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  • Crédit: torchrelay.beijing2008.ch

La Chine ferme l’Everest

Pour respecter sa promesse faite au Comité international olympique, rien ne pouvait arrêter la Chine d’amener la flamme olympique sur le toit du monde : interdiction de gravir l’Everest, pressions diplomatiques sur le Népal et militarisation du parcours de la flamme. Même les alpinistes étaient suspectés! Retour sur une saison mouvementée.

Pour éviter les manifestations des activistes prônant l’indépendance du Tibet, la Chine ne voulait aucune embûche sur son parcours. Et elle a réussi! En mars dernier, la China Tibet Mountaineering Association (CTMA) indiquait que le mont Everest (appelé Chomolunga, la « déesse mère du monde », par les Tibétains) et le Cho Oyu seraient complètement fermés aux étrangers. Aucun permis pour le sommet ne serait délivré avant le 10 mai 2008. Du coup, plusieurs expéditions se sont retrouvées en péril.

C’est qu’il faut près de cinq semaines pour s’acclimater convenablement au faible niveau d’oxygène en haute montagne. Seule l’équipe de la flamme possédait suffisamment de temps pour gravir la montagne du côté nord (situé au Tibet) cette année. Toutes les autres expéditions prévues sur ce versant ont donc été annulées ou redirigées sur la voie sud, au Népal.

Pendant ce temps au Tibet…

La décision de la Chine de fermer l’accès à l’Everest par le Tibet a été prise bien avant les manifestations du mois de mars entre les sécessionnistes tibétains et les autorités chinoises à l'occasion du 49e anniversaire du soulèvement et de l’exil du dalaï-lama. Afin de contrôler les émeutiers et de protéger son image internationale, la Chine a interdit aux touristes et aux journalistes de se rendre au Tibet. Cette interdiction a été prolongée jusqu’à la fin du mois d’août, soit jusqu’à la fin des Jeux olympiques.

195 millions de bonnes raisons d’imiter la Chine…

Le 7 mars, la Chine octroyait un prêt conditionnel de 195 millions de dollars au Népal, juste avant de lui faire la demande de restreindre aussi l’accès à l’Everest sur la face sud. Le ministère du Tourisme népalais a finalement délivré ses permis le 25 mars, mais à certaines conditions. Pour ne pas déplaire à son endosseur, le Népal a notamment restreint les déplacements et la liberté d’expression sur l’Everest en confisquant les moyens de communication des alpinistes. Même les journalistes devaient respecter l’interdiction.

Le 21 avril, le ministère de l’Intérieur annonçait que les soldats et le personnel policier avaient reçu l’ordre d’utiliser la force. Ceux-ci n’hésiteraient pas à tirer si des protestataires tentaient de perturber la progression de la flamme olympique. Dès le lendemain, William Brant Holland, un alpiniste américain, a été expulsé de la montagne lorsqu’on a découvert  un drapeau tibétain dans ses bagages. Les alpinistes pouvaient circuler sur la montagne (côté népalais) et commencer leur acclimatation jusqu’au camp 3 (situé à 7200 m) jusqu’à la fin du mois d’avril, mais sans pouvoir y établir de campements.

Sueurs froides

Les décisions tardives et les déclarations ambivalentes des autorités népalaises ont donné des sueurs froides à plusieurs alpinistes qui, jusqu’à la fin mars, n’avaient toujours pas obtenu un permis pour entreprendre l’ascension de l’Everest.

Parmi ces alpinistes se trouvait Sylvie Fréchette qui tentait cette année de devenir la première Québécoise à atteindre le toit du monde. Argent, logistique, préparation physique, travail et famille doivent être judicieusement conciliés pour permettre une telle expérience. Avant son départ, elle déclarait : « Si j’avais eu à remettre l’expédition à l’année prochaine, je ne sais pas si j’aurais encore eu le cœur de faire tous ces sacrifices. »

Crédit: sylviefrechette.comEntre les débats sur les droits humains et les frondes du milieu alpin, Sylvie Fréchette était plus inquiète pour les sherpas et les porteurs : « J’ai été sur le qui-vive : j’espérais ne pas devoir annuler mon voyage. Personnellement, j’aurais pu m’arranger, mais ce genre d’expédition, c’est souvent la seule source de revenus pour les sherpas et les porteurs. Ils en dépendent pour vivre et ils ne font pas un gros salaire ». Seulement pour lui permettre d’atteindre le sommet, deux sherpas et huit porteurs l’accompagnaient dans ses déplacements. Une baisse du nombre d’alpinistes aurait grandement influencé la santé économique de ces communautés himalayennes.

De son côté, François-Guy Thivierge, alpiniste qui tentait également de se tenir sur le toit du monde cette année, abondait dans le même sens : « La fenêtre de beau temps au mois de mai est très courte et les restrictions diminuent nos chances de réussite ». Mario Dutil, alpiniste québécois ayant atteint le sommet de l’Everest en 2004, est aussi d’avis que les contraintes de temps ne devraient pas exister en montagne : « C’est déjà assez difficile d’atteindre le sommet! »

Les deux équipes québécoises devaient donc terminer leur acclimatation avant le 1er mai. Avant leur départ du Québec, ils espéraient que la fenêtre de beau temps leur serait favorable entre le 17 et le 20 mai. Sans cette percée météorologique, leur rêve ne pouvait se réaliser cette année.

Démonstration de force

Au Tibet chinois comme au Népal, les autorités ont fait respecter les restrictions établies. Dans un article publié par le journal contrôlé par l’État chinois, le député-gouverneur du Tibet, Hao Peng, a déclaré qu’il devait imposer de telles mesures de sécurité pour que « la clique sécessionniste du dalaï-lama ne vienne pas saboter le relais de la flamme au Tibet et l’ascension de l’Everest. »

Du côté népalais, quatre soldats sont restés au camp de base et quatre autres étaient positionnés au camp 2 pour « contrôler les allées et venues des équipes d’expédition et s’assurer qu’aucune manifestation contre la Chine n’ait lieu ». Les alpinistes n’ont enfin eu accès à leur matériel de communication qu’après l’atteinte du sommet par l’équipe du flambeau le 8 mai dernier Au moment de mettre sous presse, la saison à l’Everest battait son plein et la chasse au sommet était enfin ouverte!

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