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  • Crédit: Véronique Denys

Véronique Denys : Au sommet de l’Everest

C'est la troisième Québécoise à mettre le pied sur le sommet du mont Everest. Elle pourrait également devenir la première à compléter le sommet de chaque continent. Rencontre avec Véronique Denys, une meneuse dans l'alpinisme au féminin.

Elle est revenue depuis plusieurs mois de l’Everest, mais dans sa tête, elle est encore là-bas par moments. Le 19 mai 2011 restera longtemps dans la mémoire de Véronique Denys. Après 11 heures de grimpe, à 8 700 mètres, elle se trouve, émue, devant le célèbre Hillary Step, un passage clé avant de se rendre au sommet. « Je l'avais vu dans les livres, mais ce n'est pas la même chose », dit-elle.

Finalement, à 6 heures du matin, la femme de 35 ans arrive sur le toit du monde, avec une vue unique du monde en bas d'elle. « C'était un rêve de très longue date. Avoir passé presque deux mois sur la montagne, quand on arrive au sommet, c'est difficile à décrire... C'était le plus beau jour de ma vie », résume-t-elle.

Le rêve avait été longuement mûri : en 2004, après un trek qui la conduit au camp de base, elle se dit qu'un jour, elle gravira la montagne. Sept ans plus tard, c'est chose faite, et l'alpiniste voudrait ne pas en revenir complètement. Du moins, pas encore. Le retour au Québec signifiait un certain deuil à faire du défi terminé. « Je voudrais pouvoir savourer ça encore longtemps, ça a vraiment été l'expérience de ma vie. » Au moment de lui parler, elle travaillait justement à un montage de photos et de vidéos afin de les présenter au public. De quoi lui garder la tête encore un peu dans l'Everest, affirme-t-elle.

Solitaire

Parvenir au sommet de la montagne a été une aventure surtout solitaire, à l'image de toutes ses expéditions. La jeune femme dit mieux travailler ainsi. Ce qui a voulu dire un an de recherche de commandites et d'organisation en solo. Pour l'Everest, elle évita sciemment de se joindre à une grosse expédition commerciale. « Je suis assez solitaire en montagne. Lors de toutes les autres expéditions que j'ai faites, j'étais seulement avec un ami ou deux amis, sauf le Kilimandjaro. Sinon, c'était sans guides et sans porteurs. J'ai plus un sentiment de réussite quand j'arrive au sommet », dit-elle pour expliquer ce choix. « Le défi est plus grand, différent. La montagne est là pour tout le monde, mais ça me ressemble plus d'être en petite équipe. »

Toute son expédition a suivi ce modèle. Au camp de base de l'Everest, elle s’est jumelée à deux Américains, mais fera la montée seulement avec deux sherpas, dont un cuisinier. L'autre, Rinji, grimpera avec elle. Sûre d'elle, Véronique Denys avait fait ses devoirs avant de partir : le parcours était bien étudié, les risques, calculés. Sans guide, les décisions se prenaient avec Rinji. La météo, ils s’en informaient au près des autres sherpas : « On n’avait pas la grosse expédition sophistiquée, mais ça ne m'inquiétait pas, je savais dans quoi je m'embarquais. Je ne suis pas une personne inquiète, mais les risques sont quand même calculés. Que tu grimpes avec un groupe de 20 ou que tu grimpes à deux, ce n'est pas moins dangereux », explique-t-elle.

Des craintes, de la peur là-haut? « Non », répond-elle sans ambages. « Je n'ai pas cette personnalité-là, je n'étais pas très inquiète sur l'Everest. La seule crainte que j'avais, c'était en arrivant à 8 000 mètres, là tu te dis, “’si quelque chose se produit, je suis laissée à moi-même »’. Ça, tu y penses! » Mais ce n'était pas une angoisse paralysante pour elle : « Je ne vois pas les choses négativement. Je ne suis pas stressée, il n'y a pas grand-chose qui va m'inquiéter. J'ai tout le temps été habituée à prendre mon sac à dos et partir sans m'inquiéter des risques. » Ses voyages d'adolescence, sac à dos à l'épaule en Europe, encore une fois seule, en témoignent.

« Il y avait des personnes autour de moi qui étaient beaucoup plus nerveuses que moi, aussi pour l'aspect financier », dit-elle. Mentalement, l'Everest n'aura pas été difficile pour elle : « Je n'ai pas craqué une seule fois! »

 

Crédit: Véronique DenysAlpinisme au féminin

Dans un monde où la testostérone domine encore, être une femme change-t-il quoi que ce soit? « Peut-être qu'on est moins fortes physiquement, mais les femmes ont une grande force mentale. La plupart des femmes que j'ai vues avaient davantage de patience. En altitude, il y a souvent du temps d'acclimatation et on ne peut pas grimper tous les jours. C'est ce que les hommes trouvent difficile, généralement. » Elle, au contraire, était capable de prendre les événements au jour le jour.

Autrement, pas de comportement macho sur la montagne, selon elle. L'alpiniste dit s'être habituée à être entourée d'hommes.

 

L'entraînement québécois

Dire que les « grosses » montagnes sont rares au Québec, c'est un euphémisme. Comment fait-on pour s'entraîner alors à grimper un sommet de 8 848 mètres dans la Vieille Capitale? Il faut un bon cardio et bien travailler les jambes, répond Véronique Denys. Pour la musculation et le cardio, ça se passe au gymnase. « Le reste, il faut s'entraîner sur quelque chose d'un peu spécifique à la montagne ». La solution? Grimper des marches. Elle connaît maintenant très bien les volées du Cap Blanc, près de chez elle, des marches qu'elle a parcourues dix fois, à raison de deux ou trois fois par semaine. La fin de semaine, elle s'évadait aux États-Unis pour trouver quelques petites montagnes susceptibles de lui donner un petit défi. Rien à voir avec les Européens. « J'ai un ami français, qui a fait l'Everest l'année passée et lui va deux ou trois fois par semaine faire le mont Blanc. Il est juste à côté! »

Cette avocate fiscaliste, la plupart du temps, s'entraîne à grimper de hauts sommets le reste du temps. « Quand je suis au travail, je suis là à 100 %. Quand je sors, que j'enfile mes espadrilles pour mon entraînement de cardio, je ne pense plus au bureau. Il faut vraiment faire une chose à la fois. »

Elle ne songe toutefois pas à devenir une professionnelle de la montagne : d’autres projets de vie l’attendent après les sommets. Sans tirer complètement un trait sur les grandes conquêtes. « Je verrai », dit-elle. Pour le moment, elle surfe encore sur l’euphorie de son rêve accompli.

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