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  • Crédit: Mike Itelman

La vague, cette maîtresse italienne sur le Saint-Laurent - Introduction au surf de rivière -

Quasi clandestin jusqu’à l’an dernier, le surf de rivière gagne de plus en plus d’adeptes depuis le début de l’été. Une affaire de technique, mais selon mon gourou, de sensualité aussi. « La vague, c’est comme une maîtresse italienne. Elle est vraiment excitante à côtoyer, mais elle peut être assez capricieuse.  Et plus elle devient capricieuse, plus il faut être poli avec elle. Sinon c’est garanti qu’elle ne te procurera plus de plaisir. » - traduction libre des propos de Corran Addison

Montréal, mercredi, 17 h 30, soleil, 31 degrés. J’éteins mon ordinateur, sors de mon bureau, sors de ma tête, ouvre ma portière, entre dans mon camion, entre Jack Johnson dans le lecteur. Direction port de Montréal. « Hold on if you can, you’re gonna sink faster than you can imagine so hold. Hold on… ». Sans que j’aie même le temps d’écouter deux fois en rafale le surf song préparatoire, exutoire, en fait tout sauf accessoire, j’arrive à destination. Dans le stationnement attenant au bloc légo immobilier devenu symbole de l’Exposition universelle de Montréal, donc dans ce stationnement, à quelques mètres DU spot, j’enlève ma chemise et mon pantalon sans trop me soucier des voitures qui filent vers le casino, et j’enfile mes shorts.
C’est ici que j’ai rendez-vous avec Corran Addison, gourou de l’endroit et de la discipline. C’est lorsqu’il est venu au Québec pour une compétition de kayak, il y a 10 ans, que ce Sud-Africain a découvert LA vague par l’entremise d’un kayakiste du coin.
Il y a trois ans est apparu le premier surfer qui ne faisait pas partie du petit groupe initial formé par Corran et ses chums kayakistes. Puis se sont ajoutés quelques visages au cours des deux dernières années. Parmi les nouveaux adeptes, on retrouve majoritairement des surfers de mer pour qui la vague de rivière représente une façon d'aller à l'eau sans avoir à prendre un avion pour le Costa Rica. Et il y a aussi des kayakistes qui alternent entre les deux disciplines, et enfin des curieux pour qui le surf de rivière constitue une première expérience.


L’homme et la vague
À partir du moment où le surfer est dans la vague, le surf de rivière ressemble sensiblement à sa grande soeur, ou à sa mer. C’est avant de prendre la vague que les deux concepts diffèrent. Sur la mer, le surfeur est stationnaire et attend la bonne vague en nageant pour se faire soulever sur une certaine distance. Le surfeur de rivière, lui, se laisse emporter par le courant descendant jusqu’à une vague stationnaire sur laquelle il devra s’accrocher au bon endroit en nageant avec force pour se faire aspirer dans le bas de la vague. Le mouvement de nage doit être suffisamment puissant pour annuler la vitesse du courant au moment opportun, et ainsi le transcender pour se fondre dans la vague.
Alors que la forme de la vague d’océan change à mesure qu’elle casse sur sa largeur, la vague de rivière garde la même forme et la même dimension constamment. Sa largeur est elle aussi constante. Et la vague éternelle.
Mais pour communier avec le divin et tenter d'accéder à l'éternel, le pratiquant doit pratiquer. En bon catholique, j'ai donc suivi les conseils de mon gourou. La première étape consiste à maîtriser la position sur la planche et les mouvements de nage. [garder en bold dans le texte] L'équilibre sur la planche est non seulement essentiel lorsque vient le temps de prendre la vague, mais il permet aussi d'économiser l'énergie nécessaire pour nager pour se positionner dans le courant et regagner la rive.
Ensuite, il faut comprendre le courant et la vague. [garder en bold dans le texte]Le courant descendant qui amène à la vague doit être atteint à une quarantaine de mètres en amont de celle-ci. À 10 mètres de la vague, le surfer doit se placer dos à elle, et s'enligner face à la partie blanche (le bouillon). C'est à cet endroit que la vague oppose le plus de résistance et permet au surfer de s'y incruster.
À la troisième étape, on sort de la théorie. Et qui dit pratique dit répétitions… avec un s. L’action à répéter se décompose ainsi : descendre le courant, tenter de s'incruster dans la vague, passer à travers la vague, se faire emporter par le courant, ramer à la rive, monter la côte, marcher jusqu'au point de départ, attendre son tour, recommencer. Après un certain nombre et un nombre certain de tentatives, l’ancrage dans la vague a lieu. À ce moment, les mains placées à la hauteur de la poitrine sur les côtés de la planche, l'objectif est de sentir la dynamique de la vague en transférant son poids vers l'avant pour descendre, vers l'arrière pour remonter et sur les côtés pour tourner légèrement. Comme la vague est continuelle, il n'y a pas d'urgence à se lever d'un trait sur la planche. On peut donc y aller avec un mouvement constitué de plusieurs segments à partir de l'étape « couché » : un genou sur la planche, un pied à l'avant, transfert de poids du corps vers l'avant, pied arrière sur la planche, lent redressement des jambes et du dos.
Une fois debout, en équilibre, le surfer (c’est là qu’il mérite l’appellation) surfe la vague. Les genoux doivent être pliés, le dos redressé, les mains disposées de chaque côté du corps et le poids transféré des orteils vers les talons et des talons vers les orteils pour effectuer des virages. À ce stade, c’est une question de feeling. C’est ce qu’on m’a dit en tout cas.


La vague et les alentours
Avec des sites comme les rapides de Chambly, les rapides de Lachine et surtout Habitat 67, la région de Montréal est un joyau pour la pratique du surf de rivière. Une vague stationnaire est naturellement créée lorsque des courants d’eau vive évoluent dans un environnement accidenté. Différents endroits de la région regroupent ces conditions, mais selon Corran, un seul site jouit de la présence de toutes les conditions avantageuses. « La vague située derrière Habitat 67 est, avec Munich, la Mecque du surf de rivière. Ici, elle est suffisamment haute et large pour pouvoir s’éclater, l’eau et l’air sont chauds, l’environnement est sécuritaire, l’endroit est facilement accessible. Le débit idéal de 7200 à 8500 mètres cubes par seconde est pratiquement toujours présent. Et l’eau n’est pas trop polluée. Chaque fois que j’y vais, j’en bois! donc ça ne doit pas être trop pire ! »

Je n’ai jamais eu de maîtresse italienne, mais j’ai déjà eu une copine capricieuse. En fait, je pensais qu’elle l’était jusqu’à ce que je fasse la rencontre de LA vague. À ma deuxième journée, après plus de trois heures sur l’eau, j’ai senti qu’elle était sur le point de se laisser apprivoiser. Mais elle n’est pas facile et c’est une de ses grandes qualités. Une fois que je l’aurai amadouée, je sais que ce sera une belle histoire. Je me donne jusqu’en décembre pour y arriver. Et si ça ne fonctionne pas, je serai en Italie cet hiver à apprendre les bonnes manières. Et l’italien.

Ciao bella.



Informations utiles

Apprendre à surfer
• Corran Addison donne des leçons de groupe (maximum 6 personnes) à l’arrière d'Habitat 67. Le cours d’initiation se fait en deux jours (de 10 h à 16 h) et vous y apprendrez les rudiments du surf de rivière : la théorie des courants et de la vague, la nage sur la planche, la technique pour prendre la vague, la persévérance ! Des classes pour intermédiaires et des sessions réservées aux dames sont aussi offertes.
Prix: 200 $ pour deux jours, incluant la location de la planche, du casque et de la veste de sécurité.
Réservations : boutique Surf 66 à Pointe Claire, (514) 697-0366
Horaire des cours (juin à septembre) : www.2imagine.net

• Kayak sans frontières offre aussi un cours d'initiation de deux jours
Prix: 170 $ pour deux jours, incluant la location de la planche, du casque et de la veste de sécurité.
Réservations : (514) 595-7873
Horaire des cours (juin à août) : www.ksf.ca


Surfer ailleurs au Québec
• La Jacques-Cartier (Pont-Rouge/Donnacona), la Gatineau et certainement d’autres endroits à découvrir.

L'étiquette
Comme au golf, il y a des règles à suivre pour que le sport se pratique en harmonie avec les autres.
1) On suit la file d’attente, peu importe notre niveau ou la largeur de nos épaules.
2) Après 60 à 90 secondes sur la vague, on laisse sa place au suivant.
3) On adopte l'attitude « surf de rivière », laid back comme les kayakistes, plutôt que Hawaï tough bum mean mother fu…
4) On reste poli avec la vague.


L’équipement

• La planche : Corran Addison a dessiné un modèle adapté à la rivière, faite de plastique HDTP (haute densité beaucoup plus rigide que les plastiques traditionnels) et commercialisée sous la marque Drago Rossi. On peut se la procurer à boutique Surf 66 ou chez Mountain Equipment Coop.
Prix : environ 700 $.

• Des customs long boards ou river boards en carbone ou fibre de verre (700 $ à 1000 $) sont aussi fabriqués par Corran Addison.
Infos : www.2imagine.net

• Les boutiques Adrénaline offrent aussi des planches et du matériel de surf.
Infos: www.boutiqueadrenaline.com et www.surfinpq.com (un site dédié au surf de rivière).

• Le casque : même si la plupart des surfers n’en portent pas, il est fortement recommandé. La planche et les roches sous-marines ne sont pas que des alliés. Un casque de kayak ou même de skateboard (50 $) sont tout à fait indiqués. Pour un look plus recherché, vous pourrez vous procurer un casque Gath (www.gathsports.com) pour 150 $.

• La veste de flottaison : afin de ne pas gêner la mobilité sur la planche, un modèle adapté, dont les flotteurs sont disposés au niveau des épaules et des côtes, est recommandé. La marque NRS (www.nrsweb.com) a conçu un modèle s'intégrant dans un top en lycra (Anti gravity).

• La combinaison en néoprène : inutile entre juin et septembre, mais en décembre, ça peut
servir (!). Il existe aussi des modèles minces qui ne gênent pas le mouvement.
 

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