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Caféine : bénéfices et mises en garde

Qu’elle soit consommée sous forme de gels énergétiques, de boissons sportives ou de doubles espressos, une chose est sûre : la caféine est l’une des meilleures amies du sportif, à condition bien sûr de savoir l’utiliser… et de ne pas en faire un cas de conscience!

Ce n’est pas d’hier que date l’association entre la caféine et l’amélioration des performances physiques. Déjà en 1912, des chercheurs de l’Université du Kansas l’étudiaient à l’aide d’une boisson gazeuse sucrée encore aujourd’hui très connue : le Coca-Cola! À cette époque, la concentration en caféine d’un Coke était la même que celle d’un Red Bull des temps modernes.

Les conclusions auxquelles les scientifiques ont abouti allaient mettre la table à des décennies de recherche sur le sujet. C’est qu’à la suite de la simple consommation d’un verre de Coca-Cola, les deux sujets que comptait l’expérimentation ont amélioré le nombre de répétitions qu’ils étaient en mesure de compléter lors d’un exercice de musculation. Malgré son caractère antique, cette étude a le mérite d’être l’une des premières à documenter les effets de la caféine sur le rendement physique.  

Un siècle plus tard, la réputation de cette poudre blanche, amère et cristalline de la famille des méthylxanthines n’est plus à faire. « S’il y a bien une substance qui a été étudiée, c’est celle-là! », lance Éric Goulet, physiologiste de l’exercice et professeur adjoint à la Faculté d’éducation physique et sportive de l’Université de Sherbrooke. « Lorsque l’on compile tous les résultats des études faites jusqu’à ce jour, on voit clairement que la caféine améliore les performances, et ce, lors de tous les types d’efforts. »

En 2009, une équipe de l’Université du Connecticut a entrepris de recenser l’ensemble des études liées aux effets de la caféine sur les performances dans les sports d’endurance. La majorité de celles retenues s’intéressait à des efforts d’une durée de quinze minutes à deux heures dans des disciplines comme la course à pied, le cyclisme et le ski de fond.

Les résultats sont sans équivoques : la caféine améliore les performances de l’ordre d’environ 3 %! Par exemple, un coureur dont le meilleur temps sur marathon est de 3 heures 30 minutes abaisserait vraisemblablement cette marque à 3 heures 23 minutes et 42 secondes avec l’équivalent d’un (ou deux!) espresso derrière la cravate. Un gain de 6 minutes 18 secondes, ou de 9 secondes par kilomètre parcouru.

Plusieurs mécanismes ont été proposés pour décrire l’efficacité de la caféine. L’hypothèse la plus répandue est celle des récepteurs à l’adénosine, un produit chimique qui s’accumule dans le cerveau et cause la somnolence et la sensation de fatigue. La molécule de caféine partage une structure très similaire à celle de l’adénosine et vient se lier à ses récepteurs afin d’annuler son effet. Dans son livre BuzzThe Science and Lore of Alcohol and Caffeine, l’auteur Stephen Braun compare ce mécanisme au fait de « mettre un morceau de bois en dessous de l’une des principales pédales de frein du cerveau »!

Résultat : pour une même sensation de fatigue, le sportif caféiné ira plus vite, sautera plus haut et poussera plus fort. De la même manière, pour une vitesse identique, on se sentira moins fatigué avec de la caféine dans notre système.

Efficace : oui, mais…

Le 27 mai dernier, Logan Stiner, un adolescent de 18 ans de l’Ohio, est trouvé mort à son domicile. Selon l’autopsie, il a succombé à un abus de caféine pure en poudre. Facilement accessible via Internet et peu dispendieux, ce produit peut provoquer des surdoses, et ce, même s’il est consommé à de très petites doses. La FDA, l’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux, estime « qu’une seule cuillère équivaut à environ 25 tasses de café »...

 

Bien qu’anecdotique, cette tragédie illustre le caractère potentiellement dangereux de la caféine. Ingérée sous forme de mégadoses, chez de jeunes sujets ou chez des sujets non accoutumés, elle provoque des maux allant de la nervosité aux tremblements, en passant par l’insomnie et, comme dans le cas de Logan Stilner, la mort. Chez des sujets accoutumés, son retrait brutal induit des symptômes de manque qui ne sont pas sans rappeler ce que vit un junkie à qui on enlève son « fix ».

Heureusement, les doses de caféine requises pour qu’un sportif d’âge adulte en tire les pleins bénéfices sont loin d’être massives. On estime que trois milligrammes de caféine par kilogramme de poids corporel consommés une heure avant l’activité physique sont suffisants pour voir apparaitre des effets notables sur les performances. Chez un individu sain de 70 kg, cela équivaut donc à une consommation de 210 mg de caféine, c’est-à-dire à deux capsules de caféine pure de 100 mg chacune, soit environ six gels énergétiques de marque populaire ou d’un café de format moyen-grand!

Interrogé sur la dangerosité de la caféine, Martin Fréchette, diététiste et nutritionniste sportif, affirme sans détour qu’« il est à l’aise de la recommander » tant et aussi longtemps que cela est à dosage modéré chez des adultes qui la tolèrent bien. « Je sais, cela fait beaucoup de “si”, mais à partir du moment qu’ils sont tous respectés, la caféine est une substance qui gagne à être utilisée par les sportifs », soutient-il, tout en soulignant du même souffle l’importance de la mettre à l’épreuve à l’entrainement préalablement à une compétition.

Un avis que partage Éric Goulet : « S’il y a une substance qui peut améliorer les performances, c’est bien celle-là, note-t-il. D’autant plus qu’elle est légale. »

Une drogue tolérée

Légale? Oui, depuis 2004, année depuis laquelle la caféine ne figure plus sur la Liste des interdictions de l’Agence mondiale antidopage (AMA). Désormais, elle fait partie des substances du Programme de surveillance de l’AMA, ce qui veut dire qu’elle est tolérée par les autorités qui surveillent son utilisation par les athlètes. En date de 2010 et de 2011, le Programme de surveillance n’avait pas décelé de tendances à l’abus chez ces derniers, probablement parce que la science a statué qu’ils peuvent en retirer des effets significatifs à des doses normales.

Avant 2004, tout athlète contrôlé avec une concentration supérieure à douze microgrammes de caféine par millilitre d’urine était considéré comme positif à cette substance. Plusieurs athlètes ont fait les frais de cette législation : le médaillé olympique et cycliste américain Steve Hegg (1988), le champion du monde en cyclisme sur route Gianni Bugno (1999) et la sprinteuse américaine Inger Miller (2001) sont du nombre. Aujourd’hui, seules quelques organisations sportives comme la National Collegiate Athletic Association (NCAA) aux États-Unis continuent d’appliquer une règle semblable.

Au Canada, la position du Centre canadien pour l’éthique dans le sport (CCES), l’organisme qui a pour mission de conscientiser la population à l’égard du sport canadien, par rapport à la caféine est calquée sur celle de l’AMA : « Dans le moment présent, rien n’indique que cette substance devrait être interdite », déclare Julie Valon, porte-parole pour le CCES.

Mais la question se pose tout de même : la consommation de caféine, dont les effets bénéfiques sur les performances sportives sont largement documentés, ne constitue-t-elle pas une forme de dopage? Cette forme de tricherie ne devrait-elle pas être interdite? Au CCES, on se fie aux trois critères sur lesquels l’AMA se base pour déterminer si une substance ou une méthode devrait figurer sur la Liste des interdictions : le potentiel d’améliorer les performances, la présence de risques réels ou potentiels pour la santé de l’athlète ainsi que la violation de l’esprit sportif. Dès que deux de ces trois critères sont respectés, c’est officiel, on parle de produits dopants. Selon le CCES, c’est parce qu’elle ne cadrait plus tout à fait dans cette définition que la caféine est aujourd’hui tolérée par l’AMA.

S’il y a des questions à se poser, considère Martin Fréchette, c’est surtout quant à la consommation de caféine chez les jeunes. « Si un jeune de 14 ans compte sur son café pour se stimuler avant son entrainement, ça va être quoi à 18 ans, à 24 ans? », s’interroge-t-il. À ses yeux, la caféine peut constituer une porte d’entrée vers des pratiques dopantes plus importantes chez cette clientèle. Éric Goulet ne voit quant à lui aucun problème avec la consommation de caféine par des athlètes. Bien au contraire : « Je n’ai pas de problèmes éthiques avec ça. À la limite, je trouve que ce sont ceux qui n’en consomment pas qui sont les pires », pense-t-il tout haut. À méditer. Autour d’une tasse de café, bien sûr. 

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