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  • Crédit: Mélanie Pageau

Vélo et kangourous!

Les roues de nos vélos de route s’enlisent dans la boue rouge. Nous roulons à moins de cinq kilomètres à l’heure. Un sentiment de « bout du monde » m’envahit. Et pour cause : nous sommes en Australie!

L’asphalte n’est réapparu qu’après trois jours en autonomie complète et plusieurs montées mémorables avec nos push bike. Durant ce périple dans les Snowy Mountains, nous n’avons croisé que quelques jeeps, des moutons, des vaches et plusieurs kangourous. Hard yakka!: dur travail en slang australien.

Cette incursion dans les montagnes australiennes (en passant par une route reculée, non pavée et peu utilisée) s’inscrivait pourtant dans un itinéraire de cyclotourisme très civilisé entre Melbourne et Sydney : environ 1500 kilomètres en 20 jours pour relier les deux métropoles sur la côte sud-est de l’Australie. On imaginait le parcours plutôt plat, mais nous y avons trouvé des cols à près de 1500 mètres d’altitude. Nous avons roulé sur l’accotement (très large) des autoroutes, sur des routes de campagnes bucoliques à travers les champs, le long de la mer, dans des vallons en montagnes russes et sur des chemins non pavés. Et toujours à gauche, bien sûr.

Nous avons suivi grosso modo la moitié de l’itinéraire « East Coast Explorer » du Lonely Planet intitulé Cycling Australia, avant de changer pour l’itinéraire « Great Ocean Road ». Le tout avec deux vélos de marque Giant OCR3 et une remorque « Bob » que nous avons loués à Melbourne. Pourquoi payer une fortune pour transporter tout notre matériel alors que nous venons ici pour l’user? La location semblait s’imposer d’elle-même. La capitale de l’État de Victoria traite bien les amoureux du vélo avec ses voies cyclables : on y a même la priorité sur les voitures aux feux de circulation! Idéal comme point de départ pour notre itinéraire.

Crédit: Mélanie PageauAvec ses 3,7 millions d’habitants, la ville se la coule douce. On en sort aisément par le sud pour amorcer notre aventure sur deux roues. À Saintt-Kilda, on tombe par hasard sur une piste cyclable le long de la mer où l’on respire l’air salin. Certainement pas le chemin le plus rapide, mais tellement agréable!

Quelque 110 kilomètres plus loin, on monte sur le transbordeur de Stony Point vers l’île Philip et Cowes, d’où part officiellement l’itinéraire. On en profite pour dormir dans un camping sur le bord de la mer et assister à la Parade des pingouins : chaque soir, après s’être nourris dans l’océan, les pingouins sortent de l’eau pour rejoindre leurs nids sur la berge. Ils doivent traverser la plage, ce qu’ils font en groupes afin de diminuer les risques d’attaque de prédateurs.

Le lendemain, on roule sous de grands arbres qui ressemblent à des bonzaïs géants, en inspirant les effluves d’eucalyptus. Au cours des prochains jours, nous alternerons entre les accotements d’autoroute (plutôt agressant) et les paisibles routes campagnardes qui longent les falaises où déferlent de puissantes vagues. Les pentes sont déjà au rendez-vous.

Au fil des rencontres, nous apprendrons quelques rudiments de leur version de la langue anglaise… une fois que notre oreille s’est faite à leur accent plutôt particulier. Nous n’avons toutefois pas adopté le vegemite : cette pâte à tartiner très salée presque noire à base de levure de bière, que nos hôtes dégustent au déjeuner. On en trouve partout : autant dans les épiceries à grande surface des villes qu’au magasin général des villages.

Crédit: Mélanie PageauAprès de nombreux kilomètres, une journée de repos pour nous et d’entretien pour les vélos s’imposait. Dans le joli village de Buchan, nous avons visité d’immenses grottes de calcaire, alors que les kangourous en liberté affluaient au camping de la réserve. L’un d’eux a sérieusement lorgné notre déjeuner!

C’est au magasin général du village que nous avons trouvé des provisions pour les trois prochains jours et les 176 kilomètres en pays reculé, dont 78 dans la bouette! Disons que le vélo de route n’était peut-être pas le meilleur choix pour cette portion du trajet. C’était masochiste, mais magique : nous étions seuls sur la route rouge, seuls pour camper, seuls pour profiter des paysages à couper le souffle.

À la prochaine ville (Jindabyne), nous avons pris un autre jour de « congé » pour fouler le mont Kosciuszko, le plus haut sommet de l’Australie à 2228 mètres. Son sommet dénudé s’atteint facilement à partir de la station de ski Thredbo, où l’on prend une remontée mécanique avant la randonnée de 13 kilomètres (aller-retour) en grande partie sur des trottoirs de treillis.

Après deux jours dans ces vallons montagnards, nous avons renoué avec la route et les côtes. Il faisait frisquet en ce début du mois de mai : l’hiver n’était pas loin. De Thathra à Nowra, la route étroite (mais encore très vallonnée) traverse des parcs nationaux où le chant des oiseaux sert de réveille-matin.

Puis, la jungle urbaine s’annonce progressivement alors que nous approchons de Sydney., où l’on retrouve des voies cyclables près d’autoroutes à six voies. La capitale de l’État de New South Wales, ville la plus peuplée d’Australie, regroupe 4,3 millions d’habitants. Vivante, elle offre des oasis de tranquillité comme la piste cyclable de Botany Bay ou le jardin botanique. Le soir venu, on arpente Circular Quay pour admirer le Harbour Bridge et l’opéra illuminés.

Le temps nous manquant, le East Coast Explorer s’arrête ici. Nous louons une voiture pour retourner à Melbourne et installons les vélos dans le coffre. Cap à l’ouest, vers les Blue Mountains. Comme son nom l’indique, ce site du patrimoine mondial de l’UNESCO, projette vraiment un halo bleuté. Ses parois de grès se prêtent à l’escalade et ses gorges à la randonnée. Un récent incendie de forêt a laissé des traces sur ce terrain de jeu de 1436 kilomètres carrés.

Petit arrêt à Canberra, capitale officielle de l’Australie choisie en 1908 pour éviter une dispute entre Melbourne et Sydney. Tous les plans étaient déjà dessinés avant la première pelletée de terre de 1913. Et ça paraît : la ville de 333 000 habitants est très esthétique, mais manque un peu de charisme et d’action. Par contre, sa conception a fortement été influencée par l'idée de « ville verte » : elle possède de vastes zones de végétation naturelle.

Crédit: Mélanie PageauPopulaire roadtrip australien, la Great Ocean Road (B100) en offre encore davantage aux « tripeux » sur deux roues! Le cycliste choisira plutôt de faire partie du paysage plutôt que de regarder défiler les paysages pendant un ou deux jours enfermé dans une voiture. Il s’y incruste en emplissant ses poumons d’air marin, en se faisant caresser ou gifler par le vent, en écoutant le fracas des vagues, en projetant son ombre sur le bitume, en ressentant les corniches vertigineuses dans ses mollets… pendant environ cinq jours pour ces 300 kilomètres d’extase.

De Melbourne, on prend le train à la gare Southern Cross vers Warrnamboole où il est très facile d’y embarquer les vélos. Trois heures plus tard, nous voici sur de belles routes campagnardes, avec un vent de dos! Nos ombres s’allongent alors que nous longeons les falaises au coucher du soleil. Déjà, les formations rocheuses dans l’océan impressionnent (monolithes, grottes, rochers percés, arches), et les arrêts se multiplient. Les fameux Douze Apôtres, monolithes en calcaire de 70 mètres de haut, se dressent dans le détroit de Bass. Seulement huit résistent toujours à l’érosion.

Après ce bord de falaises, la route grimpe à plus de 400 mètres dans les montagnes. La forêt sauvage des Otways, ses lianes et son humidité changent le décor. Avec un peu de chance, on peut y apercevoir des koalas. Sans oublier les très présents kangourous et wallabies. Qui dit montée, dit descente vertigineuse! Ensuite, la portion entre Apollo Bay et Lorne est qualifiée comme celle étant la plus spectaculaire de l’itinéraire. On roule coincés entre falaise et mer. Très photogénique.

Torquay, la capitale du surf de l’État de Victoria, sert de camp de base pour apprivoiser les vagues des environs. Des écoles de surf se font un plaisir de guider les néophytes.

La fameuse Bells Beach attire les surfeurs des quatre coins du monde pour une compétition internationale à Pâques, chaque année. À Geelong, il faut déjà reprendre le train pour Melbourne. Une petite heure et nous revoilà en ville pour le retour des vélos.

Les marcheurs peuvent aussi admirer le secteur de la Great Ocean Road grâce à un sentier de 91 kilomètres de Apollo Bay à Glenample Homestead (du côté des Douze Apôtres), en passant à travers les parcs nationaux Great Otway et Port Campbell. La randonnée prend environ huit jours.

Crédit: Mélanie PageauNous ne pouvions repartir de l’Australie sans avoir vu le fameux rocher rouge. Un petit saut en avion nous mène à Uluru (Ayers Rock), petit village touristique imprégné de la culture aborigène au milieu du désert rouge. Trois jours suffisent pour explorer les environs, rouler à vélo ou randonner à pied entre les monolithes, dont le plus gros au monde : Uluru. Long de 3,6 kilomètres et haut de 348 mètres, le rocher rouge est visible de loin. Sa couleur passe du brun ocre, à l’orangé et au gris, selon la lumière et l’heure du jour. Tout un contraste sur le bleu du ciel. La chaleur suffocante et les armées de mouches qui silent dans nos oreilles nous poussent rapidement vers l’avion qui nous ramènera à la civilisation!

GUIDE DE DÉPART

Quand :Le printemps ou l’automne australien (soit d’octobre à novembre ou mars à mai) pour les trajets décrits. N’oubliez pas que les saisons sont inversées par rapport au Québec.

Pour s’y rendre :Avion jusqu’à Melbourne ou Sydney (environ 1800 $).

Budget : Environ 50 $/jour/personne en campant et en cuisinant.

Équipement :Possibilité de louer des vélos et l’équipement sur place (Bike Nowà Melbourne : bikenow.com.au) pour environ 120 $/semaine/vélo.

Autres activités :Randonnée, escalade, surf.

Langue :Anglais.

Bibliothèque portative :Carte UBD 370 de l’État de Victoria (échelle 1 : 975 000) pour l’itinéraire; Cycling Australia de Lonely Planet pour l’aspect technique du cyclotourisme en Australie; autre guide de voyage pour le reste.

Liens Internet :greatoceanroad.com

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