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  • Crédit: Christian Lévesque

Kayak aux États-Unis : la démesure artificielle

La production d’hydro-électricité crée des terrains de jeux intéressants pour les kayakistes. Mais quand l’idée est transportée sur le fleuve Colorado, au milieu des canyons du désert américain, tout devient vite gigantesque.

Je ne connaissais rien de l’existence du lac Powell, le deuxième plus grand lac artificiel de nos voisins du Sud. Difficile pourtant de refuser l’invitation d’accompagner Richard Rémy de l’agence Karavaniers pour son premier voyage officiel en kayak sur cette calme étendue. « Cette région a longtemps été sauvage et personne n’osait la traverser! », m’explique-t-il. Facile de le croire quand on respire l’immensité du désert qui nous entoure.

Il y a longtemps que le fleuve Colorado, serpentant à travers les États-Unis, a été vaincu. À l’époque de la première descente par le major John Wesley Powell en 1869, il n’existait pourtant rien du lac de 300 kilomètres de long qui chevauche maintenant les États de l’Arizona et de l’Utah. Le réservoir d’eau qui porte le nom de l’explorateur manchot existe aujourd’hui grâce au barrage hydro-électrique Glen Canyon Dam, construit en 1963 dans la controverse. Il a fallu pas moins de 17 années pour remplir les 96 canyons qui forment les 3136 kilomètres de ses rives. Bref, comme tout dans cette région américaine située au nord de Las Vegas, nous voilà plongé dans la démesure.

Crédit: Christian LévesqueAutrefois, la région était habitée par les natifs américains, mais l’époque moderne est bien différente : il existe cinq marinas sur ce lac artificiel et près de quatre millions de visiteurs par année viennent y pratiquer la pêche, le ski nautique ou la plongée sous-marine. Si l’on aperçoit fréquemment des embarcations à moteur dans le canal principal balisé, les dangers d’une navigation dans les étroits canyons procurent une tranquillité appréciable pour les kayakistes.

Les coups de pagaie sont réguliers sur cette « pétole » d’un bleu vif, mais les paysages grandioses défilent à la vitesse d’une tortue qui avance au ralenti. En six jours de kayak, nous aurons fait plus de 115 kilomètres sur l’eau. Pourtant, nous avons seulement exploré quatre canyons! Ce réservoir semble n’avoir pas de fin. Et l’avidité pour l’énergie des Américains est flagrante : malgré l’immensité du réservoir pour alimenter le barrage, nous apercevrons durant les premiers jours de notre semaine les cheminées de la Navajo Generating Station, une centrale thermique qui produit 2250 mégawatts d’électricité par année (soit environ la moitié de notre centrale Robert-Bourassa). Impossible d’oublier ces trois cheminées qui laissent échapper une fumée qui verdit le ciel d’un bleu éclatant.

Crédit: Christian LévesqueHeureusement, la vue de grands ducs dans une imperfection de la paroi rocheuse ou un coyote s’abreuvant tranquillement nous rappelle que nous sommes bien dans le désert sauvage. Un soir, le hurlement d’un coyote dans la pénombre nous a semblé très proche du campement. Au matin, notre guide Frédéric Germain a remarqué qu’une corde de kayak avait été taillée en morceau par le canidé. Tant que ce n’est pas nos réserves de chocolat noir...

Durant cette première semaine de novembre, et malgré les bateaux à moteur qui nous dépassent rapidement dans le chenal principal, nous n’avons rencontré aucun autre voyageur.  Très peu osent s’aventurer en kayak sur cet immense lac. C’est pourtant le meilleur moyen d’en apprécier les couloirs sinueux qui semblent vouloir vous étouffer tellement ils deviennent étroits. Parfois, il est même impossible d’aller au bout de ces corridors avec nos kayaks. Il faut alors faire marche arrière, revenir sur nos pas et tenter notre chance ailleurs.

Pour explorer plus loin ces anciennes rivières taillées dans ce sable solidifié, il faut continuer à pied dans des parois où il est impératif de se glisser de côté pour poursuivre la route. Ces promenades semblaient nous entraîner dans un autre monde. Autour de nous, la texture lisse de ces falaises (alternant les teintes de beige, de rouge, de rosée ou d’ocre) n’a rien pour rassurer : tout semble sur le point de s’effriter ici! Le sommet des falaises frôle parfois les 100 mètres de haut et les coulées de sable fin prouvent que la morphologie se modifie à chacune des rares périodes de précipitations.

Il s’avère parfois ardu pour nos guides de retrouver l’endroit exact des ramifications qu’ils veulent nous faire découvrir. On est tout de même en plein désert et les sécheresses des dernières années ont fait baisser le niveau de l’eau. Au moment où vous lirez ces lignes, le réservoir aura perdu près de trois mètres d’eau depuis notre passage au mois de novembre 2007 et ne contiendra plus que 45 % de sa capacité maximale atteinte en 1980. Il y reste quand même l’équivalent de 60 000 stades olympiques pleins à craquer… de quoi tenir un certain temps!

Pourquoi y aller : Pour les grands espaces, vivre le désert près d’un plan d’eau et la démesure américaine. Aussi pour les levers et les couchers de soleil spectaculaires. Tout près, il y a les parcs nationaux Bryce Canyon et Zion qui valent à eux seuls le déplacement!
Quand :Le mois de novembre est idéal : la température est chaude le jour, fraîche la nuit et les touristes ont désertés la région.
Où dormir :N’importe où sur les rives du lac.

Comment s'y rendre :Plusieurs compagnies aériennes offrent le vol jusqu’à Las Vegas (environ 500 $ aller-retour). On peut ensuite prendre un vol pour la ville de Page (200 $) ou louer une voiture (les 4x4 sont de mise dans cette région!).

Service de guides :

> L’agence Karavaniers offre plusieurs départs (novembre et février) (9 jours dont 6 sur le lac Powell • 1645 $)

514-281-0799• karavaniers.com

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