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South Chilcotin : vélo aérien entre ciel et montagne

Prendre l'hydravion pour faire du vélo de montagne hors des sentiers battus? C'est possible et enthousiasmant, au parc provincial South Chilcotin, à une centaine de kilomètres au nord de Whistler. Récit d'une semaine de " oh! " et sans " bah! ".

" It's going to be legendary! " Comme Barney Stinson dans la série How I Met Your Mother, c'est ce que je me suis dit quand j'ai pris place dans le siège du copilote, après avoir chargé mon vélo et mon sac dans l'hydravion. Je n'ai jamais été un passionné de moteurs, mais j'avoue avoir ressenti une certaine excitation quand les hélices se sont mises à tourner, puis que nous avons décollé de Whistler. Direction plein nord, vers le parc provincial South Chilcotin Mountains.


© Antoine Stab

Du haut des airs, à 9000 pieds d'altitude, je comprends déjà mieux pourquoi ce parc suscite le désir des adeptes de vélo de montagne : 56 000 hectares de territoire montagneux où serpentent 200 km de sentiers, dont certains des plus majestueux de la province.

Au cours des sept prochains jours, ce sera mon terrain de jeu. Une semaine pour découvrir en profondeur cet arrière-pays isolé, coupé du reste du monde, où le réseau cellulaire ne fonctionne pas. Une semaine à rouler de six à sept heures par jour, de refuge en refuge, en totale autonomie, avec nos sacs sur le dos. Ça s'annonçait exaltant et exigeant. Ce le fut en tous points!


© Antoine Stab

Je n'étais pas seul : accompagné d'un guide, John, un Anglais vivant à Pemberton, près de Whistler, mon groupe était aussi composé d'une Canadienne de troisième génération de Toronto, Janice, et d'un Allemand néocanadien résidant à Calgary, Kai. Avec moi, Français établi au Québec depuis cinq ans, nous formions un beau peloton multiculturel prêt à partir en échappée sur les sentiers escarpés des montagnes South Chilcotin.


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Si chacun de nous avait déjà une très bonne expérience cycliste, personne n'avait jamais connu une pratique aussi complète et intense de vélo de montagne.

Complète parce que la zone naturelle du parc South Chilcotin est très diversifiée, abritant une variété incroyable de paysages : des forêts anciennes, des prairies de moyenne altitude, des rivières dans de larges vallées, des lacs alpins alimentés par des glaciers turquoise et de nombreuses crêtes. Nous sommes donc amenés à rouler sur un grand nombre de terrains différents… et même parfois à traverser les cours d'eau à pied, avec le vélo sur le dos.


© Antoine Stab

Intense parce que les sentiers, de type single track, sont très techniques et accidentés, avec beaucoup de souches et de roches. Ils sont très étroits, d'une largeur de moins d'un mètre. Historiquement empruntés par les chasseurs et les mineurs, à pied ou à cheval, ils ont su garder cet esprit pionnier, sauvage, brut.

Arpenter le relief du parc demandait donc un certain sens du pilotage. C'était parfois un peu décourageant pour nous, voire carrément déconcertant. " J'ai l'impression de rouler soûle! " disait souvent Janice.

L'intensité est aussi présente avec les ascensions. Le mot " vélo de montagne " prend alors tout son sens, avec des passages de col à plus de 2000 mètres d'altitude. C'est peu dire que les montées sont longues et difficiles. Il faut souvent adopter la technique du hike-a-bike : accepter avec humilité de descendre de son vélo et de marcher à côté en poussant sa monture. C'est éreintant, mais c'est la seule solution pour se rendre jusqu'au sommet. " Pushing is not cheating ", nous répétions-nous souvent entre nous. Pousser n'est pas tricher!


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Janice, jamais avare de bons mots, nous a également enseigné une astuce mentale pour franchir les étapes les plus ardues. Lors d'un voyage en Ouganda, elle répétait souvent cette expression : " pole, pole " (prononcer " polé "), qui signifie " lentement, lentement " en swahili. Une sorte de mantra que je me disais pour me donner de l'énergie et me convaincre qu'un pas après l'autre ou un tour de pédale après l'autre, j'arriverais à atteindre le sommet. Et ce fut le cas! Non sans mal, mais la récompense n'en fut que plus belle : la vue sur un univers montagneux aussi intimidant qu'apaisant, depuis les hauteurs.

Mais la contemplation n'était souvent que de courte durée. En cause, des moustiques énormes, des monstres noirs aussi gros qu'un pouce. On brasse de l'air, mais ces petites bêtes sont tenaces, capables de braver les hauteurs et le vent pour essayer de vous piquer.


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Face à de tels vampires, la fuite en avant s'impose. On rembarque rapidement sur le vélo et on attaque la descente, l'autre récompense de la montée. Le plaisir de la conduite est énorme, surtout après avoir autant poussé. La vitesse est grisante, le plaisir à son paroxysme!


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Il faut toutefois faire attention de ne pas se laisser emporter par l'ivresse de la descente. Les sentiers, toujours aussi techniques, étaient secs et très sablonneux. On pouvait facilement déraper et manger la poussière.

À quelques centaines de mètres du camp, j'ai ainsi tapé un rocher de la roue arrière et fait une jolie chute par-dessus mon guidon pour aller me réceptionner les mains en avant dans le buisson, non sans une certaine élégance. Ma main gauche n'a pas apprécié la cascade! Une blessure légère, sans gravité. Heureusement, car dans une région aussi isolée et éloignée, il n'aurait pas été heureux de se casser quelque chose. Il aurait alors fallu appeler d'urgence l'hydravion pour être transporté à l'hôpital de Squamish. Des heures de plaisir et d'attente en perspective…


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Au terme de ces sept jours de vélo en pleine nature, j'ai aussi fait l'expérience (pas si fréquente) du sale et du crotté, celle qui vous oblige à mettre, chaque soir, les vêtements de vélo dans le grand baril en plastique de la tente, par peur qu'un ours vienne vous rendre visite, attiré par l'odeur. Heureusement que la plupart des camps sont équipés d'une douche, souvent rudimentaire, ne crachant bien généralement que de l'eau froide vivifiante, mais ô combien plaisante.

Mais même crasseux, fatigué, les muscles endoloris par les chocs et la peau écorchée par endroits, je suis ressorti de ma semaine avec le sourire, charmé par les montagnes South Chilcotin et plus que jamais amoureux transi du vélo de montagne!


Guide pratique

Camp Bear Paw © Antoine Stab

Ce voyage était conjointement organisé par Mountain Equipment Co-op (MEC) et Tyax Adventures, la seule entreprise offrant des séjours guidés dans le parc. Celle-ci dispose de cinq camps disséminés dans toute la zone, comme autant de haltes pour manger et passer la nuit.

Le confort est étonnamment au rendez-vous, malgré l'isolement. On dort sur un lit douillet en bois, dans un sac de couchage moelleux, sous l'une des tentes à double paroi tapissées de toile cirée. Des vestes en laine polaire et des chaussures de camping sont mises à la disposition en nombre.

Chaque camp est tenu par un hôte responsable de préparer chaque jour les repas, à coup sûr délicieux, copieux et réconfortants. On peut même s'y faire livrer de la bière si on la commande avant le voyage. Le luxe cinq étoiles!


Ce reportage a été réalisé grâce à MEC, qui organise également des voyages de vélo de montagne, toujours en Colombie-Britannique, mais de 3 ou 4 jours dans le corridor Sea-to-Sky. Plus d'infos sur mec.ca.

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