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  • © Antoine Stab

Yukon : du ski grandeur nature

Immense. C’est le mot qui me vient à l’esprit quand je me remémore le Yukon. Ce ne sont évidemment pas les superlatifs qui manquent pour raconter ce que l’on y ressent. Mais l’immensité résume parfaitement mon expérience de ski dans cette région.

Immense par la topographie des lieux : un territoire d’environ 480 000 km2, le tiers du Québec, mais avec seulement 33 000 habitants. Ce qui donne un ratio de 0,07 habitant par km2. Pas étonnant que certains choisissent de s’y installer pour se « faire oublier », loin des tourments de la vie en ville. Et comme 75 % des Yukonnais résident à Whitehorse, la capitale, on prend pleinement conscience qu’ici, c’est mère Nature qui est la patronne. Reine d’un royaume à 80 % vierge de toute présence humaine, abritant des montagnes qui atteignent 5 000 mètres d’altitude, des vallées et des plateaux tapissés de forêts, de rivières et d’une faune sauvage abondante, été comme hiver. « Larger than life » comme l’annonce la devise de Tourisme Yukon.

Claude Vallier, un Français originaire des Alpes, est un ancien gendarme spécialisé en recherche et sauvetage, qui a notamment officié à Chamonix, à l’ombre du mont Blanc. Il a traversé l’Atlantique avec sa famille et sa passion du ski en montagne pour s’établir au Yukon. Malgré un potentiel immense, le ski de randonnée est encore très peu développé dans la région. Dans son livre White Pass à ski, itinéraires à ski au Yukon et Alaska, il relate : « Il y a quelques années, quand j’ai emménagé au Yukon, j’ai cherché à me renseigner sur la possibilité de ski de randonnée aux alentours, mais sans trouver beaucoup d’informations. (...) Alors j’ai exploré le secteur, sommet après sommet. J’ai eu la chance de trouver parfois de belles pentes, j’ai aussi effectué de longues et fastidieuses approches pour skier des pentes peu intéressantes. Mais j’ai surtout trouvé de beaux sommets parfaitement adaptés à la pratique du ski, du télémark ou bien du snowboard. » Il fait office de figure d’autorité du ski de randonnée au Yukon. Il était donc le compagnon idéal pour m’accompagner et me faire découvrir les trésors de la région et… se mesurer aux pentes!


© Claude Vallier

Au départ de Whitehorse, nous prenons la route en direction du village de Haines Junction, à deux heures de route vers l’ouest, puis deux autres heures vers le sud pour Haines Pass : une voie d’accès entre le Yukon et sa voisine du sud, la Colombie-Britannique. Il s’agit de l’une des quatre zones où Claude a défriché les potentialités de randonnée. Elles sont... immenses! Je ne sais plus où donner de la tête. Je me sens comme un enfant dans un magasin de jouets. De part et d’autre de la route, les montagnes nous font face. On avance à travers le massif à la recherche du couloir parfait, avec les meilleures conditions possible : du soleil, pas de vent, de la belle neige.

Une fois garés le long de la route (aucun risque de contravention ici!), nous n’avons pas encore chaussé nos skis qu’un minibus scolaire s’arrête à notre hauteur. À l’intérieur, deux Américains d’Alaska nous demandent si tout va bien. C’est une tradition, une règle bien ancrée dans les moeurs au Yukon : dès que l’on croise une voiture à l’arrêt, on ralentit pour voir si tout est correct. Le village le plus près est à 1 h 30 de route et le cellulaire ne fonctionne pas ici (aucun risque d’être dérangé par un appel ou un courriel!), alors la solidarité est primordiale.

Ces deux Américains sont aussi des skieurs en quête d’un endroit tranquille pour la journée. Nous étions deux, nous voici quatre fourmis à spatules, partant à l’assaut de la montagne. Je ne le sais pas encore, mais notre montée va durer trois heures. Il faut bien la mériter cette descente! Je suis les traces de Claude qui prend de plus en plus d’avance sur moi. Pas de doute, on est bien sur son terrain de jeu quotidien. Le mien, c’est le mont Royal, en courant. Alors forcément, ce n’est pas le même dénivelé! Mais, le ski de randonnée n’est pas une course : c’est surtout un rythme à prendre, celui qui vous fera avancer et tenir la distance. Je progresse tranquillement, mais sûrement. J’évite de regarder le sommet, car rien n’est plus démoralisant que de considérer ce qu’il reste encore à faire. En revanche, autour de moi, c’est stimulant : des montagnes et des sommets partout. Je réalise pleinement où je suis avec un plaisir fou. J’ai beau avoir chaud et, par moment, le souffle court, je n’échangerais ma place pour rien au monde. Mon idée du bonheur en somme!

Le meilleur est encore à venir : arrivés au sommet, après une pause à admirer le spectacle, on enlève les peaux, on enfile le casque et on s’élance pour la descente. Trente minutes de glisse pure, libre et sans entrave. La récompense du voyage, des efforts de la montée, de la sueur et des zigzags quand la pente se faisait trop forte. Je touche du bout de mes spatules ce dont certains skieurs professionnels expérimentés, accrocs à la poudreuse et aux pentes vierges, m’avaient parlé : ce plaisir charnel que l’on ressent à évoluer dans cette neige folle; ce sentiment de liberté, d’être dans une bulle bien loin des tracas quotidiens. Il faut quasiment se forcer pour ne pas s’engager pleinement dans la descente et perdre le contrôle de soi-même face aux éléments. Il faut constamment se rappeler que la montagne est une beauté froide, grisante et addictive, qui sait se montrer bienveillante avec les prudents et les raisonnables, mais intraitable avec ceux qui dépassent ses limites. Adopter des comportements sécuritaires est un impératif non négociable.

Le lendemain matin, après une nuit calme et reposante en cabine, Claude et moi repartons pour une deuxième journée de ski. Les mêmes mouvements de spatule s’accompagnent des mêmes sensations de bien-être et de plaisir. On monte, on regarde, on redescend et on profite! Il est malheureusement l’heure de quitter Haines Pass et retourner à Whitehorse. Seul regret de ce trop court séjour : n’avoir pu observer de mes yeux les aurores boréales, ces danseuses de la nuit aussi imprévisibles que majestueuses, qui arrivent à vous garder éveillé toute la nuit, même après une intense journée de ski. L’hiver, le Yukon, un ciel dégagé... Toutes les conditions étaient pourtant réunies pour que le spectacle se déroule. Je ne sais pas de quoi l’avenir sera fait, mais j’ai la ferme intention d’y revenir. On s’habitue si vite aux belles choses, surtout quand elles sont grandioses!


À faire aussi au Yukon en hiver

Avec plus de six mois de neige par année, ce n’est pas les activités qui manquent et le territoire est si vaste qu’il faudrait plusieurs pages pour vous référencer tout ce qu’il y a à faire. Alors, à défaut d’être exhaustif, en voici quelques-unes.

  • Chiens de traineau

Ils font partie du paysage historique du Yukon, au même titre que l’or ou que l’industrie du bois! De nombreux pourvoyeurs proposent des excursions en attelage sur une ou plusieurs journées, pour tous les niveaux. Parmi eux, Alayuk Adventure, géré par Marcelle Fressineau (guide avec plus de 25 ans d’expérience et plusieurs participations à compétitions, dont la mythique Yukon Quest, la course la plus difficile au monde) et son équipe de passionnés. Sensations de glisse et de vitesse garanties!

  • Ski alpin

Malgré tous les avantages qu’apporte le ski de randonnée et l’immensité du territoire, il est aussi possible de faire du ski alpin en station, notamment au Mont Sima, situé à une dizaine de minutes de Whitehorse, qui compte une douzaine de pistes avec 350 mètres de dénivelé.


Ce reportage a été réalisé grâce à l’Association franco-yukonaise, Claude Vallier et Dynafit.


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