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  • Crédit: Evans Parent

Ski en Inde : Poudreuse à saveur de curry

Si vous pensez à l’Inde comme destination pour faire une balade à dos d’éléphant plutôt qu’un paradis de la poudreuse, vous n’êtes pas les seuls.

Pourtant, le ski en Inde ne date pas d’hier : les Britanniques y ont construit des remontées mécaniques lors de leur période de colonisation dans la première moitié du 20e siècle. Lorsque le climat maritime formé par l’océan Indien rencontre les hautes chaînes de montagnes, une combinaison gagnante se forme, engendrant de fortes précipitations de neige, ce qui est parfait pour les skieurs avides de neige fraîche!

Il y a trois endroits où le ski est possible en Inde : Solang/Manali, Oali et Gulmarg. C’est ce dernier qui a permis de positionner l’Inde comme destination pour les amateurs de ski à la recherche de stations hivernales moins touristiques. Situé à 52 km de Srinagar (la capitale du Cachemire), Gulmarg a profité d’investissements dans ses infrastructures et est l’heureux propriétaire de la plus haute télécabine au monde. Ouverte en grande pompe en 2005 par le ministère du Tourisme, cette « nouvelle » télécabine termine sa course à près de 4 000 mètres d’altitude et a permis à Gulmarg de figurer au palmarès des meilleures destinations asiatiques de ski. La région du Cachemire est tristement célèbre pour le conflit armé entre l’Inde et le Pakistan, mais elle est aussi résolument tournée vers le futur en misant sur le tourisme pour revigorer son économie.

Crédit : Evans Parent

Après des heures de recherches sur Internet, la lecture de tous les magazines de ski des cinq dernières années pour dénicher la moindre parcelle d’information sur la région et le visionnement de tous les films de ski qui incluaient cette destination, ma décision était prise : je devais visiter Gulmarg!

L’hôtesse de l’air nous informe que nous amorçons notre descente vers Delhi après 17 heures de voyage. Un nuage d’humidité flotte à l’intérieur de l’aéroport et une ambiance moite nous englobe dès notre sortie de l’avion. J’arrive en Inde accompagné de mon père pour goûter aux plaisirs du ski de ce pays réputé pour ses currys plutôt que pour sa poudreuse. En sortant de l’aéroport, la cacophonie règne et les chauffeurs de taxi s’arrachent littéralement les voyageurs. Heureusement, mon père, dans ses habitudes paternelles, a pris soin de réserver un hôtel. Nous avons la chance d’être accueillis par un chauffeur tenant une pancarte où nos noms sont écrits, comme des rockstars!

Nous en profitons pour faire escale quelques jours à Delhi afin de visiter cette ville mythique où les contrastes sont omniprésents. Nous en profitons pour visiter ses différents quartiers, des odeurs de tous genres se mélangent. En short et en t-shirt, il est difficile de croire que nous sommes ici pour skier!

Après ce bref séjour dans cette capitale du klaxon, un court vol d’une heure nous transporte au cœur de Srinagar. De légers flocons flottent dans l’air et les montagnes qui ceinturent la ville de près d’un million d’habitants nous font rêver au moment où nous les dévalerons. À la sortie de l’aéroport, il y a plusieurs taxis qui font la queue. Lorsque nous mentionnons que nous voulons nous rendre à Gulmarg, on nous dirige vers les 4x4 étant donné la route très peu entretenue et sinueuse que nous devrons utiliser. Le tarif pour se rendre à notre destination est fixe : aucune négociation n’est possible! Sur la route défilent des constructions inachevées, des services médicaux douteux, des poulets accrochés par le cou faisandant aux abords du chemin. Nous partageons ce dernier avec des ânes rachitiques tirant des charrettes qui semblent tout droit tirées d’un film d’époque. Au bout d’une heure, nous arrivons au village de Gulmarg à 2 600 m d’altitude.

Au déjeuner, nous rencontrons les responsables du contrôle d’avalanche qui nous informent que les précipitations ont été très rares dernièrement et que le manteau neigeux est plutôt mince. Puisque les conditions ne semblent pas nécessiter une course effrénée pour profiter des premiers virages, durant les premiers jours, nous montons à pied jusqu’au milieu de la montagne à l’aide de nos peaux d’ascension afin de nous acclimater à l’altitude. Le trajet, d’environ 400 m de dénivelé permet de se délier les jambes et de ne pas avoir à attendre après la (très peu fiable) télécabine.

Crédit : Evans Parent

Rendus à mi-montagne, à près de 3 000 m d’altitude, nous embarquons dans cette « nouvelle » télécabine qui a probablement été retirée d’une montagne où les standards occidentaux l’avaient sans doute déclarée trop dangereuse. Pourtant, depuis 2005, aucun incident majeur n’a été relevé! Nous nous rendons sans problème jusqu’au sommet du mont Apharwat. Le domaine skiable est contrôlé à l’aide d’explosifs par l’équipe du contrôle d’avalanche, mais le plein potentiel de Gulmarg se trouve au-delà des limites officielles. De part et d’autre de la remontée se trouve près de un kilomètre de poudreuse skiable où se suivent les arrêtes, couloirs, bols et faces skiables pouvant satisfaire les skieurs de tous les niveaux. Afin de profiter en toute sécurité de cet immense domaine hors piste, plusieurs guides locaux aux compétences très variables sont disponibles pour montrer la voie aux skieurs les moins expérimentés et leur permettre de goûter le plein potentiel de la destination.

Heureusement pour nous, les faibles précipitations et les conditions météorologiques des derniers jours ont favorisé la formation d’un manteau neigeux stable et peu propice aux avalanches. Nous décidons d’explorer le domaine par nous-mêmes. Nous montons la centaine de mètres séparant le haut de la remontée du sommet et, de là, nous avons une vue imprenable sur le potentiel du lieu. Au loin, nous pouvons observer un enchaînement infini de sommets enneigés au travers desquels quelques cimes de plus de 8 000 m percent les nuages. Devant nous, la chaîne de montagnes Pir Panjal et la vallée du Cachemire complètent le tableau.

Nous préférons ne pas trop nous éloigner pour cette première journée. Les premiers virages que nous faisons ne sont pas très profonds, mais la neige est légère et égale. J’enchaîne les virages et je commence à prendre de la confiance lorsque tout à coup, bang! Les faibles précipitations n’ont pas totalement recouvert les roches et mes skis l’apprennent durement. Cela a d’ailleurs ponctué nos premiers jours et a aussi ralenti nos ardeurs : on veut skier, pas faire du vol plané!

Après quelques jours à exploiter le côté nord de la remontée, nous décidons de tenter notre chance du côté sud. Selon l’information récoltée, il y aurait moyen de skier jusqu’à un autre village situé environ 500 mètres plus bas que Gulmarg. Le potentiel de faire une descente de près de 2000 mètres sonne drôlement bien à nos oreilles. La première partie de la descente est identique à ce que nous avons pu expérimenter du côté nord : de la belle neige vierge, mais pas très profonde. À un moment donné, nous croisons un guide local qui nous explique que nous aurions dû réserver un taxi avant de nous lancer dans cette descente pour qu’il vienne nous récupérer. Il sort son cellulaire au milieu de la montagne et réserve le taxi qui devrait venir nous chercher. Décidément, on n’arrête pas le progrès! Le restant de la descente se fait dans des conditions très variables étant donné que plus nous descendons, moins la neige est présente. Nous terminons les cent derniers mètres à pied par manque de neige et nous sommes récupérés comme prévu par le taxi!

Crédit : Evans Parent

Au cours de la nuit, miracle : la neige tombe finalement! Nous nous levons avec empressement afin d’être prêts pour la première remontée de la télécabine. On nous informe alors qu’elle n’ouvrira pas de la journée à cause des vents au sommet. Nous nous rabattons donc sur les collines d’environ 300 mètres qui ceinturent le village. Bien que la neige soit lourde étant donné la faible altitude et les températures avoisinant le point de congélation, nous sommes excités comme des enfants.

Le même scénario se répéta durant les deux journées suivantes. Les conditions de ski s’améliorent tous les jours et la faible compétition pour effectuer des virages dans de la neige vierge laisse présager des conditions parfaites pour l’ouverture de la télécabine! Au bout de trois jours de précipitations ininterrompues, le ciel s’éclaircit et la rumeur voulant que la télécabine ouvre enfin court un peu partout! Nous montons avec empressement jusqu’au milieu de la montagne pour attendre l’ouverture de la partie supérieure de la télécabine. Selon les standards nord-américains, une ouverture de la montagne signifie que vers 8 h 30-9 h 00, les remontées ouvrent. Le standard indien est tout autre et prévoit une ouverture vers midi! La foule de skieurs s’entasse près de la porte de la remontée et l’excitation est à son comble. Lorsque les portes s’ouvrent enfin, c’est le plus grand désordre jamais vu dans une station de ski! Ça pousse, ça crie, ça essaie de se faufiler. Moi qui croyais que les skieurs de chez nous étaient avides de poudreuse, ce n’est rien à comparer avec les différentes nationalités présentes à Gulmarg!

En sortant de la télécabine, comme lors de toute bonne journée de poudreuse, c’est la course. Les premières lignes ont déjà été skiées, mais il reste amplement de place pour faire des virages sans rencontrer une autre trace. L’empressement et l’euphorie de la première remontée semblent s’être légèrement estompés et tous ceux qui sont en ligne arborent leur plus grand sourire et s’échangent les faits glorieux (et moins glorieux) de leur descente. La vétusté de la remontée se fait sentir par sa lenteur. Ce qui signifie aussi que le terrain se fait skier moins rapidement. La petitesse du terrain contrôlé pour les avalanches pousse les skieurs à s’aventurer vers les secteurs qui n’ont pas été contrôlés. On constate alors l’imprudence et l’ignorance de certains skieurs par le peu de précautions que ces derniers prennent à skier —dans un chaos monumental —une zone alpine très dangereuse.

Les jours se suivent, mais ne se ressemblent pas. Certaines journées ensoleillées nous permettent d’explorer à nouveau les bols et arêtes les plus éloignés, et d’autres, nous sommes forcés de demeurer près de la remontée par crainte d’égarement lorsque les tempêtes frappent. Nous réalisons alors la chance que nous avions les premiers jours : nos skis subissaient de l’usure prématurée, mais au moins, nous pouvions explorer à notre guise tout le terrain disponible sans craindre de déclencher une avalanche.

Durant notre séjour à Gulmarg, nous avons vécu trois cycles complets de tempêtes, d’attente interminable, d’envie et de hâte reliée à l’ouverture de la télécabine et de l’euphorie provoquée par la descente rapide de 1 000 mètres de dénivelé vertical de neige poudreuse vierge. La fin de notre voyage arrive tandis qu’un nouveau système annonce d’importantes chutes de neige. Pour une des rares fois, ce n’est pas un voyage de ski que j’ai l’impression de terminer, mais bien une expérience totale qui va bien au-delà des simples virages dans la poudreuse. Malgré l’omniprésence des forces militaires, je ne me suis jamais senti menacé. Se faire aborder par un militaire ici est loin d’être aussi stressant que de se faire aborder par un shérif américain! Je croyais avoir été dépaysé lorsque j’avais skié le Japon, mais je peux vous assurer que ce n’est rien comparativement à l’expérience indienne. Même si tous les restaurants de Gulmarg offrent le même menu, que la disponibilité de l’eau chaude est variable dans la majorité des hôtels et que les singes se nourrissent dans les vidanges, rien ne peut éclipser la gentillesse des gens, leur sourire honnête et franc, la simplicité locale et l’accueil légendaire des Cachemiris. 

GUIDE DE DÉPART

Crédit : Evans Parent

Où :Gulmarg, Cachemire, Inde.
Quand y aller :février (manteau neigeux mince en janvier et soleil très fort en mars).
Coût 
Avion :prendre un vol sur Delhi (environ 1 200 $). De là, réserver un vol séparé entre Delhi et Srinagar (environ 200 $). Les compagnies les plus recommandables sont Kingfisher, Air India et Indigo.
Bière locale :Kingfisher (eh oui, la compagnie aérienne est la même que celle qui produit la bière!) : 4 $ pour 600 ml.
T-shirt souvenir :la destination n’est pas encore assez développée pour offrir des t-shirts aux touristes. Les foulards en cachemire sont beaucoup plus populaires et abordables (entre 10 et 120$).
Hébergement :comme l’hébergement est variable, il est idéal de réserver une fois sur place. L’information disponible sur Internet n’est pas très fiable et les prix en ligne sont doublés par rapport au prix chargé localement. En cas d’insécurité, je vous conseille le Pine Palace Hôtel (entre 20 $ et 30 $ incluant déjeuner, eau chaude, chauffage central et Internet sans fil).
Repas : tout est bon. Essayez le déjeuner indien, diabétique s’abstenir! Déjeuners entre 3 $ et 5 $, dîner/souper entre 5 $ et 10 $, thé : 0,10 $ à 0,50 $. 
Transport : taxis et taxis partagés sont les meilleurs moyens de se déplacer dans le Cachemire et les touk-toukmotorisés sont une merveille dans les villes. Les coûts sont variables selon les distances; toujours négocier avant d’embarquer.
Billet pour une remontée (1000 m) : 5 $

Le meilleur : l’expérience globale, l’accueil des Cachemiris et le dépaysement total.

Le pire : l’installation électrique du village! Les enfants s’amusaient à lancer des balles de neige sur les fils nus, jusqu’à ce qu’un court-circuit plonge tout le village dans le noir…

Le plus bizarre : voir le responsable d’une remontée mécanique enlever ses bottes et pousser, en chaussettes, sur le câble afin de le remettre sur sa poulie...

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Evans Parent est un skieur-globetrotteur commandité par Outdoor Research, Scarpa, Gregory, Leki, IO-Bio, Darn Though, K2 Skis et la boutique Le Yéti. Vous pouvez suivre ses dernières aventures dans l’Ouest canadien, le Kirghizistan et l’Alaska, sur son blogue au snowchasers.blogspot.com

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