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Les Portes du Soleil : ski d’alpage de la Suisse à la France

Entre Savoie et Valais, les Portes du Soleil couvrent un immense réseau de 600 km de pistes de ski reliant entre elles 12 stations et s’étalant sur de jolis alpages couverts de neige. Tour d’horizon du plus vaste domaine skiable transfrontalier du globe.


Il paraît que les Portes du Soleil s’ouvrent sur des cadres naturels pareils à un véritable éden de la glisse, que les Dents du Midi sont belles à s’en faire décrocher la mâchoire, que la diversité des panoramas qui s’étalent dans ce domaine est rien de moins qu’admirable.

Il paraît, dis-je, car en trois jours passés à Morgins, l’une des stations suisses de ce colossal territoire neigeux, je n’ai rien vu d’autre que des nuages, du brouillard, du blizzard et des voiles blancs créés par des vents indomptés qui intimaient à la neige de tomber à l’horizontale. Tant mieux : au terme de cette belle livraison de flocons, un mètre de fraîches et duveteuses précipitations enrobaient les montagnes.


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« Vous, je sais pas, mais moi, j’ai mal au dents à force d’avoir le sourire crispé! », de lâcher Bastien Delacoste, skieur suisse qui me sert de guide, devant un tel pactole de neige. Il avait de quoi se réjouir : en décembre, il a dû encaisser 20 jours consécutifs de pluie, y compris à 2000 m. En cette mi-janvier, tout ceci est chose du passé, et si je ne vois pas plus loin que le bout de mes spatules, je sens fort bien l’épaisseur du tapis neigeux sous mes skis tout en mesurant l’incroyable étendue du « plus grand domaine skiable transfrontalier au monde ».

Aménagé à cheval sur la Savoie (France) et le Valais (Suisse), celui-ci regroupe 12 stations offrant 600 km de glisse répartis en 308 pistes desservies par 209 remontées mécaniques, et il se parcourt dans son entièreté avec l’achat d’un seul billet. Un skieur aguerri peut ainsi partir d’une extrémité du domaine (Les Crosets ou Champéry, en Suisse) pour en rejoindre une autre (Les Gets, en France, d’où on aperçoit le mont Blanc) avant de retourner à la case départ et ce, en une exaltante journée de « ski-safari ».


© JB Bieuville Photographe

Valais de coeur

Côté suisse, alias la Région Dents du Midi, on compte quatre villages-stations (et une station voisine de la région, Torgon). Ainsi Champoussin l’accessible (1580-2150 m), un domaine au doux dénivelé et aux larges pistes, est situé au cœur d’un grand cirque de montagnes et permet notamment aux débutants et poussinots de se familiariser avec la glisse.

Tout juste à côté, le paisible village de Morgins (1350-2000 m) borde la frontière franco-suisse et relie le pays des Helvètes à la vallée d’Abondance, en France. De taille modeste, il compte de belles pistes de ski de forêt, dont un chouette parcours de descente de vélo de montagne, skiable en hiver entre les épicéas – les Portes du Soleil sont aussi réputées pour leur gigantesque réseau de vélo tout-terrain.

Au cœur du secteur suisse, la station Les Crosets (1670-2277 m), en mode ski aux pieds, est née au croisement des pistes des domaines helvètes. On y trouve autant de pistes pour pratiquer le carving que pour slalomer en famille sur une piste bleue, ou pour s’adonner à des galipettes dans un parc à neige ludique. Enfin, le pittoresque village de Champéry (1037-2146 m) demeure la principale porte d’entrée suisse des Portes du Soleil, avec son téléphérique qui relie la gare de train au domaine skiable en 5 minutes.


© JB Bieuville Photographe

Tous ces villages se déploient avec comme toile de fond les Dents Blanches, une série de splendides sommets qui culminent à 2860 m, et surtout les Dents du Midi, un grandiose massif au sommet crénelé de pics qui mordent l’azur jusqu’à 3257 m – particulièrement admirables depuis le sommet de la Foilleuse. Ici, on n’est pas dans le registre des très hautes montagnes ou des étendues sans fin de pics de 4000 m comme à Zermatt, mais on évolue plutôt en faible altitude dans un univers skiable bucolique et bien ouvert, où le soleil déverse allègrement sa chaleur et ses rayons – d’où le nom des lieux.

Si le pendant suisse – la Région Dents du Midi – est de taille plus modeste que son vis-à-vis français (100 km de pistes sur 600), il demeure aussi bien moins fréquenté et est fort prisé des villégiateurs genevois et lausannois, qui y disposent souvent d’un chalet. « Du côté français, les Portes du Soleil donnent sur des bassins de population plus denses, et on y croise beaucoup plus de touristes internationaux », explique Bastien Delacoste, natif de Morgins. Parmi eux, bien des skieurs pas toujours à l’aise sur leurs planches, qui créent des bouchons aux remontées ou au milieu des pistes, et qu’il faut parfois contourner dans de rocambolesques parcours à obstacles.

Du reste, en passant de la France à la Suisse par les pistes de ski, on se sent comme si on transitait du Québec vers l’Ontario par la route : le revêtement est plus lisse, moins bosselé et mieux entretenu du côté helvète. C’est que les méticuleux Suisses mettent un point d’honneur à beaucir impeccablement leurs pistes, comme si la fierté nationale de ce peuple de skieurs en dépendait.


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De tout pour tous

Cela dit, certaines pistes sont laissées à elles-mêmes, à commencer par le fameux Mur suisse (alias la piste de Chavanette), où les bosses se creusent parfois jusqu’à 2 mètres sur une façade inclinée à 40 degrés. De son côté, la piste Didier Défago, du nom de ce médaillé d’or olympique à Vancouver en 2010, déroule 2 km de glisse sportive et contemplative, entre Champéry et Les Crosets. Enfin, la bucolique piste de Ripaille, à Champéry, offre de ravissants points de vue sur les Dents du Midi, sur 10 km.

Pour le reste, le domaine skiable offre de beaux défis hors-pistes au-delà des boulevards neigeux, mais l’essentiel des lieux est généralement accessible à tout un chacun, y compris dans ces secteurs où on skie carrément sur les alpages, là même où paissent les vaches et les biquettes durant l’été. Certaines montagnettes y ont été converties en pittoresques restos et cantines d’altitude, où il fait bon marquer une pause au coin du feu pour s’offrir un chocolat chaud ou une fondue au fromage arrosée d’un verre de génépi, ce succulent tord-boyaux local à base d’herbes de montagne.

Contrairement à toutes ces grandes stations qui s’articulent autour de villages plus ou moins touristiques et voués au ski, le domaine skiable des Portes du Soleil se répartit en plusieurs petits villages où le ski n’est qu’une parmi plusieurs composantes de l’économie locale. Ici, il y a une vie en dehors de la glisse, et il en résulte une impression d’authenticité, de proximité avec l’habitant, d’accès simple à la vie locale.


© JB Bieuville Photographe

À Morgins par exemple, on ne compte que deux hôtels et une poignée de (très bons) petits restos. Le soir, l’après-ski se limite à deux ou trois troquets et dès que tombe le rideau de l’obscurité, c’est un bienfaisant calme qui règne dans les rues. Les Morginois s’abordent alors avec aménité autour du zinc ou à une table voisine tandis qu’on s’offre de fines agapes roboratives.

Dans un tout autre registre, du côté français, Avoriaz forme un village-concept piétonnier unique, dont l’architecture organique avant-gardiste fait corps avec l’environnement. Créé de toutes pièces et rendu célèbre par son ancien Festival du film fantastique qui a consacré les Spielberg, Cronenberg, Lynch et autres De Palma, ses pistes et remontées le traversent dans un cadre de falaises abruptes, de forêts de conifères et… de contingents de touristes britanniques, tout comme à Morzine. Du reste, la station des Gets est réputée chic, celle de Châtel se targue d’être très polyvalente et la Chapelle d’Abondance brille par la finesse de sa bonne chère.


© Nico Rosset

Cela dit, il vaut parfois mieux ne pas trop s’attarder du côté français, quand on réside du côté suisse (et vice-versa). Quand le vent et la neige se déchaînent, les remontées peuvent s’immobiliser et la frontière alpine, carrément fermer. Une nuit d’hébergement imprévue dans le pays voisin ou deux heures de route s’imposent alors aux imprudents.  

Enfin, c’est ce qu’on dit. Car en ce troisième jour de tempête, tandis que les télésièges commençaient à valser sous le tumulte d’une météo qui ne décolérait pas, je suis rentré de France juste à temps pour attraper le téléphérique menant au village de Champéry, en Suisse. Je n’ai peut-être rien vu du cadre grandiose des Portes du Soleil, mais j’ai bien compris à quel moment il fallait que j’emprunte sa porte de sortie, pour pouvoir encore mieux y entrer la prochaine fois.


Pratico-pratique


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Y aller

Air Canada relie Montréal à Genève en vol direct et sans escale, cinq fois par semaine durant la saison hivernale. Émission de Co2 par segment de vol : 342 kg.

On peut quitter Montréal et arriver au coeur des Portes du Soleil sans prendre une seule voiture. L’aéroport de Genève est relié à la gare de trains, et après une correspondance à Aigle, on gagne Champéry en 1 h 30, où le train s’arrête droit en face du téléphérique menant au sommet du domaine skiable.


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Se loger

À Morgins, l’hôtel Helvetia propose des chambres propres, neuves et correctes – quoique dépouillées. Accès aux sauna, bains à vapeur et à remous. À 5 minutes de marche du télésiège et des restos du village. À partir de 230 $/ch./2 pers.

Aux Crosets, le Freeride Hostel offre des lits en dortoir à partir de 75 $/pers., au pied des pentes. à Champéry, le Petit Baroudeur fait de même pour 64 $, à côté du départ du téléphérique.

Plusieurs forfaits 7 nuits d’hébergement/6 jours de ski sont également disponibles à partir de 1325 $/pers.

À boire et à manger

Chez Yoyo et Jibi, du côté suisse © Gary Lawrence

On compte pas moins de 90 restos et cantines d’altitude, aux Portes du Soleil. Parmi eux, il faut s’arrêter sans faute au Village des Chèvres, côté français, un petit hameau des Lindarets où s’alignent les craquants établissements comme Le Chaudron. Côté suisse, un arrêt s’impose à l’ultrapittoresque Chez Yoyo et Jibi, aux Crosets, pour une croûte jambon-fromage (sorte de croque-monsieur à base de fromage à raclette).

À Morgins, Ze’Bar de la microbrasserie 7 Peaks décline plusieurs bières pression sur place. Près des remontées, le restaurant Di.vins ne paie pas de mine mais ses fondues (valaisane, à la bière, au piment d’Espelette…) sont délectables, tout comme l’exquis filet de bar beurre blanc et tartare d’agrumes. Non loin de là, les pizzas de T-Là Pizzeria font vriller les papilles, mais la carte compte d’autres délices (tortellini jambon et crème de parmesan, risotto bourré de succulents fruits de mer…)  


© JB Bieuville Photographe

Du 12 au 18 mars, le Festival Rock the Pistes donnera lieu à 5 concerts de montagne en plein air et à 30 concerts en après-ski, un peu partout sur le domaine.


L’auteur était l’invité de Suisse Tourisme, de la Région Dents du Midi et de la Région Valais Matterhorn.


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