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Montréal-Québec: l’ultra-défi de l’ultra-coureur Sylvain Burguet

En voyant Sylvain Burguet, on ne se doute pas qu’il a couru, deux jours plus tôt, 246 kilomètres (la distance de 6 marathons), de Montréal à Québec, en 41 heures. Il se tient sur des deux jambes et marche d’un pas normal. Il affirme ne pas ressentir de grosses douleurs. Non vraiment, on penserait qu’il a vécu une fin de semaine normale. Et pourtant, à l’écouter nous raconter son périple, on prend conscience que l’ultra-marathonien de 30 ans, coach en leadership et en mobilisation d’équipe chez Esprit de Corps, est allé au bout de lui-même, en quête de dépassement. Entrevue.

Dans quel état d’esprit vous sentez-vous, quelques jours après ce défi ?

Je n’ai pas encore pris le temps d’analyser ce qui m’est arrivé. Je ne suis pas encore descendu de ma planète. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé durant ces deux jours. C’était la guerre... C’était dur ! Hier (ndr : lundi), j’ai braillé. Avec ma copine, on n’y croyait pas. On est allé au restaurant. On en a parlé à tous les serveurs que l’on a croisés ! On ne se rend pas compte, comment dans nos vies quotidiennes, on reste en permanence dans notre zone de confort. On reste dans la facilité. On ne va pas se chercher, essayer de se dépasser.

Crédit: Esprit de CorpsQuelles sont les réactions des gens qui apprennent ce que vous avez réalisé ?

Ils sont le plus souvent étonnés. Mais il y en a beaucoup qui le voit comme une prouesse physique. Ce n’est pas, à mes yeux, le plus important. Dans ce défi, le plus important, c’est le mental. Sans ça, avec une équipe derrière qui vous soutient, le moteur lâche et on peut plus avancer.

Comment sont nés l’envie et le projet de courir de Montréal et Québec ?

Malgré mon jeune âge, j’ai une grosse expérience dans la course à pied. Je ne pourrai pas mettre un chiffre sur le nombre de courses auxquelles j’ai participé : des 5 kilomètres, des 10, des demi-marathons et des marathons. J’ai commencé quand j’étais étudiant en sport à l’université. Aujourd’hui, j’en ai marre de courir après le chronomètre. Je veux rallier des villes, des distances un peu folles qui peuvent paraître extrêmes, en courant.

Quel était le but de ce défi ?

Plus que la performance sportive, j’avais envie de repousser mes limites personnelles, de sortir de ma zone de confort pour voir ce qu’il y a après, découvrir qui l’on est véritablement au fond de soi. Face à ce défi, on ne peut pas tricher sur son état de forme, à être et à paraître dans un personnage. On joue cartes sur table.

Comment prépare-t-on son corps à résister à 246 kilomètres de course à pied ?

J’avoue, c’est une distance un peu bizarre... Un peu mystérieuse aussi. Je me connaissais sur des distances plus courtes. Quelques semaines avant, j’avais couru un 70 kilomètres sans trop me fatiguer. Avec tous les kilomètres parcourus, j’ai profité des différents événements et défis auxquels j’ai pris part avec Esprit de Corps. Mais, en plus, j’ai beaucoup travaillé sur le renforcement musculaire. Les coureurs ne le font pas assez, parce que cela prend du temps. Moi, j’ai mis beaucoup l’emphase là-dessus, cumulé également avec de la natation pour la récupération et la relaxation.

Depuis combien de temps vous vous y préparez ?

C’est un an et demi de préparation, si l’on compte une première tentative qui s’est avérée, malgré tout, être une bonne répétition. C’est surtout avec Esprit de Corps que le projet a pris une autre envergure. Ma préparation est passée dans une autre dimension. J’ai tout de suite adhéré à leur philosophie basée sur l’interdépendance et le dépassement de soi. Mon projet personnel de courir entre Montréal et Québec est devenu un défi d’équipe. Je n’aurais jamais pu y arriver sans eux, à tout point de vue : au niveau de l’organisation, de l’entraînement, de l’entraide psychologique et physique. Ils ont permis d’optimiser mon avancée. C’était une équipe exceptionnelle : tellement pro et proactif. Ils étaient attentionnés, à l’écoute. En tout temps, il y avait une vingtaine de personnes qui se sont relayées pour courir avec moi. À partir du 160e kilomètre, j’avais des douleurs intenses aux jambes et aux chevilles. Je ne voulais plus m’arrêter de courir. Pour soulager chaque pas de la pression au sol, j’avais une personne de chaque côté. Et on a couru comme cela des marathons et des marathons jusqu’à la fin. Il y avait toujours quatre personnes autour de moi. Certains coureurs ont ainsi parcouru des distances qu’il n’avait jamais courues. Ils ne regardaient pas le kilométrage. Ils voulaient simplement rester avec moi.

On avait planifié des relais et des arrêts tous les 25 kilomètres. Mais une longue aventure ne se passe jamais comme on le prévoit au départ. Les gens se sont bien relayés au tout début, mais avec la fatigue, on a frappé quelques petits murs. Je ne courais plus qu’à coup de 12.5 kilomètres, avec, à chaque fois, une pause d’environ 10 minutes pour se ravitailler et faire des étirements. Au petit matin, le dimanche, après 25 heures de course, j’ai frappé un mur au 160e kilomètre. J’ai décidé d’arrêter un tout petit peu, car je commençais à marcher. La douleur était intense. Mais, je ne voulais pas continuer comme ça. C’est un défi de course, pas de marche. Je me suis reposé. J’ai dormi pendant une heure.

Cela a dû être très difficile de repartir après cette pause...

Non. J’étais très motivé. Ça allait bien au début, mais les douleurs sont tout de suite ressorties. C’était de nouveau intenable. J’ai donc pris la décision de ne plus arrêter de courir. Je l’ai dit à l’équipe. On a continué jusqu’au bout, pour les 80 derniers kilomètres.

Comment résister à la fatigue ?

Le principe que l’on doit appliquer : rester dans l’instant. Pour de telles distances, il ne faut surtout pas penser au km +1, +2, +100. Il faut simplement se féliciter de ce que l’on a réussi à faire, sans s’enflammer sur ce qu’il reste encore à parcourir. C’est un exercice difficile, car dans la vie de tous les jours, on se projette constamment : réfléchir à ce que l’on fera dans dix minutes, demain, la fin de semaine prochaine... N’est-ce pas une erreur ? Cela amène du stress. Ce principe de vivre le moment présent, d’être l’instant, il n’est pas propre aux coureurs de longues distances. Dans la vie comme pour ce défi, c’est patiemment, kilomètre par kilomètre, un pas devant l’autre, que l’on y arrive.

Avec ce défi, pensez-vous avoir touché vos propres limites ?

Je pense être arrivé pas mal au bout de mes capacités de distance. Je suis jeune, mais mon corps traîne mon passé. Les petits bobos ressortent. Je suis en forme musculairement, mais quand l’ossature est usée, cela reste et crée des douleurs intenses. Je pense avoir atteint ma propre limite, à cause de tout ce bagage-là. C’était une très belle expérience. Je ne pense pas pouvoir aller plus loin.

Crédit: Esprit de Corps

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defisylvainburguet.com
espritdecorps.biz

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