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Cette foule qui cache la nature…

La surfréquentation est-elle en train de gagner certains de nos espaces naturels? Oui et non : ça dépend du moment et du lieu. Explications.

Un magnifique dimanche d’automne. À croire qu’il faisait trop beau pour en profiter pleinement. Souhaitant fuir la ville, je me suis plutôt retrouvé coincé dans un bouchon d’une bonne trentaine de véhicules… une fois rendu aux portes de la nature.

À l’entrée du parc national de la Jacques-Cartier, un peu au nord de Québec, les deux guérites d’accueil débordaient tandis que les automobilistes s’additionnaient à une vitesse surprenante, bien avant l’entrée du parc.

Appelons ça la folie des couleurs, où le splendide feuillage automnal attire comme un aimant les citadins en quête de beaux panoramas. Un peu partout, le phénomène s’est répété. Des files d’attente, des pointes marquées dans l’achalandage. Bref, un air de vacances de la construction en septembre et en octobre.

À quel point? En Outaouais cette année, durant la fin de semaine de l’Action de grâce, le parc de la Gatineau a dû fermer l’accès à certains sentiers durant quelques heures.

Du côté de Stoneham, près de Québec, la municipalité a décidé de restreindre le nombre de randonneurs admis au parc de la forêt ancienne du mont Wright durant les fins de semaine d’automne.


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Des agents de sécurité ont même été embauchés pour faire respecter un ratio d’une trentaine de randonneurs par kilomètre de sentier, soit environ 225 marcheurs à la fois. Une première pour la petite montagne à 25 minutes de Québec.

À l’Acropole-des-Draveurs, le sentier vedette du parc national des Hautes-Gorges-de-la-Rivière-Malbaie, la popularité de l’endroit n’a pas faibli. Les autobus nolisés par le parc se sont succédé à un rythme régulier pour répondre au flot de randonneurs qui rêvent de marcher au-dessus des nuages.

Sur les réseaux sociaux, sous les images vertigineuses des coloris d’automne, les aventuriers se félicitaient d’être partis au petit matin. C’est désormais connu, le plus bel égoportrait appartient à celui qui se lève tôt.

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Est-ce à dire que la foule est sur le point de cacher la nature? En sommes-nous rendus à subir les effets du surachalandage, du surtourisme dans nos espaces de plein air?

La question se pose, tandis que les parcs nationaux américains ressentent de plus en plus les effets de l’accroissement constant des visiteurs. Au sud de la frontière, on parle d’une hausse de 16 % en 10 ans pour l’ensemble des parcs, selon des données du National Park Service (NPS) citées dans un article récent du National Geographic.

Mais l’accroissement est particulièrement ressenti du côté des géants du NPS et de ceux à proximité des grands centres urbains. Dans plusieurs cas, la hausse du nombre de visiteurs est marquée, pouvant parfois même atteindre jusqu’à 60 % en un an, comme c’est le cas du dernier parc national officialisé, celui de Indiana Dunes, à une heure de Chicago. Et dire que le petit espace naturel en bordure du lac Michigan recevait déjà en moyenne 1,8 million de visiteurs, bon an mal an!


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Permis de visite limités, contrôle du nombre de véhicules en circulation, réservations contingentées… Les autorités des parcs nationaux américains en sont à revoir leurs façons de faire pour répondre à la demande.

Une question de sécurité des utilisateurs, d’agrément au grand air, mais aussi de protection des milieux naturels.

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Coup de fil à Simon Boivin, responsable des relations avec les médias à la Sépaq, histoire de faire un tour d’horizon dans nos parcs nationaux. Le porte-parole note une hausse constante dans la fréquentation et il s’en réjouit, mais il précise qu’on ne peut pas parler de surachalandage dans les parcs québécois.

« Ce ne sont pas des territoires qui sont saturés comme ça peut être le cas pour d’autres parcs qui sont beaucoup plus fréquentés, des parcs nationaux américains ou canadiens par exemple », plaide-t-il.

Reste que la Sépaq suit de différentes façons l’achalandage et la satisfaction des visiteurs, tout en s’assurant de protéger les territoires sous sa responsabilité. « C’est sûr qu’on observe des périodes de pointe, à certains endroits, dans certains parcs et à certaines périodes de l’année », nuance Simon Boivin.

Aux bouchons qui peuvent survenir durant les longs congés, la période des vacances estivales ou encore à l’automne, la Sépaq porte une attention particulière. « Ça devient notre travail de répartir les gens le mieux possible dans le temps et dans l’espace. »

Pour ce faire, la gestion des infrastructures est étudiée. Des exemples? La mise en place d’un service de navettes afin d’améliorer la fluidité de la circulation des visiteurs et de limiter la création de stationnements. Autrement, certains points d’accès sont au besoin réaménagés, tandis que les sentiers eux-mêmes sont revus et corrigés.

« On travaille sur un projet de sentier qui permettrait de faire l’Acropole-des-Draveurs en boucle », illustre Simon Boivin. Éviter aux gens de se croiser ainsi au retour serait « une bonne façon de désengorger » le chemin. On ferait d’une pierre deux coups : le nouveau tracé servirait également de lien d’accès pour les évacuations.

La technologie vient aussi à la rescousse durant les périodes de pointe. La Sépaq encourage ainsi les gens à se procurer leur droit d’accès à l’avance, sur le Web, question d’accélérer le passage aux guérites.

Quant aux sites de camping et autres types d’hébergement dans les parcs, l’équilibre est délicat entre un usage responsable à l’année et un nombre adéquat pour les périodes de fort achalandage. « Mais ce n’est pas vrai que tout est tout le temps plein », insiste le porte-parole. « Si on a un peu de souplesse, que ce soit dans le type d’hébergement ou la destination, il y a des choses qui se trouvent. »


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En ce sens, le volet communication a un grand rôle à jouer, estime Simon Boivin. « Il n’y a pas que les sentiers vedettes qui sont intéressants! » L’équipe de la Sépaq n’hésite donc pas à mettre en avant, sur les réseaux sociaux notamment, des lieux moins fréquentés et méconnus du public.

Passer un message, c’est aussi l’objectif que visaient les responsables du mont Wright pour arriver à une utilisation plus harmonieuse de leurs sentiers. « Cela a permis de conscientiser les gens », raconte Sophie Ragot, responsable des communications de Stoneham, au sujet de la mise en place de la limite de randonneurs. « Les gens ont été un peu surpris, mais ils ont bien réagi pour la plupart », assure-t-elle.

Une mesure qui survient alors que les résidents du quartier avoisinant en avaient assez des automobiles stationnées dans les rues et du va-et-vient des visiteurs. La délinquance de certains randonneurs qui sortaient des sentiers était aussi une préoccupation. Une question de préservation de la forêt et de sécurité, assure Sophie Ragot.

Une façon de faire qui a été saluée par d’autres municipalités, mais qui a un coût. Un peu plus de 26 000 $ à Stoneham, notamment pour le réaménagement du stationnement, l’affichage sur le site, la campagne de promotion et l’embauche des agents de sécurité. Rien n’est encore décidé, mais la municipalité considère la possibilité d’un accès payant dès l’an prochain.

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Le surachalandage est une notion bien relative. Une hausse de 50 000 visiteurs dans le parc canadien le plus occupé, celui de Banff, serait négligeable. Il a accueilli en 2018-2019 plus de quatre millions de personnes. Cependant, la même situation dans la majorité des parcs québécois ne passerait pas inaperçue.

Quand cette croissance devient trop intense et rapide, c’est là que les irritants s’imposent. À l’image du mont Wright, où les gens des environs en ont eu assez et ont demandé aux autorités d’agir.

« C’est un heureux défi », résume de son côté Simon Boivin au sujet des efforts réalisés pour gérer les pointes dans l’achalandage. « Ça démontre que les efforts pour attirer les gens portent leurs fruits. Et des gens qui s’activent, c’est bon pour tout le monde. C’est bon pour la santé, ça amène des retombées économiques, et ça développe une fierté et un sentiment d’appartenance pour le territoire. »


Déjouer l’achalandage en huit solutions

- Faire preuve de souplesse dans l’horaire et les destinations
- Considérer des options comparables et se faire des plans A, B ou C
- Faire ses réservations et acheter ses laissez-passer en ligne, avant de partir
- Passer à l’action très tôt ou plus tard dans la journée
- Profiter des journées à la météo moins parfaite
- Covoiturer pour se rendre à destination… car le trafic, c’est vous!
- Prévoir les contraintes et s’accorder du temps en conséquence (navettes obligatoires, attente aux accès, places limitées, etc.)
- Envisager des destinations plus reculées ou exigeantes dans l’arrière-pays

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