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Vêtements techniques à rabais : Êtes-vous sûr de ne pas porter une contrefaçon ?

De plus en plus de vêtements techniques contrefaits sont offerts à prix dérisoire, sur Facebook et ailleurs sur les réseaux sociaux. Comment s’y retrouver pour ne pas se faire avoir, et que faire en cas de fraude?

Une fois le paquet ouvert, Catherine Simard a aussitôt compris qu’elle s’était fait arnaquer.

Ses manteaux commandés entre les mains, la sportive a alors constaté avec stupeur que les deux coquilles Arc’teryx qu’elle avait achetées en ligne et à petit prix étaient en fait… des imitations.

« Je me cherchais un manteau pour la rando alpine », raconte la malheureuse, qui a bien voulu partager ses déboires pour éviter pareil calvaire à d’autres consommateurs.

Sur Facebook, une publicité annonçait les produits du populaire équipementier canadien avec un gros rabais. De là, l’acheteuse a abouti sur un site d’achat en ligne tout ce qu’il y a de plus crédible en apparence.

« C’est sûr qu’à 70 % de rabais, tu te poses des questions… », lâche Catherine Simard. Mais le rendu du site était suffisamment bluffant pour que la Montréalaise tombe dans le panneau.

Elle choisit alors un Sentinel AR et un Alpha SV de saison. Des manteaux techniques en Gore-Tex qui se détaillent normalement 750 $ et 900 $ (plus taxes) au pays. Pour environ 400 $ pour les deux, Catherine Simard pense ainsi faire le deal du siècle. « J’ai été naïve… »

Il y a bien eu des indices en cours de route. D’abord, cette confirmation d’achat reçue depuis une obscure adresse courriel. Puis, cette absence de facture et d’adresse physique. Mais le mal était fait et la fraude en provenance de Chine était amorcée.

Suivant une façon de faire qui semble présentement typique des fraudeurs, la commande envoyée ne correspondait pas à l’achat effectué. Mauvais — faux — modèles, mauvaises couleurs. À la réception de son achat, Catherine Simard n’a pu que constater que les manteaux n’étaient pas fabriqués par Arc’teryx.

Devant l’insatisfaction de la Québécoise, le vendeur-fraudeur asiatique a suggéré un remboursement partiel, ce qu’elle a refusé. Au moment de notre entretien, Catherine tentait encore de démêler l’affaire et de se faire rembourser en totalité. Une plainte avait été déposée à la GRC et l’émetteur de sa carte de crédit avait été informé. Quant au manteau de ski tant désiré par Catherine, elle l’a finalement acheté chez un détaillant local autorisé… à prix courant!

Jeanne (prénom fictif) a vécu une semblable mésaventure. Pour 158 $ (plus 25 $ pour le dédouanement), elle a reçu un manteau Arc’teryx qui n’avait rien à voir avec celui qu’elle avait commandé en ligne. Reconnaissant son « erreur », le vendeur a accepté de le reprendre pour un échange. Sauf qu’au moment de le retourner, Jeanne découvre qu’il lui en coûtera… plus de 250 $ de frais de livraison!

Elle se tourne alors vers Marketplace, le site de petites annonces de Facebook. Elle tente de le revendre, avant de retirer son annonce, qui soulève le questionnement d’acheteurs.

L’histoire est quasi identique pour Julie (prénom fictif), qui habite en Mauricie. « J’ai vu une pub sur Facebook. Je me suis dit que ça ne pouvait pas être de la fraude si Facebook l’approuvait. »

Encore une fois, le lien mène à un site aux allures crédibles, pratiquement identique à celui utilisé par Catherine et Jeanne, bien que l’adresse Web soit différente. Là aussi, des rabais de 70 % et plus sont offerts. Julie paie 160 $ par PayPal avec confiance. « Il y avait le cadenas et tout… »

La commande reçue, le manteau ne correspond pas à ce qu’elle a acheté. Trop petit en plus. Elle tente aussi de le mettre en vente sur Marketplace. Elle réalise alors que le modèle en question est introuvable sur le site officiel d’Arc’teryx. Contactée par Espaces, elle comprend son erreur et retire aussitôt son annonce.

L’art de la copie

Le faux en question est une imitation d’une étonnante ressemblance. Malgré son expertise et sa connaissance de la gamme de produits depuis plus de dix ans, Jean-Yves Dufour, représentant d’Arc’teryx à Québec, a dû s’attarder aux détails des photos envoyées pour flairer la copie.

Même le motif quadrillé du tissu ripstop est là, à l’intérieur du manteau. Imprimé au lieu d’être tissé, il est donc sans aucune utilité technique. Mais pour quelqu’un qui s’y connaît peu, ou encore qui n’a pas été mis en contact avec les vêtements originaux, il est facile de n’y voir que du feu.

« Ce qui m’étonne, c’est qu’il y a maintenant des manteaux qui sont envoyés aux acheteurs », lance le représentant. Celui-ci se souvient que, par le passé, les clients trompés étaient souvent fraudés par leur carte de crédit sans que de réels vêtements soient expédiés. Pourquoi, dès lors, les contrefacteurs se donnent-ils maintenant la peine de livrer la marchandise, aussi mauvaise soit-elle? Probablement parce que, de cette manière, les acheteurs floués sont moins portés à les dénoncer puisqu’ils obtiennent un produit. Au surplus, les fraudeurs gagnent ainsi du temps, et ils peuvent attraper plus de clients avant de devoir « fermer boutique ». Le pire, c’est que certains acheteurs semblent bien fiers de s’être procuré un faux à seulement 150 $ : ils se satisfont de l’apparence et de la griffe, même si la qualité n’est pas au rendez-vous; d’autres décident de revendre les produits comme des vrais pour réaliser un profit. Il en résulte un « double marché » pour ces contrefaçons, et les faussaires asiatiques en profitent.

Un marché de longue date

Ce n’est pas d’hier que la fraude liée au marché des vêtements techniques existe. Pour le représentant Michel Quesnel, de l’agence du même nom, qui représente The North Face dans l’est du Québec, c’est souvent au service de garantie des manufacturiers que les copies sont détectées. « Ç’a toujours existé, mais des prix magiques, ça n’existe pas! » dit-il en insistant sur l’importance d’acheter exclusivement chez des détaillants autorisés.

Pour The North Face, « c’est moins pire cette année [en 2019] », précise le représentant. Mais tout comme chez Arc’teryx, il est sur ses gardes et a une équipe en place pour faire le ménage des sites frauduleux. Sans compter que, depuis quelques années, le fabricant américain a ajouté un hologramme qu’il est impossible de copier sur l’étiquette où les numéros d’identification du vêtement sont inscrits. Canada Goose a aussi mis en place ce procédé pour enrayer la contrefaçon.

Du côté de la GRC, au Centre antifraude du Canada, le sergent Jeffrey Thomson se retrouve au cœur de la traque des fraudeurs. L’analyste senior fait remarquer que si la contrefaçon continue d’être un problème fréquent, elle se renouvelle avec la publicité sur les réseaux sociaux. Des pièces d’auto aux vêtements signés, tout y passe, constate-t-il. Le policier observe que la période des Fêtes est particulièrement propice à ce type d’arnaques. « Si c’est trop beau pour être vrai, c’est que ça ne l’est pas », résume l’analyste d’expérience.

Là où la problématique se complique, c’est sur les sites de revente, notamment sur Marketplace de Facebook. Régulièrement, il est possible d’y dénicher des rabais douteux sur des coquilles techniques présentées comme neuves. Mais même à 200 $, « ça reste des sacs de poubelle », image Jean-Yves Dufour.

Surveillance limitée

Chez Facebook, on assure prendre « les droits de propriété intellectuelle au sérieux ». Au terme d’une série d’échanges par courriel qui s’est étirée sur plus d’une semaine (par le truchement d’une firme de relations publiques), le géant du Web s’est finalement contenté de réactions officielles par écrit.

« Conformément à nos règles de communauté, nous prenons des mesures rapides contre l’atteinte à la propriété intellectuelle et nous supprimons le contenu visant à tromper délibérément les gens pour obtenir un avantage ou priver autrui d’argent, de propriété ou de droits légaux. »

Une vitesse d’action qui reste bien relative, car malgré le fait d’avoir signalé des pages et des annonces frauduleuses sur Marketplace au fil de ce reportage, bon nombre étaient toujours actives plusieurs semaines plus tard. Et à moins qu’un manufacturier lui-même s’en plaigne, ces annonces risquent fort de rester en ligne.

« En raison des obligations légales de Facebook, nous ne pouvons pas examiner un enjeu de propriété intellectuelle sans recevoir d’abord un rapport directement du titulaire des droits ou d’une personne autorisée à agir en son nom [un avocat, par exemple]. » On comprend alors la limite du signalement des annonces dans pareil contexte. Les responsables du réseau social ont refusé d’en discuter directement.

Il faut donc voir à sa propre sécurité et questionner les vendeurs — qui connaissent ou non la nature illégale du produit qu’ils vendent — pour s’assurer de l’authenticité des vêtements. Dans le cas de revente entre individus, Jean-Yves Dufour suggère l’achat local de main à main, histoire d’avoir la sensation du réel produit.

Flairer le faux

Pour les représentants de The North Face et d’Arc’teryx, il est donc toujours essentiel de porter attention aux détails. La qualité et l’emplacement des logos et des broderies sont souvent les premiers indices qui trahissent la contrefaçon. La finition des coutures et des rubans d’étanchéité doit être impeccable sur les originaux.

Idem pour les fermetures à glissière, qui seront de premier choix, souvent de marque YKK. Chaque manufacturier a également sa façon d’agencer les couleurs et les types d’attaches, de cordons et autres velcros, selon les collections. Il suffit de comparer avec des sources sûres, comme le site Web des fabricants. Sans compter que les étiquettes avec les numéros de style, de manufacturier et de saison en cours — les blanches, où les instructions de nettoyage sont inscrites — doivent y être.

Dans tous les cas douteux analysés durant ce reportage, aucun vendeur n’a d’ailleurs été en mesure de fournir ces informations. Et souvent, dès que les questions devenaient aussi pointues, avant même qu’Espaces dévoile sa démarche, les vêtements étaient soudainement « vendus » ou encore les annonces disparaissaient. D’autres vendeurs ont simplement cessé de répondre, mais tout en laissant en ligne leur annonce.

À ceux qui seraient tentés d’agir de la sorte, sans doute avec l’espoir de trouver un acheteur moins suspicieux à qui refiler un vêtement frauduleux, le sergent Thomson de la GRC rappelle que la vente de produits contrefaits est passible de poursuites.

Il suggère aux acheteurs de toujours procéder avec une carte de crédit munie d’une protection antifraude, de se méfier des boutiques en ligne qui utilisent des adresses de courriel générales, comme Gmail ou Hotmail, et de bien inspecter les produits.

Enfin, si vous croyez avoir acheté un produit frauduleux, demandez d’abord un remboursement au vendeur. Si cela ne donne pas de résultat, contactez l’institution bancaire qui émet votre carte de crédit pour signaler la transaction trompeuse.

N’hésitez pas à dénoncer le vendeur au Centre antifraude de la GRC. Dans le cas des petites annonces, signalez les arnaques à votre corps policier local, suggère le sergent Thomson. « On ne stoppera jamais tout », précise le policier. « Mais plus les gens seront informés, plus les fraudeurs auront des bâtons dans les roues, et mieux ce sera pour les consommateurs », conclut-il.

Info et assistance : antifraudcentre-centreantifraude.ca

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