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  • Crédit: Philippe Cabaret

L’Étape du Tour: Jouer dans la cour des grands

Pour tout passionné de cyclisme, l’Étape du Tour constitue un événement… à faire perdre les pédales! En 2006, ils étaient plus de 7500 à avoir la chance de parcourir intégralement une des étapes de montagne du Tour de France avant les pros. Notre journaliste était du lot.

Vivre l’Étape du Tour, c’est monter au 7e ciel et connaître l’extase. Mais il y a un prix : on ne joue pas dans la cour des grands sans une bonne dose d’effort. Car c’est toujours une étape de montagne que choisissent les organisateurs (les mêmes que ceux du Tour de France). L’été dernier, on nous proposait rien de moins que la deuxième étape la plus difficile de cette édition, soit celle de 188 kilomètres entre Gap, Briançon et… l’Alpe d’Huez !

Mon inscription confirmée, comme tous les férus du Tour de France, je salivais déjà : ça signifiait que j’irais pédaler dans l’histoire de la course cycliste la plus célèbre du monde avec la montée du superbe col d’Izoard, classée hors-catégorie*, puis celle du Lautaret qui précèdent l’ascension mythique, également hors-catégorie, des 21 lacets et 15 kilomètres de l’Alpe d’Huez.

À mon arrivée à Gap l’avant-veille du départ, l’ambiance de fête au « Village Accueil » me procure une intense montée d’adrénaline. En prenant possession de mon dossard, je suis excité comme un enfant et empreint du sentiment que la vie me fait un sacré cadeau.

Le grand jour arrivé, l’ivresse collective peint les visages dans la file d’attente. À l’aurore, nous nous élançons de Gap par une route nationale. Sous les lueurs matinales, la mer de cyclistes se révèle doublement impressionnante lorsqu’au 11e kilomètre, elle coupe à 90 degrés sur le pont qui franchit le grand lac de Serre-Ponçon. Chacun s’attache à un peloton. Pour ceux qui, comme moi, n’ont jamais fait de compétition et qui sont là pour assouvir leur amour du vélo et de la montagne, l’exercice requiert une grande concentration. L’ex-champion du monde de Formule 1, Alain Prost, est de la partie. Je ne le verrai pas longtemps… même sans engin motorisé, il roule turbo, monsieur Prost.

Crédit: ASO (le Tour de France)Entrer dans la légende

Après le premier ravitaillement de Guillestre, au kilomètre 57, on aborde la première difficulté : l’Izoard. Immédiatement, je suis tout entier possédé par le mythe. Tout au long de la montée, des images, des lectures de L’Équipe ou de Foglia jaillissent dans mon esprit. C’est sur le col de l’Izoard que Merckx est passé en champion et qu’une stèle a été érigée, au lieu dit la Casse Déserte, en hommage à Fausto Coppi et Louison Bobet. Escaladé pour la première fois en 1922 par un étroit chemin de terre, ce col est réputé pour l’aspect grandiose de ses paysages lunaires semés de rochers dégarnis et rougeâtres où percent quelques aiguilles dolomitiques. Réputé aussi parce qu’on grimpe de 1360 mètres sur 21 kilomètres. Pire, on avale 900 mètres dans les 10 dernières « bornes » –comme disent les cousins Français – pour finalement parvenir à 2360 mètres d’altitude.

Jusqu’ici, je m’en sors bien. Où que se porte mon regard dans les nombreux lacets zigzaguant au-dessus ou au-dessous de moi, je ne vois qu’une marée humaine. La route qui nous est réservée est envahie de cyclistes, mais aussi de spectateurs qui nous encouragent à plein gosier et qui, traitement royal, ont peint sur la chaussée des noms de participants. Je crois lire Hinault, Bartali, Ullrich, Armstrong…

Me voici parvenu à la Casse Déserte et à ses panoramas électrisants, un univers de pitons rocheux, de rocailles, d’éboulis et de profonds ravins. Je repense à ces mots du journaliste Antoine Blondin qui a couvert 27 fois le Tour de France pour L’Équipe et qui écrivait : « Rien ne pousse sur l’Izoard, sauf des cyclistes! » Ce qu’elle est belle la France à la vitesse de l’escargot! Émouvante aussi lors d’une journée aussi magique.

On passe ensuite de la trottinette au TGV dans la descente de l’Izoard qui s’étire sur 21 kilomètres, après quoi on parvient à Briançon d’où l’on entame la montée du Lautaret. Facile… mais il y a quand même 31 kilomètres d’ascension sans répit! Une bonne raison de faire une petite pause dans la longue descente (40 kilomètres!) qui suivait pour prendre le temps de savourer le glacier de la Meije culminant devant moi à 3982 mètres. Fabuleux! Et c’est tout doucement que je me suis laissé glisser dans cette descente jouissive qui nous amenait à traverser six ou sept tunnels. Tout simplement exquis !

Finir en beautéCrédit: ASO (le Tour de France)

À Bourg d’Oisans, je suis un brin nerveux. J’entends dans les haut-parleurs qu’on déplore l’abandon de 1500 participants en raison de la chaleur torride. Personnellement, j’ai roulé sous mes limites et, au contraire, je bénis le ciel pour cette température splendide et pour l’absence de vent.

Puis voici enfin l’Alpe d’Huez, célèbre non parce qu’elle est un col, mais plutôt un centre de ski et de villégiature où la route se termine. Dans cette ascension éprouvante, les spectateurs ont tout le temps de bien juger la « dramaturgie » du Tour, et les pros, eux, de se défoncer dans les derniers kilomètres de l’étape. Quant aux cyclistes amateurs, ils sont nombreux, tous les jours de l’été, à tâter cette montagne qui figure au menu du Tour de France presque chaque année.

Au terme de 173 kilomètres d’efforts, recroquevillé sur mon Kuota italien, je remarque qu’ils s’avèrent de plus en plus nombreux, ici en fin d’étape, à s’arrêter, à s’allonger, à mettre pied à terre. Toutes les quinze minutes, une ambulance descend vers la vallée… Je me concentre sur les lacets et sur les affiches identifiant, en ordre décroissant, ces virages de renom. Je me concentre sur la musique que me dicte mon vélo et j’apprécie les encouragements des spectateurs massés dans les épingles, épatés de me voir avec une caméra au-dessus de la roue avant (lire l’encadré « L’Étape du Tour à la télé »). Je tente d’oublier le dialogue que veulent engager mes cuisses.

Je mettrai environ 90 minutes à monter ce dernier obstacle. Et c’est rempli d’émotion que je termine ma croisade, envahi d’un brin de fierté et d’un bonheur incommensurable, malgré un chrono de près de neuf heures passées en selle! Dire que les pros, eux, se sont élancés pour cette étape avec, au cours de leurs deux journées précédentes, 369 kilomètres de montagnes et 11 cols dans les jambes! Dire que le gagnant a mis l’an dernier moins de cinq heures à franchir la distance. Science-fiction. Ou science tout court?

Tourisme aux alentours : Dans la région de l’Alpe d’Huez, il est possible de pratiquer la randonnée pédestre, mais aussi une foule d’activités de plein air. À la station voisine, les Deux Alpes, le glacier permet de skier jusqu’au mois d’août au milieu de panoramas divins.

www.alpedhuez.com

 

 

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