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Guatemala : grimper en territoire sacré!

L’escalade ne devrait pas être la raison principale de votre voyage au Guatemala, mais vous y vivrez une expérience hors de l’ordinaire.

Soyons honnêtes : nos plans de voyage originaux étaient de visiter la Thaïlande et ses populaires falaises qui sont recommandées dans presque tous les magazines et sites Web d’escalade. Mais après avoir dépensé toutes nos économies pour l’achat d’une nouvelle maison, nous avons dû sélectionner une destination avec des billets d’avion moins onéreux. Deux conditions cependant : aller plus loin que le Mexique et avoir la possibilité de surfer après avoir les bras et les doigts endoloris. Après plusieurs hésitations, notre choix s’est arrêté sur le Guatemala : le coût de la vie, la proximité des volcans et de la jungle nous ont vite séduits. Il faut dire que les paysages sur le site de Tourisme Guatemala y furent pour beaucoup. Dénicher un endroit intéressant pour l’escalade s’avéra la partie la plus ardue : après plusieurs heures de recherche et avoir parlé à bien des grimpeurs, nous avons trouvé une région près de Quetzaltenango (Xela pour les locaux) qui semblait prometteuse. Équipées pour l’escalade sportive (nous ne voulions pas trimballer tout le matériel de trad avec nous), les voies du site paraissaient parfaites : « Vous grimperez au son des chants religieux », annonçaient les messages sur les forums Web écrits par d’autres grimpeurs y ayant fait escale. Intrigant. Mais repérer l’endroit exact fut plus difficile que prévu…

En débarquant de l’avion, l’accueil typique des peddlers (les tours opérateurs locaux), présents dans tous les pays moins fortunés, nous a permis de fuir rapidement la capitale hyperpolluée. Plutôt confortable, notre navette a pris moins d’une heure pour rejoindre la ville d’Antigua qui nous servira de camp de base pour explorer le pays. En passant près d’un autobus local (les fameux chicken bus) criblé de balles et entouré de la police locale ainsi que des médias, ma blonde fut radicale : « Il n’est pas question qu’on monte dans un de ces autobus! » Je ne fus pas dur à convaincre lorsque nous apprendrons plus tard que le chauffeur fut abattu parce qu’il refusait de s’associer avec la pègre locale qui contrôle ce secteur de l’économie et qui ne se gêne pas pour voler les passagers ou abattre tout ceux qui s’opposent à leur manière de gérer la ville.

Crédit: Christian LévesqueOn comprend vite la situation économique critique du pays en voyant les gardiens armés devant les banques, les supermarchés et même les McDonald! Les camions possèdent aussi leur escorte privée pour livrer leurs marchandises un peu partout dans le pays. Même les cargaisons d’eau sont ainsi surveillées! Pourtant, les gens sont sympathiques et courtois. Et ils n’hésitent pas à vous aider lorsque les résultats de vos leçons d’espagnol disparaissent. L’autobus que l’on prend pour rejoindre la ville de Xela part de la capitale (Guatemala Ciudad) dans un terminus caché derrière une barrière métallique de six pieds de haut et surveillé par deux gardes armés. Rassurant. Six heures plus tard, après avoir traversé la moitié du pays vers l’Est (et maints arrêts pour laisser entrer les vendeurs itinérants), l’arrivée au terminus de la deuxième ville en importance du Guatemala nous ramène dans un univers chaotique et poussiéreux. « Il n’y a aucun matériel d’escalade dans la ville », nous annonce le directeur du Black Cat Hostel, l’auberge de jeunesse où nous avons décidé de nous installer pour la semaine. Pas grave : nous avons l’essentiel du matériel nécessaire (corde, harnais, dégaines). « Comment peut-on se rendre à La Muela? »

Notre première visite au site fut… ratée. Notre chauffeur de taxi, dégoté près du Parque Centramérica au milieu des femmes habillées traditionnellement et des cireurs de chaussures âgés d’à peine 8 ans, ne comprenait pas très bien où l’on désirait aller et ce qu’on voulait y faire. Il nous laisse près de La Muela, à l’entrée du village de Chicua où trois personnes demandent 1 peso à tous ceux qui passent sur cette unique route de terre. Un long sentier nous mène, après une heure de montée, au bas de falaises parfaites pour de l’escalade traditionnelle… mais pas pour l’équipement que nous avons emporté. Nous avons patiemment fait le tour de la montagne pour trouver l’endroit équipé, mais il fallut bien se rendre à l’évidence : nous n’avions pas gravi la bonne montagne. Alors qu’on dînait, nous avons entendu des chants s’élever dans la prochaine vallée. « C’est probablement là-bas! », dit l’un de nous deux.

Après avoir redescendu la montagne et marché quelques kilomètres sur la route en terre (tiens, le poste de péage a disparu…), nous atteignons Chicua. J’aimerais dire qu’il s’agit d’un village « typique », mais les bâtiments défraîchis avec une simple feuille en tôle en guise de toit laissent plutôt paraître le peu de moyens de cette population. Malgré l’influence de la télévision, de l’éducation et des voitures de luxe qu’on voit défiler dans les rues, la moitié des quelque 13 millions d’habitants du pays sont majoritairement pauvres. Le salaire moyen tourne ici autour de 173 $ par mois. Ce n’est pas la caste supérieure du pays (qui provient essentiellement de souches européennes) qui vit ici, mais plutôt ces descendants mayas qui sont répandus dans tout le pays. Ils vivent dans des maisons en briques ou en béton d’une seule pièce. À Chicua, l’essentiel des habitations est plutôt constitué de bajarecques (sortes de cabanes en pierre et en pisé avec des poutres en bois) avec des toits en tôle, tuiles ou chaume ainsi qu’un plancher en terre battue et un foyer (souvent sans cheminée). Néanmoins chaleureux, les gens nous regardent avec un mélange de surprise et d’incompréhension. Que peuvent bien venir faire deux gringos équipés de gros sacs à dos dans ce bled perdu?

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L’heure de l’averse de l’après-midi approche tranquillement (nous sommes dans la saison des pluies après tout), mais nous désirons savoir où sont les voies d’escalade. Le petit chemin pour accéder à la montagne est bien caché entre deux maisons. Sans avoir demandé notre direction, il aurait probablement été bien difficile de le trouver. À notre étonnement, nous sommes loin d’être les seuls à marcher sur ce sentier. De nombreux Guatémaltèques empruntent chaque jour cette piste pour aller prier sur la montagne et apporter des offrandes qu’ils laissent sur place. Comme nous sommes accoutrés à l’occidentale et portons nos gros sacs à dos remplis de matériel, le contraste entre nous et le peuple local est frappant. Il est plutôt étrange de partager le sentier avec ces hommes et ces femmes bien habillés avec leurs souliers propres, les mains remplies de gerbes de fleurs et de nourriture.

Autour de nous, de plusieurs lieux de prières sont érigés le long du sentier. Chaque zone de prière est identifiée avec des inscriptions peintes directement sur la roche. Certains endroits possèdent même des toits en tôle pour permettre de prier sous la pluie qui arrive presque tous les jours en fin d’après-midi durant la saison des pluies. Ces rassemblements nous semblent hétéroclites : certains prient en cœur, plusieurs chantent, d’autres pleurent sans arrêt et quelques-uns écoutent un prêcheur s’époumoner. Nous en apercevons même un avec un haut-parleur! Ils appartiennent à cette poussée importante des mouvements évangéliques protestants qui se multiplient depuis les années 1980 dans ce pays autrefois très catholique. Leur succès serait dû à leur rejet de l’alcool, du jeu et de la violence conjugale. 

Crédit: Christian LévesqueNous saluons poliment ces fervents en passant auprès d’eux. Nous sommes intrigués par leurs pratiques, mais ils eux sont encore plus intrigués de nous voir marcher avec eux. Au bas de la falaise, nous trouvons facilement les voies. Le site est bien. Très bien même. Nous nous attendions à trouver des plaquettes rouillées et usées par le temps, mais celles que nous apercevons datent de quelques années tout au plus. Reste à les tester pour connaître leur solidité. Ma blonde se porte volontaire pour y aller en premier : « Je suis moins lourde que toi, tu pourras m’attraper! » Elle s’élance alors dans ce qui doit être une 5.8 (difficile à dire : nous n’avons trouvé aucun topo de la falaise, juste des indications un peu vagues…). Pas facile de faire confiance à cet équipement qui protège notre vie quand on ignore qui l’a installé, comment et quand! Pourtant, aucun problème : les plaquettes en place semblent très bonnes. À mon tour. Pour vérifier la solidité du matériel, je fais une chute volontaire à la deuxième plaquette. Tout reste en place. Rassuré, je continue et installe une moulinette sur le relais qui paraît aussi solide que le reste.

Plus bas, les chants, pleurs et sermons remontent jusqu’à nous et confèrent au lieu une ambiance surréaliste. Presque tous les jours, en milieu d’après-midi, les nuages nous englobent. Nous sommes alors suspendus dans le temps et l’espace avec la falaise, le brouillard et ces chants sortis de nulle part. Nous continuons à grimper jusqu’à ce que la menace de la pluie nous force à retourner en ville. Le chemin du retour nous prend environ 1h30 et la pluie se met habituellement à tomber autour de 15 h-16 h.

Durant une semaine, nous répétons ce manège quotidiennement. Taxi le matin, grimpe toute la journée et marche de retour le soir. Après quelques jours, nous sommes reconnus par ceux qui fréquentent quotidiennement la montagne. Quelques curieux s’arrêtent à notre hauteur pour voir ce que nous faisons. L’un d’entre eux semble plus curieux :

-       Tu veux essayer?
-       Si!

J’enlève mon harnais pour le lui passer en oubliant la très petite taille des Guatémaltèques. C’est plutôt celui de ma copine qui lui fera adéquatement. Il s’élance avec agilité dans la même 5.8 que nous avions tentée le premier jour, jusqu’au moment où deux de ses amis l’aperçoivent au loin et crient pour l’encourager. Il détourne son regard de la paroi pour les voir plus bas. C’est à ce moment qu’il découvre à quelle hauteur il se trouve et le vertige s’empare immédiatement de lui. Sa grimpe venait de prendre fin. Une fois au sol, un sourire immense se lit quand même sur son visage.

La roche ici est superbe et rappelle celle que l’on trouve sur les falaises de Kamouraska. Pour le nombre de voies, difficile à dire : il n’y en a pas une grande quantité. Nous avons amplement grimpé un secteur qui offrait des voies de 5.8 à 5.10 et où les plaquettes semblaient bien solides. Dans les autres coins, un dévers impressionnant avec des voies de 5.11 et 5.12. Selon le site Web consulté (www.rockclimbing.com), il y aurait aussi une 5.13 quelque part.

 

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Alors que certains coins de la capitale avaient l’air peu recommandables, marcher dans les rues délabrées de Chicua était sécuritaire. Nous étions les seuls gringos du coin et le poste de péage improvisé à l’entrée du village aurait pu nous faire douter des intentions des habitants. Mais tout au long de notre séjour, nous n’avons eu aucun problème à déambuler avec notre allure de « riches américains ». Ce ne sont toutefois pas tous les coins du Guatemala qui sont ainsi sécuritaires. À San Pedro, la première compagnie que nous avons approchée pour nous guider au travers des volcans éteints ne voulait pas nous emmener au sommet à cause de la menace des brigands. Il est d’ailleurs très peu conseillé de se promener à pied entre les villages de cette région. Heureusement, divers autres moyens de transport sont possibles.

La température dans ces zones montagneuses est fraîche. Si vous désirez du temps plus chaud, il faut descendre dans la jungle ou sur le bord de la mer. La différence est marquante entre les deux zones. Malgré les dangers de certains coins et la pauvreté de sa population, le Guatemala permet de s’imprégner à fond d’un autre mode de vie. Le choc culturel peut même surprendre. En y étant préparé, vous découvrir un pays charmant, des paysages spectaculaires et une histoire hors du commun.

 

 

Autres attraits

• Tikal
Crédit: Christian LévesqueProbablement le meilleur site pour voir les pyramides mayas dans leur état naturel, entourées d’une jungle luxuriante et de singes hurleurs. Il faut y aller pour grimper le temple IV et saisir l’ampleur du pouvoir de cet empire déchu. Si vous avez un budget, évitez les trois hôtels situés sur le site et optez pour le camping tout près. Vous pourrez dormir dans un hamac protégé par un filet et vous faire réveiller par le bruit des perroquets ou des singes. Attention à vos souliers le matin : les scorpions raffolent de ces endroits pour dormir. Pour assister au lever du soleil depuis le sommet de la pyramide IV, arrangez-vous avec les gardes la veille. Ce n’est pas dans la brochure, donc il faut négocier un peu. Pour 60 quetzales (environ 10 $), ils promettront de vous y amener à condition d’avoir payé le prix du billet d’entrée pour la journée. Sans billet, le prix grimpera à 100 quetzales pour avoir droit de passage. Disons qu’il est plutôt difficile de discuter avec un gardien armé à 4 h du matin dans le noir!

• Antigua
C’est la capitale touristique du pays, mais c’est aussi l’un des endroits les plus agréables où séjourner. Plusieurs compagnies s’y sont installées pour proposer diverses expéditions (escalade, randonnées, rafting, surf, vélo, etc.). Vous pourrez y trouver facilement les départs de navettes et d’autobus pour toutes les destinations du pays. Le volcan Pacaya est toujours en activité et vaut le détour (nous en avons eu qu’un aperçu : le volcan était entré en éruption un mois avant notre arrivée et les nouvelles coulées de lave n’étaient pas encore toutes figées). Un second site d’escalade est accessible depuis Antigua, mais nous n’avons pas été le visité. La qualité des chambres varie énormément pour le même prix. Un coup de cœur : le Yellow House (1a Caliente Poniente 24 • 7832 6646), qui est l’un des meilleurs rapports qualité-prix que vous trouverez. Si votre budget est (vraiment) plus généreux, essayez le Casa Santo Domingo Hotel (3a Calle Oriente 28 • 7832 0140) et ne manquez pas de visiter les ruines qui l’accompagnent. Vous y découvrirez le véritable charme de cette ville autant artistique qu’agréable à vivre. Mettez aussi le Café No Sé (1 Av Sur 11C) sur votre liste.

• Lago de Attitlan
Entouré de volcans éteints, c’est l’un des plus beaux lacs au monde. Située à trois heures de route à l’ouest de Guatemala Ciudad, la ville de Panajachel est belle et sympathique. Vous y coulerez des jours heureux. Vous pourrez aussi traverser facilement le lac en bateau pour aller visiter les villes de San Pedro La Laguna ou Santiago Atitlan d’où vous serez en mesure de grimper les volcans. Informez-vous avant de partir : les vols sur les sentiers autour de ces villages sont fréquents et certaines compagnies refuseront de vous y amener. Ne trimballez que quelques billets sur vous et évitez d’emporter des objets de valeur. La montée vous fera passer par les plantations de café et de maïs que l’on cultive ici à flan de montagne. La vue est superbe en haut, après la montée de trois heures.

• Eldorado Surf Resort
À quelques heures de route, vous atteindrez les côtes du Salvador, l’un des meilleurs endroits du coin pour surfer. Les vagues sont impressionnantes et plutôt puissantes. Tous les niveaux de surfeurs y trouveront leur compte, à condition de se rendre dans la région où les vagues conviennent à votre niveau. Olivier Dubois, un Québécois y a ouvert le Eldorado Surf Resort (surfeldorado.com). L’accueil est chaleureux et vous pourrez vous y détendre sur une plage au sable noir lorsque les roches ont disparu avec l’action des marées. Avec un peu de chance, vous tomberez sur une bande de Québécois avec qui tripertout au long de votre séjour. La nourriture y est vraiment très bonne (chargée en extra).

 

Guide de départ


Guatemala

Quand y aller
Nous y sommes allés au mois de juillet : parfait pour éviter la cohue de touristes à Tikal, mais en pleine saison des pluies (il pleut vraiment beaucoup presque tous les jours dès 16 h jusqu’à 19 h). Les grandes migrations touristiques sont habituellement de la mi-décembre à la mi-février.

Coût
Avion : varie selon la saison, autour de 750 $.
Bière locale : 2 $
Tee-shirt souvenir : 6 $
Hébergement : selon votre budget et le type de confort désiré, mais vous pouvez trouver des chambres à partir de 10 $ la nuit.
Repas : en moyenne, on s’en tire bien pour une dizaine de dollars. Certains restaurants mieux côtés avec musiciens vous coûteront 40 $ pour deux personnes.
Transports : les autobus locaux (chicken bus) sont peu chers, mais aussi peu sécuritaires. Pour quelques dollars de plus, vous profiterez des minibus qui vous mèneront partout.

 

Pourquoi y aller
Pour les prix avantageux (hébergement et nourriture), la nourriture typique, les pyramides mayas à Tikal, la chaleur de la jungle.

 

Le meilleur : se tenir au sommet de la pyramide IV à Tikal au lever du soleil. Magique.

Le pire : la pollution dans les grandes villes (Guatemala Ciudad et Quetzaltenango) et les gardes armés partout.

Le plus étrange : grimper une montagne qui semble sacrée pour les habitants du coin et de voir tous les déchets qui jonchent le sentier pour se rendre à ces lieux de prières...

 

 

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