Rechercher dans le site espaces.ca
  • Crédit: Jocelyn Martel, Dorian Serre

Pacific Crest Trail : la longue marche

Parcourir 4 260 km du Mexique jusqu’au Canada, ce n’est pas aussi difficile qu’on peut le penser. Mais il faut être prêt à souffrir un peu…

12 mai. C'est à Camp (près de San Diego) que nous prenons les photos d’usage devant le monument marquant l'extrémité sud du Pacific Crest Trail (PCT), un parcours pédestre qui relie le Mexique au Canada par la côte ouest des États-Unis. Doria Serre (mon partenaire d'aventure) et moi sommes surexcités par le défi de 4 260 km qui nous attend.

Pour cette marche interminable, nous avons choisi de voyager en mode ultraléger avec un sac de moins de 10 kg dans lequel la priorité est laissée à la nourriture. L'ambiance du départ est teintée par l’énorme palissade qui empêche les Mexicains d’entrer aux États-Unis. Les patrouilles frontalières sont omniprésentes et nous apercevons des traces et des vêtements laissés par des immigrants illégaux. Ce chemin que nous marcherons pour le plaisir, d'autres le marchent pour survivre.

Pour notre première journée, nous planifions nous rendre à Lake Morena, une petite mise en jambes de 33 km. La matinée se déroule bien et à la pause repas, nous avons déjà parcouru 22,5 km. Vers 15 h 30, nous arrivons de peine et de misère au camping, bouillants et assoiffés. Nous venons d'apprendre notre première leçon : on ne marche pas impunément dans le désert en plein milieu de journée!

Après une semaine de ce régime, nos corps s’acclimatent bien et nous maintenons une moyenne quotidienne de 35 km. Hormis un peu de neige sur le mont Baden Powell, nous avançons d'un bon pas jusqu’à Agua Dulce (730 km), où nous prenons deux jours de repos bien mérités. Pour les randonneurs de longue distance (thru-hikers), l'endroit est mythique : depuis près de 15 ans, Jeff et Donna Saufleys accueillent jusqu’à cinquante « survenants » en même temps, en offrant l'hébergement, la restauration, la douche, la lessive et le transport bénévolement. Ils vont également approvisionner des caches d'eau sur les sentiers. Ce sont de vrais trail angels.

Quelques jours plus tard, nous traversons la chaîne des Tehachapis, où près de 5 000 hélices tournent au gré des vents. Pendant une semaine, nous sommes ballottés par les humeurs du Santa Ana (le vent de la côte pacifique) qui sape notre énergie. Néanmoins, notre rythme de marche augmente graduellement et les distances de 40 km font maintenant partie de notre quotidien, au même titre que les lézards et les serpents à sonnettes...

Le 13 juin, nous atteignons Kennedy Meadows (1 131 km), le point d'entrée de la Sierra Nevada. Considéré comme le joyau du PCT, le secteur traverse trois grands parcs nationaux américains (Sequoia, Kings Canyon et Yosemite). Ici aussi, le printemps froid fait en sorte que la neige traîne encore sur les sentiers. Notre objectif est de faire la traversée de 322 km jusqu'à Red's Meadows/Mammoth Lakes en dix jours, sans ravitaillement. Mais avec cette neige qui peut avoir deux mètres d'épaisseur par endroits, notre progression est ralentie. Nous mettons douze heures pour faire 35 km, au lieu des sept habituelles, cependant nos efforts sont récompensés par la découverte d'une nature inaltérée et sauvage, meublée de sommets enneigés, de lacs givrés et de rivières aux eaux glaciales et tumultueuses.

Nous optons pour un crochet du côté du mont Whitney, plus haut sommet des États-Unis en dehors de l'Alaska et d'Hawaï. Du haut de ses 4 421 mètres, on peut contempler le territoire à une centaine de kilomètres à la ronde jusqu'à Death Valley, point le plus bas du pays.

Au onzième jour, nous sortons de la Sierra comme prévu, mais épuisés et affamés. Nous avions calculé 4 500 calories par jour, mais avec les efforts requis pour affronter le froid et la neige, ce n'était pas vraiment suffisant. Au fil du prochain mois, la fatigue des rudes journées passées dans la Sierra nous incite à nous payer quelques journées de repos ici et là.

Plus nous marchons et plus le paysage change. Le 31 juillet, après 2 736 km de marche, nous entrons dans l’Oregon, où les glaciers viennent tenir compagnie aux volcans. C'est la grande forme et notre vitesse de croisière atteint maintenant les 50 km par jour. Sur le mont Hood, notre pause-repas au Timberland Lodge est à l'image de notre cadence : nous n’engloutissons pas moins de six assiettes de nourriture chacun. C’est fou comme la marche peu vous creuser l’appétit!

Crédit: Jocelyn Martel, Dorian Serre

18 août. 3 470 km. Nous entrons dans l’État de Washington qui a la réputation d’être froid et pluvieux. Encore une fois, le paysage se transforme sous nos yeux et nous enchante. La chaîne des Cascades se présente comme un massif beaucoup plus jeune et acéré. À Glacier Peak, on retrouve plus de 300 glaciers, une des plus fortes concentrations de la planète. Après 90 jours de marche, nous frappons notre première véritable journée de mauvais temps.

Nous approchons du but et sentons la ligne d'arrivée se rapprocher. À Stehekin, à moins d'une centaine de kilomètres de la frontière, nous récupérons notre dernier paquet à la poste restante et faisons un arrêt obligatoire à la fameuse boulangerie locale dont on nous parle depuis le Mexique.

5 septembre. Après 117 jours, nous foulons le sol canadien. Quelle aventure! Sur les 300 ambitieux comme nous qui tentent le trajet du PCT chaque année, plus du tiers renoncent à la compléter. L’émotion d’avoir terminé ce si long trajet nous fait verser quelques larmes tout en sautant de joie. Et il est grand temps d'ouvrir cette bière que nous trimballons depuis trois jours!

Encore plus

Jocelyn Martel et Dorian Serre ont mis en ligne le récit de leur aventure sur leur site bivouaclemonde.com


Infos pratiques

S'y rendre
Vol vers San Diego (moins cher à partir de l'aéroport de Burlington). Sur place, on peut prendre un bus ou contacter un trail angel (voir sur le site web du PCT, section "Community") pour se rendre à Campo. Inversement, le point de départ canadien est situé dans le Parc provincial Manning en C.-B., à trois heures de route à l'est de Vancouver.
Saison propice

De la mi-avril à la mi-septembre.
Droits d'accès

Gratuit (bien qu'un don de 5 $ soit suggéré), mais nécessite de se procurer à l'avance les différents permis de passage au travers des parcs et aires protégées (via le site web du PCT). 

Rapido
Si vous ne pouvez pas vous libérer pour quatre mois, les 340 km de la John Muir Trail, qui suit le parcours du PCT dans la Sierra Nevada, sont une alternative intéressante.

Infos
pcta.org (site officiel du PCT)
pctmap.net (carte gratuite)

Pour partir léger
randonner-leger.org
backpackinglight.com
voyagerultraleger.com

Commentaires (0)
Participer à la discussion!