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  • Crédit : Gran Fondo Forillon

Louis-Pierre Dupuis, l’homme qui pédale sa vie

49 330 : c’est le nombre de kilomètres roulés par Louis-Pierre Dupuis en 2015, ce qui fait de ce Québécois de Gaspé l’un les cyclistes les plus actifs dans le monde. Pour lui, le vélo n’est pas seulement une passion ou un passe-temps, c’est un mode de vie.

Quel sentiment vous procure le fait d’être l’un des cyclistes les plus actifs au monde?

Une certaine fierté, mais je ne m’en vante pas. Quand j’étais jeune, mon rêve était de devenir cycliste professionnel, mais à force d’être placé dans des familles d’accueil, je l’ai mis de côté. Rendu à mon âge, j’ai bien plus de temps pour pédaler, et ce, dans n’importe quelle condition, qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige : je roule tous les jours et j’en suis très heureux.

Depuis quand roulez-vous sur de longues distances?

Je suis inscrit sur Strava depuis novembre 2012, mais en réalité, j’ai commencé les longues sorties en 2005. En 11 ans, j’ai roulé 278 547 kilomètres.

Quel plaisir éprouvez-vous à vélo?

J’aime pédaler seul, pour découvrir les paysages, les magnifiques montagnes du Québec. Je suis un gars solitaire, qui aime rouler dans sa bulle. Je préfère la solitude : c’est plus sécuritaire et je peux m’arrêter quand je veux, prendre des photos. En peloton, tu dois suivre la vitesse du groupe; moi, je préfère suivre mon propre rythme, sur de longues distances. Je roule moins vite — à 30 km/h environ —, mais plus longtemps. J’écoute ma musique d’une oreille et cela m’aide à tenir!

Arrivez-vous à concilier votre vie et le vélo?

Ma vie tourne autour du vélo! Je n’ai plus de voiture depuis l’automne 2011. Je fais tous mes déplacements à vélo : mon épicerie, mes trajets pour aller à la boutique de réparation… Je joins l’utile à l’agréable!

La motivation vous fait-elle parfois défaut?

Oui, je suis un être humain! Certains matins, c’est difficile, surtout quand il pleut fort et qu’il fait froid. Les premiers deux kilomètres, j’ai le goût de virer de bord, mais je me concentre sur ma musique. Je me dis que d’autres personnes souffrent beaucoup plus que moi. Si elles ne se plaignent pas, pourquoi le ferais-je? C’est comme ça que je me motive.

Quelles qualités physiques sont requises pour rouler autant de kilomètres?

Un bon cardio et de bonnes jambes. Ma force, c’est dans les côtes. J’ai fait trois commotions cérébrales en 2012, à la suite d’accidents à vélo. Les médecins me pressaient d’arrêter, mais j’ai décidé de faire le contraire. J’ai des problèmes d’équilibre et des étourdissements, mais sur un vélo, tout disparaît! Un neurologue m’a expliqué que le vélo me permettait de me concentrer sur un seul point en avant. Ça ne me guérit pas, mais ça me soulage énormément. Je finirai mes jours sur un vélo!

Votre corps est-il meurtri?

Mon corps supporte très bien le vélo tant que je me nourris bien. Je ne fais pas d’autres activités, pas d’étirements, pas d’échauffements. J’embarque directement et j’y vais graduellement. Je m’alimente beaucoup, et quand je pars, mon sac à dos est rempli d’aliments… Parfois, mon corps doit se demander quand je vais finir par me calmer. Mais en ce moment [en février 2016], il doit être content, car je suis au repos forcé, après une opération.

Crédit : Gran Fondo Forillon

Quels sont vos itinéraires favoris, vos routes préférées?

Cela dépend du sens du vent. Si je l’ai de face, je pars dans l’autre direction, vers Gascon et Port-Daniel. L’hiver, je vais davantage vers Chandler ou Saint-Georges. Mais je préfère le coin de Gaspé et le parc national Forillon, car il y a beaucoup de côtes. J’aime faire travailler mes jambes dans les montées.

Quel est votre plus beau souvenir de cycliste?

En Virginie, pour des camps d’entraînement. De belles sorties, de beaux paysages dans les montées, une place tranquille. Du monde sympathique et des amis cyclistes. La belle vie, quoi!

Et votre pire souvenir?

C’était l’hiver dernier, lors d’une tempête de neige, avec des rafales de 50 km/h. Je ne voyais rien devant moi, je roulais à vue. Une déneigeuse est arrivée derrière moi; au moment même où je me suis déporté sur la gauche pour la laisser passer, une autre est arrivée en face. Je me suis dit que ma dernière heure était arrivée. Le camion s’est arrêté à 10 pieds de moi… Le conducteur a dû sacrer tous les blasphèmes de la planète!

Quel est le défi dont vous êtes le plus fier?

En 2006, j’ai roulé 12 heures en ligne pour la fondation de l’hôpital de Gaspé, soit 378 km, ou 18 tours de 21 km. J’aimerais réaliser d’autres défis, mais ça demande beaucoup d’argent, et l’entretien des vélos me coûte déjà très cher…

Sans emploi, comment arrivez-vous à financer cette passion?

J’ai travaillé toute ma vie et je reçois un petit chèque chaque mois. Plus personne ne veut m’engager à cause de mes commotions cérébrales. L’année dernière, grâce à un article de Radio-Canada, j’ai trouvé un commanditaire dans la région : la pharmacie Jean Coutu de Terry et Michel Whittom, à Grande-Rivière. Ils ont payé 2500 $ de pièces de vélo. Ils ont renouvelé leur aide pour cette année. D’autres personnes m’ont aussi aidé pour me rendre à un camp cycliste en Virginie : le Groupe centrifuge Marc Dufour, Lyne Bessette, les Pêcheries Desbois, André Rossignol... Chacun a financé une partie de mon voyage et de mon transport ou m’a donné de l’équipement.

Malgré tout, quels sont vos rêves de cycliste?

Comme je n’ai pas été capable de réaliser mon rêve de jeunesse, j’aimerais assister aux Grands Prix cyclistes de Québec et de Montréal, pour rencontrer les professionnels, leur parler. Et pourquoi pas rouler avec eux et faire un tour de circuit? J’en serais très heureux!


49 330 km en 2015

soit une moyenne de 135 km par jour. C’est 9330 km de plus que le tour de la Terre par l’équateur.

1928 heures passées sur le vélo, soit environ 5 heures par jour.

485 604 m d’élévation, soit 54 fois la hauteur de l’Everest (8848 m).

Équipement : 4 vélos

2 pour l’été :
- un LeMond Temperley en aluminium, acheté en 2005;
- un Trek Domane 6.2, acheté en 2014.

2 pour l’hiver :
- un vélo de montagne de 1990 en acier, 33 livres, sans suspension et presque sans freins(!);
- un vélo mi-trail, mi-route, avec suspension.

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