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Chronique himalayenne : être femme au domaine des Dieux

Pour ce deuxième volet de notre série de chroniques sur l’Himalaya, coup d’œil sur la place qu'ont les femmes dans ces régions souvent reculées des hautes terres.

L’Himalaya, c’est huit pays – l'Afghanistan, le Bhoutan, la Birmanie, la Chine, l'Inde, le Népal et le Pakistan – et plus de 140 millions d’habitants et d’habitantes. Dans ces régions sublimes, ce sont les cultures, les religions, et l’histoire qui définissent les différences entre hommes et femmes. « La femme est le noyau de la cellule familiale », explique Delphine Roy, une guide québécoise qui a roulé sa bosse pendant plusieurs années au Bhoutan, Népal, Tibet, Pakistan et en Inde.

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« C’est elle qui fait bouillir la marmite et qui s’occupe des tâches essentielles dans la maison. Dans les villages à influence tibétaine, elles ont même développé des qualités de commerçantes et de gestion des finances, car les hommes partaient plusieurs mois avec les bêtes sur les hauts plateaux. »

Barbara Delière, Française qui a parcouru l’Himalaya pendant un an à la rencontre des femmes de ces régions et qui a tiré un livre de son périple estime que «  la vie de ces femmes est certes difficile, mais j’ai vu beaucoup de vie et de joie dans cette dureté. J’ai rencontré des femmes coquettes, joyeuses, vivantes! »

Mais Archana Karki, qui travaille pour Empowering Women of Nepal (EWN), une organisation qui défend l'autonomisation des femmes par l’éducation, rappelle que leur quotidien « se résume à faire la cuisine, le nettoyage, la collecte du bois, à travailler dans les champs, à couper l'herbe, et à prendre soin de la famille et des animaux ». Les journées commencent tôt et ces femmes sont souvent les dernières à se coucher. Sans détour, elle affirme « qu’il y a très peu de perspectives car les possibilités d'éducation, de santé et de revenus sont minces ». Un rôle, des compétences et des responsabilités importantes, mais qui ne s’accompagnent pas d’un réel pouvoir de décision, ici réservé à l’homme. 

C’est aussi le portrait que dresse Jeannette Gurung, du Centre international de mise en valeur intégrée des montagnes, à Katmandou. Spécialiste des questions liées à l'intégration des femmes dans le développement, elle a écrit, dans un texte publié sur le site de l’Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, que les femmes des sociétés des hautes terres sont compétentes, informées et indépendantes. L'essentiel des responsabilités liées à la survie et à la pérennité des ménages et des communautés repose sur leurs épaules. « Et pourtant, elles sont accablées par des contraintes structurelles liées aux différences entre les sexes, rongées par des idéologies négatives, dépourvues de biens économiques et souvent incapables de donner effet à leurs décisions, y compris celles concernant leur propre travail, leur propre organisme et les principaux événements marquants de leur vie. »

Alors, y a-t-il une lueur d’espoir? Pour Delphine Roy, « ces structures familiales et sociales sont établies depuis de nombreuses années. Malgré la mondialisation et le tourisme des étrangers, certains peuples vivent encore dans des cocons. Ils ne se posent pas trop de questions ». Un point de vue partagé par Barbara Delière : « Les gens des montagnes vivent au rythme de la nature et des saisons. Alors, ils se demandent bien pourquoi changer le cours naturel des choses. Les traditions tribales sont fortes et profondément enracinées ».

Mais l’exemple des 3 Sisters montre qu’un autre modèle est possible. Ces trois Népalaises – Lucky, Dicky et Nicky Chhetri – ont créé une compagnie de voyages d’aventure qui organise des treks guidés par des femmes. « Grâce à la sensibilisation et à l'éducation, les filles et les femmes sont moins victimes de discrimination qu'auparavant, constate Archana Karki, de EWN. Il y a notamment plus de possibilités et d’opportunités pour celles qui vivent dans les villes. Mais il reste encore des zones montagneuses reculées où la culture et la tradition sont tellement fortes qu’elles entravent l'égalité et le progrès des filles et des femmes ».   

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Barbara Delière et Maud Ramaen ont réalisé des portraits de femmes rencontrées lors de leur périple à travers l’Himalaya. Sur leur blogue, elles présentent les actions conduites sur le terrain, le tout avec photos et vidéos : parlerdelles.over-blog.com. Elles ont aussi écrit HIMALAYA. Regard de femmes : Un an de traversée au féminin chez l’éditeur Golias.

À voir
Femmes des montagnes

Dans ce documentaire touchant, Martine Breuillaud fait voyager sa caméra au Népal pour s’interroger sur la place des femmes dans cette région du monde, avec comme fil conducteur, le travail et le témoignage de Nicky Chhetri, l’une des 3 Sisters, une agence de trekking fondée par trois sœurs népalaises, qui emploient, forment et éduquent des femmes au métier de guide.

Un projet de longue date pour la réalisatrice qui a tourné son film en deux temps, d’abord en 2009, puis, faute d’acquéreurs et de diffuseurs, en 2013. Une persévérance qui fait aussi la force du film en permettant de voir l’évolution de plusieurs femmes et montrer ainsi le lien direct et réel entre éducation, émancipation et perspectives d’avenir. « Je voulais faire un parallèle entre l’image de la montagne et le fait que ces femmes puissent atteindre le sommet par l’apprentissage et la connaissance. Toutes ne deviennent pas forcément guides, mais cela leur donne un élan pour faire ce qu’elles désirent vraiment. » 

Avec Femmes des Montagnes, Martine Breuillaud signe un film au ton juste, loin de tout angélisme, qui ne fait pas fi des problèmes et des difficultés quotidiennes que rencontrent ces femmes des montagnes. 

Documentaire de 60 min, produit par le groupe PVP, diffusé au courant de l’été sur TV5 (tv5.ca).

Crédit: Leroy JulienLadakh : treks en Inde himalayenne

Située à l’extrême nord de l’Inde, c’est l'une des régions les moins peuplées, avec une place singulière et différente du reste du pays. Elle est surnommée « Le petit Tibet » pour sa proximité géographique et culturelle avec le Tibet. Le Ladakh est majoritairement de religion bouddhiste tibétaine avec un grand nombre de monastères, richement décorés, et une langue (le ladakhi) proche du tibétain.

Une région contrastée, à la fois montagneuse, rocailleuse et minérale, située sur les hauts plateaux, avec de nombreux lacs d’altitude et des oasis verdoyants et cultivés. Une région où le nomadisme a longtemps eu cours : on peut encore croiser des nomades qui parcourent les steppes, les montagnes et les vallées de cette région. Les femmes y ont une place essentielle dans l’économie familiale puisqu’elles s’occupent des bêtes, notamment des chèvres, dont elles tissent la laine pour confectionner le pashmina, une étoffe vendue à fort prix dans le monde entier.Le Ladakh a également un avantage climatique indéniable par rapport à d’autres régions de l’Himalaya : il ne subit pas de mousson estivale. On peut donc le découvrir entre mai et fin octobre. Il est aussi possible d’y faire un trek hivernal, en particulier au Zanskar, sur la rivière du même nom. Gelée, celle-ci permet aux habitants des villages isolés de se déplacer plus rapidement, alors que les cols et les sommets sont bloqués par la neige.

De par l’isolement et l’altitude de la région (autour de 3000 mètres en moyenne), les treks sont engageants et demandent une bonne condition physique, tout en restant accessibles à la majorité.  

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