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  • Crédit : Lyndon Marceau, Marceau Photography

Ultra-Trail World Tour : Le monde à l’envers en Australie

L’Ultra-Trail World Tour, c’est douze courses de 100 km ou plus, disputées partout sur la planète. Cette année, je participe à trois de ces courses : celles de Hong Kong, d’Australie et du mont Blanc. Et comme j’aime bien les surprises, je prendrai chaque départ sans jamais étudier le tracé, le dénivelé ou les ravitaillements... De toute façon, que pourrait-il bien m’arriver?

En étendant sur le sable blanc ma serviette de plage estampillée Ultra-Trail Australia, je réalisais un objectif vieux de vingt ans : mettre les pieds aux antipodes. À quelques dizaines de mètres de moi, des surfeurs flottent, attendant patiemment le prochain rouleau. Au-dessus, les énormes silhouettes des cacatoès funèbres se découpent sur un ciel bleu pur. En arrière, la ville de Sydney, superbe, déploie ses falaises sur la mer de Tasman.

La veille au soir, encore hébergé à Katoomba, à 100 km de là, je paniquais en voyant la conductrice accélérer sans quitter des yeux son téléphone. Après une éternelle seconde, je me traitais intérieurement d’idiot : ici, tout est à l’envers et le volant est à droite… Quelques jours seulement après notre arrivée, difficile de s’y faire. Et ça ne s’arrange pas avec la fatigue d’une course de cent kilomètres.

Par contre, pour la passagère et son conducteur, des Britanniques installés à Sydney, rouler à gauche est tout à fait naturel. Ils venaient de nous embarquer pour nous aider à couvrir les quelques kilomètres séparant la ligne d’arrivée de notre hôtel. Je venais de conclure ma deuxième étape de l’Ultra-Trail World Tour, et je n’avais plus du tout envie de marcher.

En effet, peu de temps avant de tomber sur nos deux samaritains et tout juste quelques minutes après avoir arrêté ma montre pour sceller 14 heures 21 minutes et 47 secondes d’effort, j’étais plié en deux, pris de sévères nausées. Les centaines de marches d’escalier menant à l’arche finale m’avaient démoli. La course se termine où elle a commencé : en haut, dans le complexe Scenic World, qui abrite le téléphérique permettant aux masses touristiques d’explorer la vallée à quelques centaines de mètres plus bas. Pour les coureurs, pas d’aide mécanique, évidemment, les jambes doivent tout faire.

Crédit: Marceau Photography

Ces ultimes escaliers, je les attendais depuis un bon moment, guettant leur apparition dans la nuit percée par le faisceau de ma lampe frontale. Malgré la douleur qu’ils allaient m’infliger, ils indiquaient la fin d’une très longue balade dans le parc des Blue Mountains, un site naturel inscrit au patrimoine mondial par l’UNESCO.

En compagnie de 1300 autres coureurs, j’explorais depuis l’aube les dédales d’une vaste forêt d’eucalyptus tapissant la vallée en contrebas, les cascades et les chutes d’eau de toutes tailles nourrissant des bassins d’eau pure, et j’arpentais les sentiers épousant les falaises ou, plus loin, les routes de terre poussiéreuses serpentant entre les pâturages.

Ces derniers mois, j’ai traversé au pas de course bien des contrées exotiques et, la plupart du temps, les parcours de ces ultramarathons nous font franchir des dénivelés imposants. Mais ici, en me frayant un chemin entre les touristes venus en bus admirer la triple formation rocheuse des Three Sisters, je commençais à comprendre le piège de cette course en montagne, dont le dénivelé semble avoir été dessiné par les renards volants, ces chauves-souris géantes qui nichent la tête en bas : c’est grisant de commencer en haut des falaises et de dévaler les pentes avec des jambes fraîches… mais ce sera autrement plus pénible de me hisser lourdement vers la ligne d’arrivée pour mettre fin à cet exercice. Une chose est sûre, il me sera impossible de finir par un sprint.

En attendant de sentir mes jambes faiblir par l’assaut de ces pentes artificielles, mes yeux s’abreuvent du paysage majestueux, et mes oreilles, parfois, s’emplissent de sons de didgeridoo, joué en pleine nature par des musiciens sortis d’on ne sait où.

Crédit : Alexis Berg

Par contre, je regrette presque de ne voir aucun animal. Presque, car avant de poser le pied sur cette île-continent, j’avais cru comprendre qu’en Australie, tout ce qui est vivant est potentiellement mortel.

Si j’ai vaguement côtoyé la mort en passant près d’un cadavre de kangourou, c’est dans les premiers kilomètres que le bruit des feuilles mortes dérangées par un animal de taille respectable a failli me coûter cher. Nerveux, j’ai tourné la tête pour savoir quel monstre allait me tailler en pièces. Ce n’était qu’un oiseau-lyre, imposant, certes, mais inoffensif. Sauf qu’en regardant ailleurs alors que je courais à fond de train sur ce sentier étroit à flanc de montagne, j’ai failli quitter la trace et me faire avaler par le sous-bois.

Cette erreur aurait pu me valoir une belle chute. Mais avant même le départ, j’avais commis un autre impair qui, lui, m’a coûté une rondelette somme. Malgré mon expérience de coureur polaire, j’ai dû composer avec des bénévoles m’expliquant comment je devais m’équiper pour affronter le froid de l’automne australien, à l’occasion du contrôle du matériel obligatoire. Le monde à l’envers! Ces derniers s’étant révélés inflexibles, j’ai dû remplacer les collants m’ayant permis de franchir les pires hivers québécois par une paire toute neuve en laine mérinos. Coût : 70 $. Thanks, mate!

Mais c’était là un faible prix à payer pour prendre le départ d’une telle épreuve, surtout après avoir fait des pieds et des mains pour décrocher un dossard. Vous auriez dû me voir, en janvier dernier, sauter de joie dans ma cuisine, quand les organisateurs m’ont annoncé que je pouvais m’inscrire illico malgré la longue liste d’attente. Quand j’y repense, j’en suis encore tout retourné : ça m’avait alors vraiment mis à l’envers… dans le bon sens du terme.

Les meilleurs moments de l’Ultra-Trail Australia 2016


12 courses pour champions de l’endurance

Fondé en 2013, l'Ultra-Trail® World Tour est une compétition internationale de douze ultra-trails. Elle s’entame par la Hong Kong 100, qui se déroule en janvier et se conclut en octobre par la Diagonale des fous – alias le Grand Raid –, sur l’île de la Réunion. Ces  courses (catégorie SERIES) permettent à tous les participants de recueillir d’avantage de points pour le classement général de l’Ultra-Trail® World Tour. Cinq autres courses (catégorie FUTURE) ne remplissent pas encore la totalité des critères déterminés par l’Ultra-Trail® World Tour, mais promettent de le faire dans un avenir proche. L’objectif principal des courses FUTURE est d’intégrer le Tour dans les 1 à 2 ans.

ultratrail-worldtour.com

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