Rechercher dans le site espaces.ca
  • Crédit: Chantal Blouin

Trekking en culottes courtes

Récit d'un trekking intergénérationnel, bien planifié et réussi.

 

Lors d’un souper de famille, ma sœur et moi nous remémorons avec nostalgie un voyage de randonnée dans les Rocheuses, en nous disant que ce serait bien de refaire quelque chose de semblable, entre filles. Attablée avec nous, ma fille Alice (7 ans) réagit : « Moi aussi, je suis une fille! » En parent responsable, il faut réfléchir à tête reposée à une telle requête, simplement parce que les aptitudes physiques et psychologiques d'un enfant en longue randonnée ne sont pas les mêmes que celles d'un adulte. Mais il ne faut pas non plus sous-estimer le bonheur qu'une telle aventure familiale peut procurer! La décision est prise : nous tenterons l’aventure.

Pour bien commencer notre séjour d'une semaine en milieu alpin, nous choisissons de parcourir le sentier de 10 km (aller-retour) de la Larch Valley, dans le parc national de Banff. Ce sera l'occasion de tester les capacités d'Alice en se réservant la possibilité de faire demi-tour au besoin. Le sentier débute sous un couvert forestier plutôt dense, enrobé d'une envoûtante brume matinale. Nous portons toutes trois un sac à dos, celui d'Alice est adapté à sa taille. Notre jeune randonneuse est fière de transporter quelques provisions pour la journée et chantonne tout en montant. Sa tante l’encourage d'ailleurs à bien se faire entendre pour prévenir une rencontre fortuite avec un ours. Alice ne cède pas à la panique, mais la suggestion l’incite à être prudente et à rester proche de nous.

Tout est matière à émerveillement : les oiseaux, les arbres, les fleurs et bien sûr les montagnes. Au détour d'une clairière, Alice se fait prendre à un jeu de cache-cache avec d'espiègles belettes. Plus haut, dans la zone de neige permanente, elle décide de construire un petit bonhomme de neige; c'est Noël en juillet. Et à la pause du lunch, le panorama alpin nous en met plein la vue. Comme entrée en matière, c'est une journée parfaite. Et Alice a passé le test.

Au deuxième jour, les 8 kilomètres du sentier vers le glacier Stanley, dans le parc Kootenay, nous transportent au travers d'une forêt en régénération, habitée d’arbres calcinés. Çà et là, le sol est recouvert du rouge des castilléjies et du rose violacé des épilobes. Dans la vallée subalpine, plusieurs chutes d'eau s’élancent du haut des falaises. Tout à coup, nous sursautons. Dans un grand fracas, un pan de roche vient de se décrocher à quelques centaines de mètres en face de nous. Quel puissant spectacle! Heureusement, la zone d'éboulis est loin de notre tracé. Alice adore les moments où nous enlevons nos bottes afin de tremper nos pieds dans l’eau glaciale d’un ruisseau, ce qui constitue une façon idéale de ponctuer le rythme de notre marche.

Nous abordons ensuite une randonnée que j’appréhendais avant notre départ. Je rêvais depuis longtemps d’aller explorer les lits fossilifères de Mount Stephen dans le parc de Yoho. À la maison, j’avais préparé Alice à ce que nous allions voir. La randonnée sera difficile — un dénivelé de 800 m sur 6 km aller-retour —, mais au sommet, nous retracerons une histoire vieille de millions d’années. Pour y avoir accès, il faut réserver sa place dans une randonnée organisée par un organisme accrédité. Celle offerte par Parcs Canada est plus abordable (55 $ par adulte, 28 $ par enfant). Notre guide est des plus sympathiques et sait susciter l’intérêt d’Alice en lui présentant les plantes que nous croisons ou en lui montrant les traces laissées par des chèvres de montagne. La chaleur (près de 30 degrés Celcius) vient s’ajouter au défi. Après le pique-nique, nous nous mettons à la recherche de spécimens. Chaque roche ou bout de pierre dévoile un fossile entier ou en partie. Alice observe le tout à la loupe, prend des photos, fait un calque avec une feuille et un crayon fournis par la guide. Ce seront nos seuls souvenirs de cette zone interdite de prospection.

Nous décidons ensuite de prendre une journée de repos. C'est l'occasion de canoter sur le lac Emerald, puis de faire une saucette dans l’étang à côté du centre de services de Field. Alice apprécie cette variété d'activités qui évite de tomber dans la « routine » de la randonnée.

Le dernier itinéraire que nous voulons tenter s’appelle l’Iceline Trail. Avec un peu plus de 16 km et considéré comme difficile par le Canadian Rockies Access Guide, le parcours grimpe sur 700 m pour rejoindre les glaciers. C'est le test ultime. Nous partons à 9 h, les sacs pleins de provisions, d’eau et de vêtements. Nous adapterons notre rythme à celui de notre jeune marcheuse. Heureusement, nous pouvons prendre notre temps puisqu'en juillet, il fait clair au-delà de 22 h. Le ciel est bleu et le moral d'Alice est au beau fixe. Surtout que plusieurs randonneurs que nous croisons l’encouragent et la félicitent. Elle bombe le torse et accélère le rythme.

Tous les dix pas, la perspective change : les montagnes, les glaciers, la chute Takkakaw au loin, le paysage presque lunaire, les vallées en bas, les cascades rieuses, les ruisseaux à traverser. Nous arrêtons régulièrement pour boire, grignoter, admirer, prendre des photos, souffler. En d'autres mots, pas le temps de s'ennuyer. Nous revenons à l’auberge un peu après 18 h, les jambes lourdes au terme de ces neuf heures de marche. Ce n'est qu'au dernier kilomètre qu'Alice manifestera une lassitude légitime. Bien que j’aie confiance en ma fille, je suis tout de même surprise que nous ayons pu en faire autant. De son côté, elle se souviendra longtemps de ce voyage comme un défi qu'elle a su relever. Pour ma part, je me souviendrai longtemps de la reconnaissance qu’elle a exprimée et grâce à elle, j'aurai aussi redécouvert le plaisir simple de s’émerveiller devant tout.
 

Conseils et astuces pour parents prévoyants et enfants souriants

• Se préparer
Faites participer activement l'enfant dans la planification, en lui montrant des images dans les guides et sur Internet et en débattant des choix de destinations et d'activités, plutôt que de tout imposer sans discussion. De courtes sorties préparatoires (demi-journée au Québec) sont tout indiquées pour mettre en appétit votre jeune apprenti(e).

• Chausser les petits pieds
Les pieds et chevilles d'un enfant en croissance méritent autant —sinon plus —une chausse de qualité. Ne lésinez pas sur la qualité et le bon ajustement. 

• Rester au sec
Comme la météo change vite en montagne, de bons vêtements imperméables (veste et pantalon) sont un incontournable pour votre randonneur en herbe, plus propice à souffrir d’hypothermie qu'un adulte.

• Un sac comme les grands 
Si vous en avez les moyens, la petite dose non négligeable de fierté que procure à l'enfant le port de son propre sac à dos de trekking —plutôt que le sac d'école reconverti pour la cause —se reflètera au niveau de sa persévérance dans l'effort.

• Entretenir le plaisir sur le sentier
Pour éviter toute monotonie, faites des haltes fréquentes pour boire de l’eau ou prendre une petite collation, avec quelques friandises pour récompenser les efforts, sans oublier de nourrir l'enfant d'encouragement et de félicitations. Le soir venu, il est bon de l'interroger sur ses impressions de la journée puis de discuter de la randonnée du lendemain.

Commentaires (0)
Participer à la discussion!