Êtes-vous pour ou contre l’utilisation d’oxygène d’appoint en montagne ?
Il y a 53 ans, Sir Edmund Hillary accédait au sommet de l’Everest en utilisant de l’oxygène d’appoint, un moyen efficace pour pallier artificiellement la diminution d’oxygène caractéristique de la haute altitude, l’hypoxie. Face à cette approche, Reinhold Messner introduisit le style « alpin » en devenant en 1978 le premier alpiniste à atteindre les 8 850 mètres tant convoités sans oxygène d’appoint. Deux visions de la montagne et un débat vieux de 50 ans, repris ici par deux alpinistes québécois fraîchement revenus de leur dernière expédition.
Il y a 53 ans, Sir Edmund Hillary accédait au sommet de l’Everest en utilisant de l’oxygène d’appoint, un moyen efficace pour pallier artificiellement la diminution d’oxygène caractéristique de la haute altitude, l’hypoxie. Face à cette approche, Reinhold Messner introduisit le style « alpin » en devenant en 1978 le premier alpiniste à atteindre les 8 850 mètres tant convoités sans oxygène d’appoint. Deux visions de la montagne et un débat vieux de 50 ans, repris ici par deux alpinistes québécois fraîchement revenus de leur dernière expédition.
Pour
« L’oxygène est source de vie. Devrions-nous le bannir de l’atmosphère terrestre? La question ne se pose pas. Par contre, le précieux gaz suscite bien des débats lorsqu’il est question de hautes altitudes. L’utilisation de l’oxygène sur une montagne comme l’Everest, que j’ai gravi en 2004, c’est la marge de manœuvre dont nous avons besoin, le ticket de sortie si les choses tournent mal.
Trois 8 000 mètres, peut-être quatre, font partie des sommets où je considère l’oxygène nécessaire, si le retour fait partie du plan : l’Everest, le K2, le Kangchenjunga et le Lhotse. Ils culminent tous à plus de 8 500 mètres, et pour les gravir, il faut passer beaucoup de temps dans la zone de la mort (plus de 7 500 mètres), là où l’acclimatation n’est plus possible.
Sur l’Everest, j’ai commencé à utiliser l’oxygène bien au-dessus de la zone de la mort avec un faible débit; soit 1,5 litre par minute sur une possibilité de 4. De cette façon, je me suis acclimaté au maximum de ma capacité et n’étais pas dépendant de la bouteille en cas de défaillance du système. Sur le Cho-Oyu, en 2005, j’ai croisé un grimpeur qui utilisait l’oxygène à partir de 7 000 mètres et qui devenait extrêmement vulnérable en cas de panne d’alimentation, car son acclimatation n’était pas complète. En conclusion, je suis pour l’utilisation de l’oxygène lors de l’assaut final, sur les quatre plus hauts sommets de la Terre. »
- Maxime Jean, alpiniste et conférencier. (maximejean.com)
Contre
« Je suis personnellement contre l’usage de bouteilles d’oxygène en montagne, à l’exception bien sûr de celles que comportent les trousses de premiers soins et d’urgence. Pour moi, l’utilisation d’oxygène se compare à celle des stéroïdes et des autres produits dopants utilisés dans les sports; elle comble le manque d’expérience ou d’entraînement des athlètes en leur permettant de poursuivre dans des conditions altérées. C’est la même chose pour l’oxygène en montagne : il permet de gravir un sommet de 8 000 mètres en se retrouvant dans des conditions d’hypoxie équivalentes à celles d’un 6000 mètres. Où est l’intérêt, à part celui de dire que l’on a gravi un sommet? Car après tout, les conditions réelles n’y sont pas! Tout cela à cause du désir incessant de gravir les plus hauts sommets, et ce, à n’importe quel prix. Actuellement, les montagnes sont surchargées par des centaines de personnes qui généralement ne seraient pas là sans leur oxygène d’appoint. Ce sont souvent des gens qui n’ont aucune expérience, mais assez d’argent pour se payer une équipe qui les montera jusqu’en haut.
Empêcher l’utilisation d’oxygène sur les montagnes tel l’Everest, pour lesquelles il faut des permis, est selon moi une des solutions permettant de diminuer leur surexploitation et du même fait les accidents causés par le manque d’expérience. C’est une question d’éthique, d’amour de la montagne et de notre sport. Je préfère gravir de plus petits sommets jusqu’au jour où je me sentirai prêt pour les géants, et ce par moi-même. »
- Dominic Asselin, alpiniste, ancien président de la Fédération québécoise de la montagne et de l’escalade.
Le chiffre du débat : 1,3 tonne
C’est la quantité de déchets ramassés en mai dernier sur le versant népalais de l’Everest entre le camp de base et le col sud (CB 4) par les membres de l’expédition Clean Everest (Lothse) 2006. Dans leurs poubelles: une collection de bouteilles d’oxygène, de boîtes de conserve, de tentes, de cordes, de bouteilles de gaz, de vêtements…
Pourtant, l’Everest brillait presque comme un sous neuf seulement trois ans plus tôt, à la veille des festivités du 50e anniversaire de sa première ascension ! La Nepal Mountaineering Association sortait alors de trois années de grand nettoyage, organisé aussi du côté chinois. Un chef d’expédition rapportait à l’époque à l’Agence France Presse basée à Katmandou, avoir rapporté 2,4 tonnes d’ordures de leur dernier voyage et éliminé la plupart des bouteilles d’oxygène.
Cette source de pollution représentait à elle seule 400 tonnes sur les 700 redescendues en4 expéditions d’envergure entre 2000 et 2003. Trois ans plus tard, il semble donc que le message n’ait pas été relayé! C’est sans doute ce qui a motivé l’alpiniste sud-coréen Han Wan Yong à lancer en 2003 des expéditions dans le massif himalayen pour nettoyer les sites de haute altitude. Pour que la source du problème fasse avancer la solution, il compte offrir à chaque expédition sur l’Everest en 2007, un cylindre à oxygène usagé, décoré de messages prônant la préservation de la montagne pour les générations futures… (Karine Wolter)