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  • Crédit: Laurent Granier

Pérou, Cordillère Blanche : le Santa Cruz Trek. Une randonnée superbe, dans un parc qui souffre…

Niché au fin fond de la Cordillère Blanche, au beau milieu du Parque Nacional Huascarán, le Santa Cruz Trek constitue l’un des itinéraires les plus célèbres des Andes. Mais le tourisme y est contrôlé par les agences de la capitale et les villages ne récupèrent aujourd’hui que les miettes des capitaux étrangers. Reste que cette randonnée est l’une des plus exceptionnelles du pays.

La ville de Huaraz est incontestablement la « Mecque » de la randonnée au Pérou. Et cela se ressent dès notre départ de Lima. Dans le hall moderne de la compagnie de bus Cruz del Sur, les passagers à destination de la capitale de la Cordillère Blanche se font remarquer dans la foule : vestes de Gore-Texcolorées, énormes sacs étiquetés North Face bourrés d’équipement, chaussures de randonnée, etc. Les Péruviens regardent ces futurs « andinistes » avec amusement, avec un mélange d’étonnement et d’incompréhension. Ils se demandent peut-être comment les « Apus » – ces « dieux-montagnes » vénérés qui contrôlent le climat et les vies des êtres humains – vont accueillir ces énergumènes…

Du désert aux neiges éternelles

Dans le bus règne néanmoins une ambiance bon enfant. Nos jeunes accros du plein air se plongent dans leurs guides, regardent la télé ou scrutent l’horizon de ce désert humide qui s’étend à perte de vue autour de nous. Nous longeons la côte pacifique avant de grimper dans les montagnes à la hauteur de la ville de Pativilca. Nous gagnons doucement de l’altitude, puis la route commence brutalement à zigzaguer. Au fur et à mesure de notre ascension, la végétation, jusque-là inexistante dans le désert rocailleux de basse altitude, commence à apparaître. Au bout de plusieurs heures d’ascension, nous atteignons enfin un vaste plateau couvert d’une espèce de toundra rase où se lovent de superbes lacs aux eaux transparentes. À l’est de cette steppe glaciale, la Cordillère Blanche apparaît progressivement dans toute sa magnitude. Le massif contient certains des pics les plus élevés d’Amérique latine (au-dessus de 6000 mètres). Parmi ces géants, on trouve le plus élevé du pays, le Nevado Huascarán (6768 mètres) et le Nevado Alpamayo dont les neiges éternelles atteignent les 5947 mètres. Ce dernier est décrit comme « la plus belle montagne du monde » selon le club alpin allemandDeutscher Alpenverein.

À notre arrivée à Huaraz, des démarcheurs nous assaillent avant même que nous ayons pu récupérer nos sacs. Chambres, petits hôtels, restaurants, agences de randonnée, boutiques d’équipement… Nous nous extirpons rapidement de la mêlée et rejoignons à pied une chambre d’hôtes conseillée par des amis de Lima. Nous jetons nos sacs dans une petite chambre sans grand charme nichée dans un bâtiment en béton armé, et partons organiser notre randonnée.

Notre idée est d’emprunter le plus célèbre des circuits, le Santa Cruz Trek, mais à notre manière; c’est-à-dire sans passer par une agence, mais en l’organisant avec des guides locaux pour que notre argent se retrouve totalement entre les mains de ceux qui en ont le plus besoin : les villageois qui vivent aux alentours et à l’intérieur du fameux Parque Nacional Huascaran.

Crédit: Laurent GranierObjectif : Tourisme responsable

Bien que nichée à 3091 mètres d’altitude au pied de la Cordillère Blanche (ce qui pourrait en faire une agréable station d’altitude), la ville d’Huaraz nous déçoit. Intégralement reconstruite à la suite du séisme de 1970 (un tremblement de terre qui avait tué 15 000 personnes), la ville est bétonnée à souhait. Odeurs grasses de poulets rôtis, rues sales, vendeurs ambulants de DVD piratés… Le commerce dsetiné aux hordes de randonneurs pédestress’est développé de manière incontrôlée et il est difficile de faire 100 mètres à pied sans se faire harceler! Nous rentrons par curiosité dans différentes agences : ces vendeurs de forfaits « clé en main » font preuve d’un bagou insupportable.

Abasourdis par cette ambiance commerciale aux néons blafards, nous nous réfugions dans l’ambiance confortabledu Café Andino, où nous a donné rendez-vous Miriam Torres, membre du Mountain Institute, une ONG nord-américaine. Cette organisation travaille avec les communautés qui entourent Huaraz sur des programmes de développement durable, d’écotourisme et de protection de l’environnement. « Je comprends votre déception en arrivant ici, dit-elle. Huaraz a beaucoup changé avec l’explosion du tourisme. La grande majorité du tourisme est véritablement cannibalisé par les agences qui travaillent directement avec des organisations européennes, canadiennes ou américaines. Une infime partie de l’argent qui arrive ici parvient finalement dans les mains des habitants de la région. C’est pour cette raison que nous travaillons avec les villages aux alentours pour essayer d’enrayer ce processus. Je vous conseillerais d’aller directement au village de Conay, le point de départ du Santa Cruz Trek et d’organiser votre logistique directement là-bas avec les villageois. »

Nous voilà donc assis dans un colectivo (petit bus, habituellement plein à craquer!), et remontons le Callejón de Huaylas – la vallée qui sépare la Cordillère Blanche de la Cordillère Noire, une autre chaîne aride située à l’ouest. Une fois arrivés à Huaripampa, nous continuons dans un taxi collectif déglingué qui bringuebale sur une piste étroite et poussiéreuse jusqu’au petit village de Conay. Je papote avec ma voisine, une femme souriante et rondelette, qui lâche régulièrement un fou rire bruyant. Elle nous conseille de dormir à l’épicerie du village qui offre aussi des Alojamiento (chambres d’hôtes). La famille Guttierez nous aidera à trouver un cheval et un guide facilement.

Jaime et sa femme Maria nous installent confortablement dans la chambre de leur fils aîné, en vacances à Lima, nous préparent une bonne soupe et nous trouvent un guide adorable, Oscar, avec lequel nous décidons de partir le lendemain même, à l’aube, avec son cheval bâté.

Crédit: Laurent GranierEn route vers le col de Punta Union

Nous remontons la Quebrada Santa Cruz dans la brume fraîche du matin. Une odeur agréable d’eucalyptus nous entoure. La montée en pente douce vers Llamacoral (3600 mètres) s’avère plutôt facile et nous déjeunons en fin de matinée sur ce spectaculaire terrain de bivouac, avec des vues superbes sur le gigantesque canyon encaissé que nous nous apprêtons à remonter vers l’est. Tout autour, nous admirons une pampa (plaine d’altitude) vert chlorophylle, où paissent paisiblement quelques moutons. Seule ombre à ce tableau idyllique : le petit « cabanon-toilettes » en bois a été totalement saccagé et tombe littéralement en ruine. Les bosquets alentours et les bords de la rivière sont donc jonchés de papiers hygiéniques. On se demande bien où vont les 20 $US que coûte le permis de trekking…

Nous continuons à remonter la Quebrada qui s’élargit progressivement. Nous passons par de superbes lacs turquoise bordés de Quenua, ces étranges arbres à l’écorce rouge en millefeuilles. Puis, nous traversons, grâce à une succession de petits ponts en bois, une zone assez spongieuse, habitat naturel de nombreux chevaux sauvages, avant de faire une dernière ascension jusqu’à notre camp pour la nuit, Taullipampa, à une altitude de 4250 mètres. Le soroche (mal de l’altitude) commence à se faire sentir et un léger mal de tête nous prend. À grand coup de thé aux feuilles de coca, nous essayons tant bien que mal de nous réhydrater. Autour de nous, des vues spectaculaires sur les majestueux pics enneigés des Nevados Pucajirca (6046 mètres) et Taulliraju (5830 mètres), d’où descendent des petits glaciers.

Nous discutons longuement ce soir avec Oscar : « La gestion du parc est catastrophique et nous ne cessons de le répéter à Huaraz : les infrastructures tombent littéralement par terre et il n’y a aucun garde forestier pour faire appliquer les règles, dont celle d’interdire les feux de camp pour éviter la disparition autour des sites des quenua, qui sont des arbres très fragiles. C’est nous-mêmes, les guides locaux, qui devons entretenir les sentiers, car les autorités du parc ne font rien! Sans parler des agences de Huaraz qui récupèrent tout l’argent et payent chichement les guides… »

Le lendemain, nous grimpons jusqu’au col de Punta Union (4760 mètres) en empruntant un superbe sentier pavé. La montée est éreintante et nous cherchons péniblement notre air. Au sommet, la vue est incroyable sur l’ensemble du massif, en particulier sur la face sud du Nevado Alpamayo et sur les vallées recouvertes de lacs. Le froid est saisissant et nous décidons de redescendre rapidement vers la Quebrada Hauripampa.

Crédit: Laurent GranierLe salaire de la peur

En chemin, nous passons les lacs de Morococha et de Piramide avant de dresser notre camp à Paria. À notre arrivée – et à notre grande surprise! – de nombreux feux ont été allumés et certains guides sont plutôt éméchés. Oscar nous conseille de dresser notre camp à l’écart pour assurer notre tranquillité!

Le jour suivant, nous rejoignons le village de Vaqueria, où nous devons trouver un moyen de retourner à Huaraz en empruntant la piste. À notre arrivée à Huaripampa, nous tombons sur deux couples français croulant sous d’énormes sacs à dos. « Notre agence nous a roulés! À notre arrivée à Vaqueria, aucun animal… Nous allons devoir porter tout notre équipement. Nous ne savons même pas si nous allons y arriver! »

À Vaqueria, après 30 minutes d’attente, notre bus arrive. Nous faisons nos adieux à Oscar et nous nous postons sur le bas-côté de la route. Le bus, débordant de passagers, passe devant nous pleins gaz sans s’arrêter. Le prochain doit passer dans huit heures… Nous décidons alors d’arrêter un camion qui nous prend gentiment en stop. Les deux frères Estrada nous laissent nous installer dans la cabine et nous commençons notre pénible ascension vers le col de Portachuelo de Llangaanucuo perché à 4767 mètres. La piste étroite et défoncée zigzague à ces altitudes démentes. Le moteur toussote et cherche lui aussi son air. Nous osons à peine regarder les abysses qui bordent la route. Nous aurions dû continuer à pied…

Nos deux amis ne parlent plus, se concentrant sur cette conduite périlleuse. Certaines « épingles à cheveux » sont tellement étroites que notre chauffeur doit s’y prendre à plusieurs reprises, réalisant des marches arrière impossibles au-dessus du vide… Nous sommes livides.

Après de nombreuses heures à ce petit jeu épuisant pour les nerfs, nous nous hissons finalement en haut du col, d’où nous nous régalons d’une vue absolument superbe sur les lacs vert jade qui s’étalent en contrebas.

La descente s’avérera aussi périlleuse, d’autant plus que les récentes pluies diluviennes ont provoqué des coulées de boue qui ont détruit certaines portions de la route. Mais nos amis nous rassurent : les « apus » sont apparemment de bonne humeur aujourd’hui…

Le meilleur : Les panoramas sur les lacs turquoise, entourés des montagnes enneigées!

Le pire: Les installations du parc qui tombent en ruine…

Le plus bizarre: L’écorce rouge sang en millefeuilles des arbres quenua.

Quand

La saison sèche (de mai à octobre) est le meilleur moment pour aller faire de la randonnée dans la Cordillère Blanche.

Comment

Pas besoin d’un visa de touriste pour visiter le Pérou. Un timbre d’entrée sera apposé dans le passeport à l’arrivée à un point d’entrée au Pérou, pour une période de 30, 60 ou 90 jours.

Bureaux du Parque Nacional Huascarán(permis de trekking)

Adresse : Sal y Rosas 555

Tél. : 043 722 086

Casa de Guias (Association des guides de haute montagne)

Parque Ginebra 28-G

Tél. : 043 721 811

Plein de bonnes infos et un bon endroit pour trouver guides et animaux de bât.

S’y rendre

Plusieurs vols desservent Lima depuis Montréal, mais toujours avec une escale à Toronto ou aux États-Unis. Depuis Lima, prendre un bus jusqu’à Huaraz (compter entre 7 et 8 heures). La compagnie Cruz del Suroffre le meilleur rapport qualité/prix et il est possible de réserver son billet par Internet : cruzdelsur.com.pe

Budget

Compter entre 900 $ et 1100 $ pour le billet d’avion aller-retour Montréal – Lima. Ensuite le billet de bus aller simple vers Huaraz vous coûtera entre 20 et 26 $. Si vous voulez passer par une agence, le trek vous coûtera au moins 400 $ (4 jours / 3 nuits) si vous réservez tôt. Nous vous conseillons l’agence francophone Andean Adventure (andean.free.fr). Compter environ 250 $ pour le même circuit si vous l’organisez une fois sur place. Les prix pour un service de guide avec animal sont très abordables aussi : environ 100 $ pour 4 jours! S’agit de savoir quel niveau de confort vous désirez.

Argent

La monnaie nationale péruvienne est le Nouveau Sol (1 $ = 3 soles). On trouve des guichets automatiques sans difficulté à Huaraz et Lima.

Langue

L’espagnol est la langue parlée couramment, en plus de différentes langues indigènes comme le quechua. Dans les régions touristiques comme la Cordillère Blanche, l’anglais et le français sont parlés par ceux qui sont en contact avec les touristes.

Santé

Comme dans la majorité des pays d’Amérique latine, il ne faut jamais boire de l’eau du robinet (même pour se laver les dents!). Ne buvez que des liquides bouillis. Ne mangez rien de cru et évitez les crudités, les glaçons, les viandes insuffisamment cuites, etc. Consultez une clinique santé-voyage avant le départ pour les vaccins en fonction de votre itinéraire.

À lire

Trekking in the Central Andes (Lonely Planet)

Liens Internet

Instituto de Montaña(Mountain Institute) : mountain.org

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