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  • Crédit : Jérémie Leblond-Fontaine

Baleines et kayaks sous les étoiles

En kayak de mer, le patron, c’est la météo. Du brouillard? Trop dangereux. C’est venteux? On ne s’aventure pas. On est à marée basse? Pas question de mettre à l’eau entre les rochers, surtout la nuit. Mais en août dernier, dès que dame Nature y a mis du sien, j’ai quitté Montréal sur un coup de tête pour me glisser dans un kayak le soir même, sur la Côte-Nord... avant de récidiver à l’aurore. Récit en demi-teintes et en lumières.

Bioluminescence sous les étoiles filantes

Il est 22 h et la nuit tombe. Au camping de l’Anse à la cave, le sommeil a déjà gagné bien des visiteurs. D’autres veillent autour d’un feu de camp : la nuit est fraîche. Dans la cabane où se trouve l’équipement de kayak, il flotte une odeur d’humidité, et le wetsuit encore mouillé de la sortie de la fin d’après-midi est peu invitant. Un peu de courage et je l’enfile quand même. J’accroche un bâtonnet lumineux sur ma veste de flottaison et je m’équipe d’une petite lampe de poche en cas de besoin. Dans la pénombre, je me dirige vers les kayaks avec Mélissa, ma guide de Mer et Monde Écotours, et d’autres kayakistes. Puis, la réalité me frappe : nous allons nous promener sur les eaux froides du fleuve, en pleine nuit. J’ai l’impression de préparer un mauvais coup. Je retombe en enfance.

Quelques participants à l’aventure sont pris d’une frousse. Mélissa les rassure. Les premiers coups de pagaie dans l’eau sont intrigants : nous avons l’impression de voir de petites bulles. Il s’agit en fait de plancton lumineux. Chaque petite avancée engendre ainsi une traînée de lumière, produite par la bioluminescence de ces micro-organismes. Je me sens comme la fée Clochette dans un conte de Walt Disney!

À chaque coup de pagaie, des poissons s’enfuient. La guide raconte qu’elle a déjà vu des bélugas illuminés passer sous son kayak; ils ne nous ont pas rendu visite cette nuit-là. En revanche, le ciel est complètement dégagé et une pluie d’étoiles filantes déferle au-dessus de nos têtes, en cette saison des Perséides. Cruel dilemme : regarder vers l’eau ou vers le ciel?

Il y a quelque chose d’irréel dans cette sortie de nuit. Une expérience quasi mystique, où nos sens sont mis à contribution d’une façon extraordinaire. Notre vision s’adapte à l’obscurité, notre ouïe est à l’affût. Nous ne voyons pas d’animaux, mais nous en entendons. Surtout des phoques, avec leur respiration sourde, presque inquiétante.

Nous tentons d’écouter les chants des baleines sous l’eau avec un hydrophone, mais un bateau qui croise dans les environs occupe tout l’espace sonore. Tant pis. Et puis, c’est le temps de rentrer. C’est alors que nous réalisons à quel point nous sommes plongés dans l’obscurité, en plein estuaire du Saint-Laurent. Comment retrouver le campement? La guide en a vu d’autres. Nous suivons donc docilement ses directives, puis elle allume sa lampe frontale dans la noirceur totale : nous voici bientôt revenus directement face à la montée des kayaks.

Crédit : Jérémie Leblond-Fontaine

Lever de soleil entouré de baleines

Il est 4 h 30. La nuit a été courte : environ deux heures et demie de sommeil. Nous nous levons, motivés et excités... sauf à l’idée d’enfiler encore une fois nos combinaisons humides et froides. C’est l’aurore et le croissant de lune est encore bien visible. Alors que nous mettons nos kayaks au fleuve, un petit rorqual sort complètement de l’eau, face à nous, créant tout un vacarme. Devant sa gueule béante, nous nous regardons tous, bouche bée.

Nous commençons à pagayer, doucement. Nous voici en mode contemplatif, pratiquement seuls dans l’estuaire, hormis un paquebot au loin. Le silence est total, si ce n’est le bruit du plongeon des baleines. Nous croisons bientôt des marsouins, ces petites baleines grégaires qui se déplacent en groupe et qui finissent par nous encercler littéralement.

Quant aux goélands, ils bavardent tout en pêchant. L’un d’eux enfourne une étoile de mer, puis s’envole en tenant le reste de la bête à cinq bras dans son bec. La guide attire mon attention : à la droite du kayak, une méduse. À cette heure où la plupart des humains dorment sur leurs deux oreilles, un autre monde plein de vie s’ouvre à nous. Et soudain, les nuages deviennent rouges. Le soleil se lève. Nous arrêtons de pagayer pour admirer le spectacle.

Encore des marsouins. « Un bébé et sa maman », nous dit Mélissa, en précisant que ces petits cétacés se reproduisent chaque année, contrairement aux baleines. L’un d’eux sort de l’eau à quelques mètres de nous. À bord de nos kayaks, nous nous sentons soudainement bien petits. Rien à voir avec les excursions en bateau pour voir les baleines! Ici, nous nous fondons au décor. Puis, une masse sombre se dessine dans l’eau, immobile. C’est une baleine en pleine sieste, nous explique Mélissa. Elle dort à petites doses, une moitié du cerveau à la fois, afin de ne pas oublier de demeurer en surface...

C’est maintenant le temps de rentrer. Combien de minutes ou d’heures sommes-nous restés sur l’eau? Aucune idée. Le temps est suspendu. Au retour, nous longeons la rive pour voir les oursins et les étoiles de mer accrochés aux parois rocheuses. Près de mon kayak, la guide cueille une grosse étoile de mer avec sa pagaie et la dépose dans ma main. En regardant dessous, je réalise qu’elle est en train de grignoter une petite moule. Pour elle, c’est l’heure du déjeuner alors que sur la rive, c’est l’heure du café, pour les campeurs emmitouflés dans leurs couvertures. Pour moi, rien de plus à espérer : comment la journée qui s'entame  pourrait-elle égaler la nuit que je viens de passer?


Camper sous le souffle des baleines

Crédit : Jérémie Leblond-Fontaine

À mon réveil ce matin-là, des baleines m’ont offert un spectacle en continu. Pourtant, je n’étais ni en kayak, ni à bord d’un bateau : j’étais tout simplement à côté de ma tente, sur l’une des plateformes aménagées en bord de fleuve par Mer et Monde Écotours, qui exploite le camping en bord de mer de l’Anse à la cave, où nous sommes installés. Rien là de bien étonnant : chaque fois que quelqu’un passe la nuit ici, il y a de fortes chances pour qu’il aperçoive les grands mammifères marins, sans même sortir le nez de sa tente.

Mais on ne débarque pas ici à l’improviste, en haute saison, en espérant avoir accès à l’un des 33 sites ou s’installer dans l’une des cinq unités en prêt à camper. Tout risque d’être complet.

« Nous prenons les réservations dès janvier et plusieurs centaines de visiteurs nous appellent dès les premières minutes! », explique Christine Hersberger, la directrice générale.

L’hébergement, rustique, comprend la plateforme, une table à pique-nique et un espace pour faire un feu. Des toilettes sèches sont accessibles, près du camping, et un bloc sanitaire permet de prendre une douche ou de laver sa vaisselle, près de la route. Il faut toutefois apporter son eau potable. Les chiens, s’ils sont tenus en laisse, sont acceptés.

Info : 418 232-6779 ou meretmonde.ca

Tarifs : 35 $ + taxes par jour, par plateforme (maximum de 4 personnes) et 129 $ + taxes, par jour, pour le prêt-à-camper.

Accès : à un peu moins de 10 km des Bergeronnes, par la route 138.


À faire à proximité

Surf à pagaie avec les baleines

Le surf à pagaie, ou SUP (Stand Up Paddleboard), gagne en popularité d’année en année. Aux Bergeronnes, les eaux agitées du fleuve pourraient rendre l’expérience assez sportive, mais on privilégie les moments calmes pour ce type de sortie. Après avoir enfilé une combinaison de plongée étanche (drysuit) pour rester au sec, on apprend les techniques de base, puis on grimpe sur sa planche avant de glisser sur l’eau, en demeurant près de la côte. Les chances d’apercevoir des baleines sont très élevées et les débutants sont les bienvenus.

Info : 418 232-6779 ou meretmonde.ca
Tarifs : 55 $ + taxes pour 2 h 30

Kitesurf en milieu sauvage

Les fanatiques de kitesurf commencent à connaître ce lieu réputé pour ses vents, mais qui demeure encore confidentiel : la Pointe-à-Boisvert, à Longue-Rive. C’est ici que se déroule chaque été le Festivent de Longue-Rive ; le reste du temps, on y vient pour la tranquillité des lieux et pour apprécier le côté sauvage de la Côte-Nord. L’eau salée est étonnamment chaude – du moins au plus fort de l’été –, et le sable est blond et noir en raison de la présence d’ilménite, un minerai d’oxyde de titane et de fer. La plage n’est pas surveillée et... nullement indiquée.

Info : Relais d’information touristique, 331, route 138, Longue-Rive, 418 231-2020

Crédit : Jérémie Leblond-Fontaine

Randonnée pédestre

En plus du charmant village de Tadoussac, qui mérite à lui seul une virée, la petite boucle de randonnée pédestre qu’on peut y entamer compte à peine plus d’un kilomètre, mais vaut le détour. Facile à emprunter, même pour une petite famille, le sentier donne droit à des points de vue époustouflants sur le fjord et on peut y observer régulièrement des baleines, sans les déranger. L’accès se fait par les escaliers voisins du Centre d’interprétation des mammifères marins.

À une vingtaine de minutes de là, à Baie Sainte-Marguerite, on peut aussi parcourir une portion du parc national du Fjord-du-Saguenay. Le sentier, de niveau facile, mène au belvédère La Halte du béluga, à l’embouchure de la baie, où on a de bonnes chances d’apercevoir de petites baleines blanches.

Info : Maison du tourisme de Tadoussac, 197 rue des Pionniers, 418 235-4744; sepaq.com/pq/sag/
Frais d’accès au parc : 8,50 $ par jour, par personne. 


Commentaires (1)
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Maryse_dion@live.c - 27/06/2016 01:16
Magnifique texte. J'ai adoré suivre cette aventure. Comme ça donne envie :)