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Le sommeil, l’« aliment » suprême

Depuis 2006, une petite révolution s’opère auprès des athlètes olympiques canadiens. Peu importe la discipline qu’ils pratiquent ou leurs chances de monter sur le podium, chaque athlète jouit d’une planification personnalisée de son sommeil. Le but : minimiser les impacts négatifs du manque de sommeil sur les performances.

Dans le cadre d’un programme de recherche financé par À nous le podium, le Canada est l’un des seuls pays à se préoccuper à ce point du sommeil de ses olympiens. Cette approche atypique, on la doit en grande partie au Dr Charles Samuels, directeur médical du Centre for Sleep and Human Performance de Calgary qui est la tête dirigeante de ce vaste projet. S’il a été recruté pour travailler sur ces questions, c’est parce que le sommeil est un problème récurrent chez les athlètes : « Au début, les entraineurs ont commencé à réaliser que les athlètes surentrainés affichaient invariablement les symptômes d’un trouble de sommeil. Le voyage a aussi été identifié comme un facteur majeur dans la dégradation de la performance au cours d’une saison », souligne celui qui occupe également le poste de conseiller du sommeil pour l’équipe de hockey les Flames de Calgary.  

Dans une étude publiée en 2008, le Dr Samuels constatait que le sommeil fait défaut chez la grande majorité des athlètes élites. Qu’ils soient de jeunes adolescents impliqués dans un programme de sport-études ou des adultes matures qui évoluent dans une cellule de haute performance, environ quatre athlètes sur cinq ont un sommeil déficient.

Au cœur de la récupération sportive

À la base, le sommeil est tout aussi important que la nutrition et l’activité physique. Ils forment à eux trois ce que certains qualifient de « piliers d’une vie saine ». Selon le Dr Samuels, le sommeil doit avant tout être vu par le sportif comme le moyen de récupération par excellence : « Le sommeil est à la base de la récupération. C’est l’état physiologique dans lequel le corps et le cerveau se régénèrent. La récupération est la clé des effets positifs de la nutrition et de l’activité physique. »

À l’inverse, plusieurs conséquences fâcheuses découlent de la perturbation de l’état normal du sommeil. Par exemple, des études rapportent une baisse des performances à la suite de quelques nuits de privation partielle de sommeil. Bien que leurs capacités physiques ne soient pas clairement affectées, les athlètes perçoivent l’effort comme plus pénible. Au niveau cognitif, métabolique et adaptatif, le dérèglement du sommeil est aussi néfaste. La mémoire, la concentration et les capacités d’apprentissage sont perturbées. Le contrôle du poids corporel, l’appétit et le bilan énergétique sont chamboulés. La réponse aux stimuli d’entrainement et la guérison des blessures sont altérées. L’incidence de maladies infectieuses augmente. Bref, les capacités d’entrainement et de maximisation du rendement de l’athlète sont considérablement compromises.

Tout cela amène le Dr Samuels à reconsidérer l’idée voulant que les athlètes s’entrainent trop. À son avis, ils ne sont pas victimes de surentrainement, mais plutôt de sous-récupération. Et il est convaincu que c’est en s’attaquant à tous les aspects reliés au sommeil que les athlètes pourront ultimement régler ce problème. 

Une question de synchronisme

Lorsqu’on parle de nos besoins en sommeil, c’est souvent en insistant sur la nécessité de dormir plus ou moins huit heures par nuit. Rarement toutefois le met-on en lien avec l’ensemble de nos rythmes biologiques. Selon Nicolas Cermakian, chercheur à l’Institut universitaire en santé mentale Douglas et professeur agrégé à l’Université McGill, nous disposons tous d’une horloge biologique située dans le cerveau. Celle-ci gouverne l’ensemble de nos fonctions physiologiques, dont celles impliquées dans les cycles d’éveil et de sommeil. « La régulation du sommeil est beaucoup plus complexe, tient toutefois à nuancer l’expert en chronobiologie. Ce processus dit circadien n’en est qu’en partie responsable. »

Crédit: Greg Epperson« Dans les faits, chacune des cellules qui constituent notre corps est dotée de sa propre horloge biologique qui lui sert à mesurer le passage du temps. Collectivement, ces milliers de petites horloges sont gouvernés par celle située dans le cerveau qui, elle-même, est sensible à son environnement », poursuit-il. Cette réceptivité au milieu dans lequel l’organisme évolue explique en grande partie pourquoi il tend à se détraquer lors de situations extrêmes comme un décalage horaire. Cela explique également comment des stimuli comme l’exposition à la lumière, les repas ou l’activité physique agissent comme zeitgebers, ou synchronisateurs de l’horloge interne. « Ces éléments contribuent tous à l’hygiène de l’horloge interne », souligne d’ailleurs le chronobiologiste.

Les athlètes seront heureux d’apprendre que leur horloge biologique affecte directement leurs performances. Plusieurs études démontrent que l’heure de la journée à laquelle un sportif s’entraine influence à la hausse ou à la baisse ses différentes qualités athlétiques. Bien que la fin de l’après-midi semble constituer le moment idéal chez plusieurs, aucun consensus n’existe en la matière. Nicolas Cermakian soutient par ailleurs que le chronotype – le fait d’être davantage à son meilleur le matin ou le soir – joue pour beaucoup dans cette question.

L’heure de la journée peut également influencer la réponse du corps à l’entrainement, du moins en théorie. Car, s’il est prouvé que certains médicaments (contre le cancer entre autres) agissent différemment selon le moment de la journée auquel ils sont administrés, il se pourrait aussi très bien que la cascade d’événements physiologiques qui découle d’un entrainement soit plus ou moins prononcée selon le moment de la journée auquel il est effectué.

Chose certaine, le sommeil du sportif mérite toute l’attention qui lui est portée. Après tout, le tragédien William Shakespeare le qualifiait déjà dans Macbeth, il y a plusieurs siècles de « bain du labeur douloureux, baume des âmes blessées, second service de la grande nature, aliment suprême du banquet de la vie! » 

 
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