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  • Crédit: Andrzej Kubik, Shutterstock

Le Kenya entre ciel et terre

Au pays des safaris, il y a bien plus à voir et à faire que d’observer petites et grosses bêtes assis dans un Land Rover. Voici deux textes pour découvrir le Kenya autrement, du haut des airs ou les pieds sur terre.

Tourisme viable sous les bons auspices des Maasais

Par Stéphane Tellier, expert voyage chez Évasion

« Karibu! » Dès que ce mot swahili sort de la bouche de mon guide, je ne peux m’empêcher de sourire. Quelle magnifique façon de dire « bienvenue! » à un Québécois!

Voilà à peine cinq minutes que j’ai posé le pied dans ce pays, et même la température m’accueille dignement : seule souffle une brise fraîche en cette soirée de novembre, mois-charnière entre les hautes saisons touristiques.

En effet, le « berceau de l’humanité » vit deux périodes de migration : celle des gnous, entre la Tanzanie et le Kenya, de juillet à octobre; et celle des snowbirds à la recherche de la clémence du climat, de décembre à mars.

La grande période de la migration est terminée depuis des semaines et déjà, les discussions vont bon train sur le retour des animaux dans la région kenyane du Maasai Mara, l’immense parc qui partage sa frontière avec la Tanzanie. Novembre amène son lot de pluies, et c’est justement ce qui fait fuir les touristes, mais pas les animaux, qui retournent tranquillement vers leur lieu de pâturage habituel. Tant mieux pour moi!

Pour l’heure, mon guide m’emmène visiter un village maasai, en route pour le camp où je dormirai ce soir, plus au nord. Lorsque débute la danse de bienvenue, je ne sens aucun malaise, que de la fierté qui émane de la performance qui s’entame au centre du village. Les visages et la couleur des habillements me fascinent; les mouvements des Maasais, eux, sont carrément hypnotiques.

Attiré comme un aimant par la scène qui se déroule devant moi, je me surprends à baragouiner quelques mots de la langue locale sur un sujet culturellement universel : la météo. Au loin, des nuages grisâtres s’approchent; la visite s’accélère en prévision de la douche qui s’en vient.

Crédit: Oleg Znamenskiy, Shutterstock

Malgré cela, un cercle se forme aux abords du village, où est déposé tout l’artisanat créé localement. Sculptures, bracelets, ceintures brodées et bijoux sont éparpillés sur le sol, mais au lieu de voir naître une rivalité entre ceux qui vendent ces souvenirs, personne ne semble vouloir se disputer l’argent du tourisme : ici, le profit des ventes de l’artisanat est distribué entre les femmes du village, pour permettre à chacune d’améliorer les conditions de vie de sa famille.
 
Alors que les premières gouttes tombent, mon guide me fait comprendre qu’il est temps de partir : direction Mara North Conservancy, une réserve privée de 30 000 hectares située au nord-ouest de la réserve Maasai Mara. Créée en 2009, cette société à but non lucratif réunit plus de 800 propriétaires fonciers maasais impliqués dans le développement touristique de la région. Elle a été formée par de fervents protecteurs de l’environnement pour contrer les grands groupes touristiques qui cherchent le profit avant le bien-être des communautés locales.

Je prends réellement conscience de l’ampleur de ce projet de conservation une fois arrivé au camp Karen Blixen, où je dormirai le soir même, qui est partenaire du Mara North Conservancy, avec onze autres camps.

« Pour nous, il est primordial de faire en sorte que les clients vivent une véritable expérience de safari, avec une très faible densité de véhicules », m’explique Tina, la gérante du camp Karen Blixen. Bien que je sois emballé par son projet et par la beauté du camp, c’est encore la fierté des Maasais qui retient mon attention. On sent qu’ils sont fiers de veiller sur nous et de faire en sorte que notre séjour soit réussi.

Tandis que la soirée m’entoure doucement, le son de la rivière Mara berce mes pensées vers le confort de ma tente. Il est tôt, mais on vient de m’annoncer que le réveil est prévu pour 4 h le matin; le lendemain, je n’offre aucune résistance : je pars survoler le Maasai Mara en montgolfière!

Il fait encore nuit lorsque notre véhicule emprunte la piste qui relie le camp Karen Blixen, près du village de Talek, au Mara North Conservancy, à 1 h 30 min de là. L’objectif est d’assister au lever du soleil, à 500 m au-dessus du sol. À peine 15 minutes après notre arrivée, le pilote s’active aux commandes, alors que ceux qui sont restés au sol prennent des allures de fourmis, à travers ma lentille. Puis, j’aperçois bientôt les premiers rayons de soleil percer le ciel nuageux. Et pendant une fraction de seconde, j’arrête littéralement de respirer devant le sublime tableau que m’offre la nature.

Crédit: Protasov AN, Shutterstock

Au loin, j’aperçois la Tanzanie, tandis que sous mes pieds, les zèbres des plaines s’ébattent. Tout est si calme dans la nacelle, on n’entend que les déclics de nos appareils photo, les coups de flamme du brûleur et les commentaires du pilote, qui oriente notre regard. J’ai l’impression d’observer le royaume animal sans brusquer son quotidien.

L’atterrissage se fait non sans un petit soubresaut. C’est bien tant mieux : mon estomac vide s’éveille et me ramène sur terre. Au petit déjeuner qui s’ensuit, le silence qui s’installe entre les passagers de la montgolfière est magique. Tous se laissent imprégner par ce moment privilégié; dans notre tête, nous sommes toujours un peu là-haut, et nous le demeurerons quelques heures…

Bon à savoir

La meilleure période pour visiter le Maasai Mara s’étend de décembre à mars, car le climat est sec et chaud et les températures oscillent entre 28 ºC et 32 ºC. En novembre, les prix sont cependant à la baisse et les touristes, très peu nombreux.

Il est possible de prendre part à un safari durant toute l’année, mais le mois d’avril est le plus pluvieux et le premier de la grande saison des pluies, qui s’étend jusqu’en juin.

La région du Maasai Mara n’est pas reconnue comme une région à risque pour le paludisme (malaria), tout comme la plupart du territoire kenyan. Si vous prévoyez séjourner sur la côte, consultez un spécialiste d’une clinique tropicale: les risques d'y contracter le paludisme sont plus élevés du fait de l’humidité et de la chaleur.

Infoskarenblixencamp.commaraballooning.commagicalkenya.fr


Mont Kenya : trek et safari au domaine des dieux

Par Pierre Bouchard

Crédit: Pierre Bouchard


Voilà des heures que nous avançons à tâtons sur le sentier, noyé dans le brouillard, détrempé par une énième averse. Les touffes d’herbe drue ruissellent de gouttelettes et transforment presque notre entreprise en ascension amphibie.

Soudain, en intégrant une vaste auge glaciaire, nous émergeons des nuages et découvrons un jardin complètement surréaliste, presque givré, que domine un conglomérat de pics incisifs drapés de neige fraîche et de glace immémoriale. Wow! Souffle et jambes coupés, nous avons!
 
Avec tout notre attirail et nos provisions suspendus à nos épaules, nous remontons le cours du torrent Liki, au cœur de ce sanctuaire primordial, l’éden afro-alpin du mont Kenya. Envoûtant et dépaysant, l’endroit forme un drôle de couloir naturel parsemé de séneçons et de lobélies, ces étranges rosettes coriaces et palmiers rabougris qu’on ne trouve qu’ici, sur le Kili et dans les parages des cimes des « montagnes de la Lune », la chaîne du Rwenzori.

Sur la voie de Sirimon, ma partenaire Janick Lemieux, mon pote Steve Bellemare et moi cheminons vers la pointe Lenana (4985 mètres), troisième sommet de ce magnifique volcan éteint qu’est le mont Kenya, sans guide ni porteur. Contrairement aux pics Batian (5199 mètres) et Nelion (5188 mètres), l’ascension de la pointe Lenana ne requiert ni aptitudes particulières ni équipement technique.

Crédit: Pierre Bouchard


Pour les tribus d’origine bantoue établies sur les plateaux à sa base, le mont Kenya, deuxième point culminant d’Afrique, est un lieu sacré. Ainsi, les Kikuyu, Kamba et Embu de la région voyaient en son sommet déchiqueté et immaculé la demeure du dieu créateur Ngai.

On se serait même inspiré des noms par lesquels ils le désignaient pour baptiser la colonie britannique en 1920, puis la République en 1963 : Kirinyaga (Kikuyu), Kiinyaa (Kamba) et Kirenia (Embu), d’où... Kenya! Des pasteurs nomades, les Maasais, fréquentaient les hautes savanes au nord et à l’ouest du vieux volcan, Ol Doinyo Keri, alias le mont Kenya, d’où auraient surgi leurs premiers ancêtres.

Il n’est donc pas surprenant que les gardiens du parc national, qui englobe toute la montagne au-delà des 3200 mètres — ainsi que franges moins élevées bordant certains chemins d’accès —, rapportent régulièrement avoir rencontré des aînés de ces tribus, en sandales et enveloppés de couvertures, errant aux étages supérieurs du mont Kenya en quête d’intimité, d’un tête-à-tête avec des aïeux vénérables ou, qui sait, Ngai lui-même...

Après une balade en matatu (minibus), puis une autre en boda boda (motocyclettes-taxis) jusqu’au hameau de Sirimon, nous arrivons à l’entrée du parc national (2650 mètres), point de départ de ce trek aller-retour d’une soixantaine de kilomètres. Chacun de nous défraie alors les 255 $ US pour le forfait de base : 4 jours, avec droits de camping — c’est plus que les 80 $ US du passeport Golden Eagle, qui donne accès aux parcs nationaux des États-Unis pendant un an, mais plus abordable que le prix d’une ascension du Kilimandjaro!

De l’autre côté de la guérite, notre safari commence sur la piste carrossable qui relie le camp Old Moses (3400 mètres) et gravit les arpents d’une forêt luxuriante que fréquentent éléphants, lions, buffles, léopards, zèbres et autres babouins.
 
En route vers le camp Shipton (4200 mètres), nous croisons une tourbière lumineuse qui occupe la cuvette d’un cirque, puis nous délaissons bientôt les arbres pour grimper vers la vallée du torrent Liki… avant de pénétrer dans l’enceinte sacrée du vieux volcan.

Notre plan consiste à passer le troisième jour à nous acclimater autour du camp Shipton, puis à tenter le sommet au petit matin afin de l’atteindre au lever du soleil : une prescription d’usage pour ce genre de safari vertical.

À notre réveil, nous émergeons un peu tard au milieu d’un tableau où s’entremêlent avec maestria le minéral et le végétal. Trop bien installés dans le domaine des dieux, trop excités peut-être, nous nous lançons avec empressement vers les parois enneigées… et nous atteignons le sommet en fin d’avant-midi, en même temps que les nuages.

Pas plus grave : comme dans tout bon trip, trek ou safari, en route vers le domaine des dieux ou pas, c’est la réalisation du parcours qui importe et non la destination, n’est-ce pas?


Le travail pédagogique et visuel  du photographe Simon Norfolk, sur la fonte du glacier au Mont Kenya.

Quatre voies pour un sommet

Que ce soit pour atteindre l’un des sommets du mont Kenya ou effectuer une traversée ou un trek en boucle, on utilise et combine quatre voies principales, toutes dotées de refuges du Service de la faune kenyane (Kenya Wildlife Service), loges privées et aires de camping. Accessibles depuis la Ring Road, route asphaltée ceinturant la base du mont Kenya en quelque 300 bornes, il s’agit des sentiers de Sirimon, Burguret, Naro Moru et Chogoria. S’ajoutent à ces voies d’accès quelques autres qui sont moins bien entretenues et nécessitent l’aval des autorités du parc pour être utilisées.

La voie de Sirimon, celle que nous avons empruntée, s’élance depuis les plateaux nord-ouest à la base de la montagne, près de Timau. C’est la plus sèche, d’où notre choix, et la plus giboyeuse. Nous y avons croisé zèbres, céphalophes ou duikers — ces antilopes trapues et sylvestres —, damans du Cap, primates et… plusieurs bouses d’éléphant!

Quant à la route de Burguret, également sur les flancs nord-ouest, elle s’étire longuement parmi une forêt de bambous géants, et la végétation recouvre ses droits sur de nombreux tronçons. Un guide s’apprécie ici…

La voie de Naro Moru, via la station météorologique du mont Kenya, la vallée de Teleki et le camp Mackinder, prend d’assaut les pentes occidentales du volcan. C’est le sentier le plus fréquenté, abrupt et court. Avoir un lift jusqu’à la « Met Station » (3050 mètres) en fait une voie express!

Enfin, la plus panoramique et la plus longue façon de grimper vers le Saint des Saints du mont Kenya, la voie de Chogoria, débute pour sa part sur le côté est de la montagne et franchit la dramatique Gorges Valley, qui forme en fait un canyon édifiant. Il faut donc compter plusieurs jours, et l’utilisation d’une tente est obligatoire.

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