15 juin, Mylène Paquette traversera l’Atlantique à la rame en solitaire : 5 000 kilomètres d’ouest en est, entre Halifax et Lorient, en France.
Comment est né ce projet de traverser l’Atlantique à la rame en solitaire?
Cela faisait quelques années que je nourrissais un amour pour le nautisme et la rame océanique, mais je l’ai gardé secret. Quand je travaillais au CHU Sainte-Justine au contact des enfants malades, je me suis beaucoup interrogée sur le sens de ma vie, je ne me sentais pas à ma place dans le cadre médical. Une patiente m’a dit que je ne m’étais jamais vraiment battue dans la vie. Ça a été comme un déclic. J’aime dire que ce n’est pas moi qui ai choisi le projet, mais le projet qui m’a choisi.
Quelle préparation avez-vous suivie?
Je ne voulais pas me lancer dans ce projet sans avoir de l’expérience. J’ai commencé à ramer il y a seulement quatre ans et demi. En 2010, j’ai fait la traversée de l’Atlantique à la rame avec un équipage : 5 000 km en 58 jours entre le Maroc et la Barbade. En 2011, j’ai ramé sur le Saint-Laurent : 1 300 km entre Montréal et les Iles-de-la-Madeleine, pour mieux connaitre le bateau et moi-même. À la fin 2011, une fracture du bras m’a empêché de ramer en 2012, mais j’ai continué d’étudier la navigation et améliorer mon bateau, car c’est une extension physique de mon corps pour ce projet. Au total, cela fait six ans que je me prépare pour cette traversée!
Quels défis allez-vous devoir surmonter?
D’abord le climat, avec les périodes de froids, les vagues, les vents contraires. Autant de facteurs à surveiller pour éviter de chavirer. Durant la traversée, je vais devoir descendre dans l’eau pour nettoyer la coque. C’est mon pire cauchemar : je déteste cela! La solitude et l’isolement seront aussi un défi. Enfin, je vais devoir gérer l’imprévu. Mais je me suis préparée pour y faire face, avec des procédures et des automatismes en cas de coups durs. Je serais assistée d’une équipe d’une vingtaine de personnes : un routeur météo pour m’aider à tracer ma route, notamment à renter et à sortir du Gulf Stream, deux médecins, un psychologue. Mais au-delà du défi sportif, c’est aussi une occasion de parler de la mer et des nombreux déchets qui y sont déversés. Cela m’avait choquée lors de ma traversée en 2010. C’est pourquoi je vais être très présente sur mon site Web et sur les réseaux sociaux, avec des textes, des photos, des vidéos et des messages vocaux.
Qu’est-ce qui vous plait tant dans ce type d’épreuve?
Être dans l’action, dans la poursuite du temps présent. Quand je suis sur mon bateau, je ne pense ni au passé, ni au futur, mais au moment présent. Je suis dans une espèce de transe, où je ressens mieux ce qui m’entoure, l’environnement, les étoiles. Je ne pense pas à ma déclaration d’impôts!
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Pour la suivre en ligne : mylenepaquette.com
Crédit photo : Patrick Mével
Monique Richard : L’Everest – épisode 2
Un an après avoir conquis les sept sommets en 32 mois, Monique Richard est repartie en Himalaya pour tenter l’ascension cette fois du versant nord de l'Everest… et sans oxygène!
Pourquoi retourner sur l’Everest un an après votre dernière ascension?
L'Everest représente à mes yeux un défi de taille et de dépassement de soi puisque c'est le plus haut sommet, mais aussi un attrait énigmatique que je ne peux expliquer. C'est la quatrième fois que j'y pose les pieds. Je crois que l'Everest est comme mon coach de vie. J'ai besoin d'aller le plus haut possible sans oxygène pour tester réellement mes limites.
Quel sentiment vous procure ce retour?
À mon retour de l'Everest, j'étais plutôt triste. Ma quête des sept sommets venait de se terminer. Intégrer la routine a été en fait mon huitième sommet. Je devais prendre le temps d'intégrer, d'assimiler et de digérer cette magnifique expérience. J'ai grandi énormément à travers cette quête. Vivre sa passion à tout prix est un combat contre la gravité, tout te tire vers le bas et j'en ressens encore les séquelles. Tu as comme seul moteur ta détermination! Mais aujourd'hui, le feu pétille toujours, car j'y ai mis des buches au lieu d'étouffer cet élan énergétique.
Qu’est-ce qui vous plaît tant dans le fait de grimper de hauts sommets?
Tout mon potentiel et mes aptitudes s'épanouissent dans cet univers. Je suis comme un poisson dans l'eau! J'aime cette philosophie qui est de mériter, par l'effort et le dépassement de soi, la récompense du sommet. La montagne, c'est une initiation à une conscience plus claire et harmonieuse avec la nature, l'énergie, soi-même.
Après avoir souffert pour monter au sommet d’une montagne, dans quel état d’esprit êtes-vous?
La souffrance n'est pas ce qui me freine dans un projet. La souffrance peut être une source d'apprentissage très riche. Ce qui me faisait souffrir il y a trois ans n'est pas nécessairement identique aujourd'hui. J'ai dû m'adapter, apprivoiser, changer ma manière de faire, en venir à apprécier cet inconfort qui me fait sentir vivante et me fait puiser dans des ressources parfois insoupçonnées.
Quelle préparation avez-vous suivie?
Cette fois, ça a été plutôt difficile en termes de préparation. Pour les sept sommets, j'avais pris une année sabbatique, j'avais du temps pour me concentrer sur mon projet, être encadrée par un entraineur et une diététicienne et surtout me reposer. Cet hiver, j'ai dû allier travail et préparation. Je me levais à 5 h du matin pour faire mon spinning d'une façon anaérobique, car en altitude, c’est dans cette voix énergétique que le corps puisera. Aussi de la musculation afin de minimiser la perte de muscles en altitude. J'ai loué une tente hypobare pour 10 semaines afin de partir acclimatée. Je dormais sept à huit heures dans cette tente.
Votre expédition a aussi un aspect solidaire.
Ma sœur et ma meilleure amie souffrent de la fibromyalgie. Étant témoin de leur dur combat, j'ai voulu m’impliquer en grimpant avec le drapeau de l'Association de la fibromyalgie (afim.qc.ca). Je ne fais aucune collecte de fonds : c’est une action volontaire et bénévole, mon implication pour donner une visibilité à cette maladie tant jugée et si mal connue.
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facebook.com/monique.richardalpiniste
Jean Lemire : « La dégradation de la biodiversité s’accélère! »
Depuis un an, et pour encore deux autres années, le biologiste et cinéaste Jean Lemire parcourt le monde en bateau dans le cadre de l’expédition 1 000 jours pour la Terre afin de dresser un état de la biodiversité de la planète.
Quel est l’objectif de cette expédition 1 000 jours pour la planète?
J’ai beaucoup été aux pôles, en bas et en haut. Je voulais me concentrer sur le milieu. Renvoyer un miroir sur le monde pour pouvoir faire un constat, dresser un état de la biodiversité de la planète, en collaborant avec des scientifiques. Un voyage de trois ans, 1 000 jours, à bord du bateau SEDNA IV, c’était un minimum pour découvrir la diversité de la vie et témoigner de son fragile équilibre. C’est une toute petite planète, mais avec beaucoup de problématiques.
Après un an, quel premier bilan dressez-vous?
Très critique. Dans cet acte un de l’expédition, on s’est concentré sur les Antilles, les Caraïbes et quelques pays de l’Amérique centrale. Ainsi, on a pu se rendre compte que la dégradation de la vie, la disparition des espèces, tout va plus vite qu’on le pensait. Nous ne sommes plus dans la projection d’un futur hypothétique, mais bien dans la réalité concrète et observable. C’est affolant! Cela nous a obligés à changer de ton dans notre discours. Dénoncer davantage cette réalité pour faire réagir les gens. Par exemple, pour le problème de la pêche, si rien ne change, il n’y en aura plus dans 50 ans... Qu’est-ce que l’on fait pour le milliard de personnes qui en vivent directement?
Avez-vous observé des actions concrètes de l’homme?
On a rencontré des gens qui ont pris conscience du problème et qui dédient leur vie à la préservation de l’environnement et la sauvegarde des espèces. Un biologiste anglais a récemment sauvé l’iguane bleu aux Iles Galápagos, une espèce considérée comme presque éteinte. À son arrivée, il n’en restait que 12 individus. Aujourd’hui, à force de volonté et de travail, on en dénombre entre 600 et 750.
L’expédition a aussi un volet pédagogique.
Notre camp de base est au Jardin botanique de Montréal, en communication directe et permanente avec le bateau et l’équipage. Le ministère de l’Éducation est l’un de nos partenaires. Via le site Internet, on propose aux professeurs et aux élèves de s’emparer du sujet de la richesse, la beauté et la fragilité des espèces vivantes et des écosystèmes en participant à des projets pédagogiques. Il est essentiel d’investir dans l’avenir si l’on veut arriver à créer un monde meilleur.
Quelles seront vos prochaines destinations?
L’acte deux du voyage se fera entre mai 2013 et janvier 2014, dans l’Océan Pacifique : Nouméa, les iles Salomon, Kiribati, les iles Phœnix, Tuvalu, l’Indonésie avec la pêche au cyanure et aux explosifs, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, Sumatra et Bornéo.
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sedna.radio-canada.ca