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  • Crédit: Dean Drobot

Les limites de la performance

Alors que les scientifiques de par le monde débattent pour savoir si l’humain a atteint ses limites de vitesse, de force, d’endurance, connaissez-vous les vôtres et pensez-vous les avoir atteintes ?

D’abord, l’incontournable : la génétique. Nos « talents » et, à l’opposé, nos limites sont inscrits directement dans notre ADN. Un tatouage permanent… et frustrant : « Dans le code génétique se cache trois choses qui influent sur la performance : le niveau de performance si l’on “ne fait rien” (le point de départ), le niveau de performance qu’on peut atteindre si l’on suit un entrainement idéal et optimal (le point d’arrivée), et la vitesse à laquelle on va répondre à cet entrainement, soit la vitesse de progression », précise Guy Thibault, chercheur et docteur en physiologie de l’exercice. Cette limite de performance est inscrite au marqueur indélébile dans notre corps. On ne peut pas la contourner ou la repousser. C’est ce qui explique d’ailleurs qu’un tel athlète performe si bien alors qu’il ne s’entraine pas. Ou encore qu’un autre suive exactement le même plan que nous, mais nous fait mordre de la poussière à chaque compétition.

À ces limites génétiques s’ajoutent les limites physiques qu’on s’inflige soi-même en dépassant les limites d’adaptation du corps : les blessures. Elles deviennent de petits handicaps qu’on garde avec nous, des fragilités qu’on doit prendre en compte et qui deviennent le maillon faible de notre progression. Dès qu’on va un peu plus loin, une blessure à l’épaule par exemple nous rappelle douloureusement de modérer notre volume de natation. Pour ces blessures non plus, il n’y a pas grand-chose qu’on puisse faire outre respecter la vitesse d’adaptation de ces régions fragilisées.

« Même sans les blessures, chaque personne a son truc : des muscles plus ou moins forts, des tendons fragiles ou résistants, des articulations plus ou moins stables ou flexibles, des membres inférieurs mal alignés… beaucoup d’éléments d’ordre mécanique ont leur influence », affirme Guy Thibault. Le maillon le plus faible est souvent là où les blessures se concentrent en premier.

Aller plus loin malgré ses limites physiques

Travailler des qualités inutiles pour notre sport ne nous avance à rien, mais développer uniquement nos qualités ne nous amène pas beaucoup plus loin : « Pour repousser nos limites, on doit améliorer nos défauts tout en entretenant nos qualités, car c’est comme ça qu’on s’améliore le plus. Mais améliorer ses défauts, c’est souvent ce qu’il nous est difficile à faire et ce qu’on déteste le plus », dit Guy Thibault.

Impossible de connaitre cette « limite ultime personnelle » ni de savoir d’avance à quelle vitesse on progressera. « On apprend et découvre tout ça par essai-erreur. Même un entraineur ne peut pas le savoir d’avance. On doit apprendre à se connaitre, être attentif aux signaux de notre corps et deviner quand on va trop loin… avant de se blesser et de se limiter encore plus », conseille le chercheur. Chaque personne a des seuils maximaux d’intensité et de volume d’entrainement qu’elle est capable de supporter. Il faut opter pour la qualité de l’entrainement et tirer le plus de ce qu’on est capable de faire : « C’est mieux de miser sur l’entrainement par intervalles pour développer nos compétences. On arrive à pousser plus, puisqu’on a des périodes de repos entre les fractions d’effort. On se donne ainsi plus d’occasions de progresser », explique Guy Thibault.

Découvrir ses limites psychologiques

Ce n’est pas parce qu’on peut physiquement s’entrainer des dizaines d’heures par semaine que l’on en serait capable. Psychologiquement, il est ardu de soutenir un tel programme. « Il y a des gens qui aiment pousser, d’autres pas. Des personnes qui sont capables de suivre un plan rigide et rigoureux, d’autres pas. Mais ça se travaille. Il faut arriver à se délecter de l’inconfort dans l’effort et de la fatigue, pour y trouver matière à valorisation », mentionne Guy Thibault.

Persévérer est nécessaire pour performer : « Ce qui fait la différence en entrainement, c’est l’assiduité. Une personne qui suit un entrainement pas optimal, mais de façon assidue fait un meilleur travail au bout du compte que quelqu’un qui n’est pas assidu. »

Qu’est-ce qui aide à rester motivé? La satisfaction personnelle, selon Gaston Godin, professeur et chercheur sur les comportements en matière de santé : « Et pour être satisfait, il faut avoir des objectifs réalistes. De bons défis, mais réalistes. En se fixant des objectifs inatteignables, on se condamne à l’échec et à l’insatisfaction chronique. Normal alors de se démotiver », poursuit Guy Thibault.

Les limites mentales se contournent toutefois mieux que les limites physiques : il n’y a pas de limites connues à ce qu’on peut se raconter pour s’encourager. Dans son livre DRIVE, Daniel H. Pink élabore une théorie intéressante : la motivation pour exceller doit être intrinsèque. Si l’on ne s’inspire que de sources externes, on se laisse influencer et on éteint alors notre source de motivation première, celle qu’on devrait plutôt écouter.

Guy Thibault est du même avis : « On lit et voit toutes sortes d’exploits sportifs incroyables – des ultramarathons, des trekkings extrêmes au mont Everest, etc. – et on se dit “moi aussi”. Mais pourquoi? Est-ce vraiment ces défis qu’on a en soi? Ceux qui nous valoriseraient vraiment? » Le chercheur a aussi des réserves par rapport à ces exemples de motivation : « On voit un homme qui a perdu 300 lb et qui a fait plusieurs Ironman, et on se dit “WOW, si lui le peut, moi aussi!” Mais ce n’est pas tout le monde qui peut perdre 300 lb et faire des Ironman. Sans rien enlever à cet homme, qui est assurément un bel exemple de courage, il possède aussi un ensemble génétique qui lui a permis de profiter de son courage pour réaliser un tel exploit. Ce n’est pas à la portée de tous. » Les limites ne sont donc pas toutes une question de paresse, mais aussi de sagesse.

Comment repousser nos limites psychologiques?

Apprendre à gérer l’inconfort, et à le rechercher : « On peut faire des intervalles en palier, en commençant par le plus difficile (après un échauffement). C’est plus encourageant », suggère Guy Thibault. Un plan d’entrainement bien dosé permet aussi d’apprivoiser la fatigue et l’effort graduellement.

Avoir une stratégie : « Certaines personnes apprivoisent mieux l’inconfort en y fixant leur concentration : elles pensent à leur souffle, à l’effort dans leurs jambes, etc. Pour d’autres, une stratégie dissociative où la personne se concentre sur un facteur externe – la musique, un mantra, etc. – fonctionnera mieux », explique le scientifique.

Se fixer un objectif réaliste basé sur une motivation intrinsèque : c’est ça, la source de motivation infinie.

S’entourer : la motivation doit venir de l’intérieur d’abord, mais la motivation est contagieuse, et les encouragements et l’appui des proches constituent de véritables carburants.

Prendre compte de ses limites contextuelles

Des fois, on veut et on peut performer dans notre activité physique, mais on veut et on peut aussi « autre chose ». Si l’on demande à des athlètes sérieux (mais non professionnels) ce qui les limite, les mêmes réponses reviennent systématiquement : travail, famille, enfants, etc. Le corps peut être prêt à accumuler beaucoup d’entrainements, la tête peut être partante pour en assumer tout l’effort et toute la fatigue, mais l’agenda est plein et le temps manque. Tous se partagent les mêmes 24 heures dans une journée. Les athlètes professionnels les allouent quasiment toutes à la performance : des entrainements optimaux, plusieurs par jour, des étirements et des massages pour aider la récupération, de longues nuits et des siestes en cours de journée, et une alimentation étudiée au quart de tour. Rares sont les personnes qui peuvent s’en permettre autant!

Contourner les limites contextuelles

Toujours dans le but d’en faire plus avec moins, il faut s’organiser. Trouvez un gym près du boulot pour y aller le midi, apportez vos lunchs au travail, coupez les émissions de fin de soirée, mettez le plus jeune dans le charriot et courrez en chantonnant pendant votre longue sortie du dimanche, etc. Une bonne question à se poser pour se recentrer : dans ma liste d’objectifs et de valeurs, où se classe la performance dans mon sport? Et une deuxième : est-ce que l’allocation de mon temps respecte cette hiérarchie des priorités? Fixez-vous des buts qui tiennent compte de votre horaire, de vos ressources et de vos contraintes. Faites-vous aider par un entraineur qui évaluera votre contexte et vos limites physiques et psychologiques pour vous guider vers un objectif qui vous amènera satisfaction plutôt que frustration.

 
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