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  • Père et fils en randonnée © Shutterstock

Rando père-fils sur le mont Cascade

Initier ses enfants à la randonnée en montagne, c’est la promesse d’échanges complices, parfois non-dits, et d’un rapprochement assuré. Surtout quand la conquête du sommet est au rendez-vous. Récit sur le mont Cascade, dans les Adirondacks.

Il y a de ces journées charnière qui séparent, tel un rasoir, deux périodes d’une vie. Ces journées qui restent en mémoire jusqu’à la mort. Après l’avant, avant l’après. Comme la dernière journée d’été qu’allait vivre mon fils Émile, 12 ans, avant d’entrer dans le monde à la fois stimulant et terrifiant de l’école secondaire. Et je tenais à tout prix à passer ses dernières heures d’enfance et d’innocence en sa compagnie, question de lui faire comprendre qu’il pourra compter sur son père pour la suite des choses, comme il avait pu le faire, par le passé.

Pendant des jours, j’ai cherché l’activité idéale qui favoriserait le rapprochement et les confidences. L’idée d’initier Émile à la randonnée sportive s’est rapidement imposée. Plongés en pleine nature, loin des bruits de la civilisation et des distractions technologiques, nous allions pouvoir passer du temps en tête à tête, engagés dans le but commun de gravir une montagne.

Après quelques recherches et consultations, j’ai arrêté mon choix sur le mont Cascade, en plein cœur des Adirondacks. La distance pour atteindre son sommet et en revenir (7,7 km) et la promesse d’une vue spectaculaire du haut de ses 1249 mètres, me semblaient parfaites pour une première sortie père-fils dans cette magnifique chaîne de montagnes. Ma proposition a enthousiasmé Émile et la date du 29 août fut encerclée dans le calendrier. Ne restait plus qu’à attendre ce jour dernier et espérer que mère nature soit de notre côté.

La grande aventure

Point de vue sur les Adirondacks  Shutterstock Hugo Brizard - YouGoPhoto

Nous nous sommes réveillés à 7 h du matin, avons enfourné un bon déjeuner, vérifié le contenu de nos sacs à dos, puis avons pris la route, souriants et excités. Les conditions météorologiques étaient idéales : quelques nuages éparpillés, un soleil doux, il ne faisait ni chaud ni froid… nous étions bénis des dieux.

Nous avons échangé pendant deux heures et demie, dans notre petite capsule privée qui fonçait droit vers le sud et les 46 sommets de plus de 1200 mètres des Adirondacks. Avons parlé des transports en commun qu’Émile allait désormais prendre seul, de la combinaison de son cadenas qu’il n’était pas certain de pouvoir mémoriser, du fait qu’il allait devoir changer de classe à chaque cours, qu’il allait côtoyer des grands de 16-17 ans – « Papa, y’en a qui ont même de la barbe! » - et des filles, sujet hautement tabou, qui a été presque immédiatement détourné par mon fils sur… les récentes acquisitions des Canadiens de Montréal.

Après une sympathique promenade dans la campagne profonde de l’État de New York, nous avons enfin atteint le stationnement d’où débutait le sentier qui allait nous mener au sommet du mont Cascade. Nous avons ajusté les sangles des sacs à dos et nos souliers de marche, puis nos jambes se sont enfin activées. 


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Carburer au défi

Nous avions, par le passé, parcouru quelques sentiers relativement plats de la région de Montréal et des Laurentides. Émile s’attendait ainsi à une répétition de ces promenades du dimanche. Il fut donc surpris de se retrouver face à une importante pente à monter. Mais l’inclinaison de la montagne et l’effort soutenu qu’il fallait fournir pour la gravir ne l’ont pas découragé. Au contraire, il a embrassé le défi, motivé comme un jeune premier. 

Émile a foncé et s’est autoproclamé « chef de mission », à mon grand plaisir. Son empressement me faisait sourire. Il manquait visiblement d’expérience. Il allait se fatiguer et nous allions devoir multiplier les pauses. Mais rapidement, j’ai compris que c’était plutôt à moi de m’ajuster à la cadence imposée par mon fils, qui s’élevait à la vitesse grand V, roche après roche, dépassant marcheur après marcheur comme s’il avait fait cela depuis des années.


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Après une demi-heure à monter comme un escalier le flanc de la montagne, j’ai feint un lacet détaché pour imposer une pause à ma chèvre des montagnes. « Quoi, déjà? » m’a-t-il lancé, découragé, comme si son aventurier de père (je lui avais auparavant énuméré  les grandes randonnées que j’avais effectuées un peu partout sur la planète) lui était devenu un boulet.

Après avoir avalé un peu d’eau (et mon orgueil), nous sommes repartis de plus belle à la conquête du ciel. Émile saluait avec courtoisie les marcheurs en anglais (et quelques Québécois en français), qui l’encourageaient à continuer : le sommet n’était plus très loin.

La végétation changeait. Les arbres se faisaient de plus en plus petits et rares. Le soleil caressait désormais nos visages. Les lacs et les autres montagnes apparaissaient. Nous approchions du sommet. Émile était fébrile et j’étais heureux; c’est toujours magique d’observer ses enfants vivre de nouvelles émotions.

Tout en haut, l’émerveillement

Vue sur le Mont Cascade  shutterstock ian-Tessier

Après une heure et demie de marche, nous avons finalement atteint la cime du mont Cascade. La vue à 360 degrés sur le parc des Adirondacks et ses nombreuses montagnes était à couper le souffle. Émile laissa échapper un « Wow! » bien senti qui résumait bien notre impression. Je l’ai saisi dans mes bras et l’ai soulevé de terre : « On a réussi mon grand! On l’a fait! » Son sourire était rayonnant et des étoiles brillaient au creux de ses yeux.

Nous avons dévoré un lunch bien mérité et avons profité de la vue pendant une bonne trentaine de minutes, sans bouger (un nouveau record pour Émile). Puis soudainement, il a pointé le plus haut mont des environs, le mont Marcy, puis m’a demandé si nous pouvions nous y attaquer, la prochaine fois. « Bien sûr! L’automne, pendant les couleurs, ça serait incroyable! » que je lui ai répondu. Il a esquissé un sourire de vainqueur, des plans plein la tête, puis nous avons entamé notre descente. 

Journée historique

mile au sommet du Mont Cascade  Garbiel Anctil

Le retour fut rapide (une heure environ) mais exigeant, surtout pour mes genoux, qui encaissèrent les chocs de la descente à répétition. Une fois de plus, j’étais concentré à suivre le rythme effréné établi par mon héritier, à qui j'ai dû demander à quelques reprises de ralentir le tempo. 

Arrivés au commencement, j’ai compris à sa posture gonflée à quel point Émile était fier d’avoir monté et descendu sa première montagne. De mon côté, j’étais particulièrement heureux de l’avoir initié aux plaisirs de la randonnée sportive et d’avoir passé ces quelques heures de grande intimité, seul avec mon aîné. J’ai aussi compris que les sentiments les plus forts que nous avions échangés n’avaient pas été articulés. Le simple fait de se retrouver dans la quiétude de la forêt, à faire équipe pour surmonter ce défi sportif, nous avait davantage rapprochés que n’importe quel discours prononcé. 

Sur le chemin du retour, alors que je pouvais observer à satiété les traits endormis et détendus d’Émile, c’est ému que j’ai réalisé qu’un enfant avait gravi cette montagne, mais qu’un adolescent en était redescendu.

Commentaires (1)
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Yodabee - 27/09/2017 21:01
Félicitations pour cette rando père-fils mais pourquoi avoir mis une vieille photo du lac qui n'existe plus vraiment (Marcy Dam) ?
La photo est jolie mais on ne passe pas par là pour aller sur Cascade.
Bravo Émile; plus que 45 sommets à gravir.