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  • Le Guide et Bourlingueur, Stéphane Tellier, au Mont Torngat © Pierre-Luc Boucher

Oser le Nunavik en hiver

Déjà, au plus fort de l’été, le Nunavik semble lointain, intrigant, presque inaccessible. Alors imaginez l’hiver… Notre collaborateur s’y est pourtant risqué, et il n’a vraiment pas été déçu. Compte-rendu.

Bien sûr, ce n’est pas la porte à côté, et ce n’est pas pour toutes les bourses. Bien sûr, il peut faire un froid sibérien au-delà du 55e parallèle. Mais une fois sur place et une fois bien vêtu, c’est toute une série de chocs culturels, émotionnels et temporels qui nous attend au Nunavik. 

Pourquoi se rendre sous d’aussi hautes latitudes? Pour s’imprégner de culture inuite, il va sans dire, mais aussi pour décrocher et se perdre dans la beauté des paysages en découvrant une nature unique, brute et intacte. Y compris l’hiver.

Plus qu’un simple périple, un voyage dans les parcs nationaux du Nunavik est aussi une sorte de séjour tout-inclus version plein air. Une fois le forfait acheté, les guides s’occupent de tout et le seul détail à gérer est… son lâcher-prise. Tour guidé à travers les trois parcs nationaux du bout du monde du Québec.

Tursujuq, l’immense

© Pierre-Luc Boucher

Tursujuq est le petit dernier des trois parcs du Nunavik, mais aussi le plus grand parc national du Québec (26 107 km2, l’équivalent du Rwanda!). Lieu idéal pour pratiquer le ski nordique et la raquette, il s’étend sur des kilomètres de décors vierges et immaculés. 

Situé près de la baie d’Hudson et du village d’Umiujaq, ce parc est aussi un lieu privilégié pour approfondir ses connaissances en culture inuite : écouter des chants de gorge, monter une tente traditionnelle, partager la bannique avec les guides locaux… On trouve même des vestiges d’anciens postes de traite et des traces d’occupation humaine datant de plus de 3 000 ans.

Le soir, on s’endort en groupe, sous la tente et près d’un bon feu, dans un confort sommaire mais qui nous rapproche de la nature. Et toujours, on se réveille le lendemain en se sentant tout petit face à l’immensité du décor, dominé par les cuestas – des successions sédimentaires formées d’une paroi très abrupte d’un côté et d’une pente inclinée de l’autre. Ces particularités du relief m’ont donné l’impression d’être entre les mains d’un géant, avec chaque jointure qui offrait un point de vue incroyable sur le plateau hudsonien. 

Lors de mon séjour, j’ai aussi apprécié le fait de ne pas voyager qu’en spectateur, et de me sentir utile à tout moment, que ce soit en donnant un coup de main pour monter la tente ou préparer le souper, après avoir pris part à la chasse au lagopède alpin. J’ai d’ailleurs pu goûter la délicieuse viande crue – y compris le foie – de cette sorte de perdrix boréale, dégustée tout juste après que mon guide inuit l’ait abattue. Je ne suis pas près d’oublier ça…


Kuururjuaq, le vénérable

© Pierre-Luc Boucher

Le parc Kuururjuaq est, des trois parcs nationaux du Nunavik, celui qui se trouve le plus près de Kuujjuaq, la plus importante communauté de la région. Le développement du tourisme a donc été facilité par cette proximité. Son pavillon d’accueil est plus grand et plus structuré que celui des autres parcs et on sent la maturité et la confiance des guides dans l’expérience qu’ils nous font vivre.

D’une superficie de 4 460 km2 – trois fois celle du parc national du Mont-Tremblant –, le parc Kuururjuaq se démarque par son territoire tout en longueur, le long de la rivière Koroc, principal cours d’eau de la région qui prend naissance à la frontière du Labrador et donne vie à la flore des lieux durant l’été.

Encore ici, les adeptes de raquette et de ski nordique hors-piste seront plus que bien servis. Mais contrairement à Tursujuq, qui est près d’un village, il faut ici plus de temps pour pénétrer au cœur du territoire protégé. 

Cette distance à franchir, c’est du vrai bonbon pour les yeux, un bonbon que l’on veut laisser fondre tout doucement pour en apprécier chaque nuance, à mesure que l’on s’approche des majestueux monts Torngat, puis qu’on devine la présence du mont D’Iberville, plus haut sommet du Québec (1 646 m). 


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Partout où se pose le regard, on tombe en effet sur une formation montagneuse dominant des vallées empruntées depuis des millénaires par les Inuits pour leurs déplacements entre la mer du Labrador et la baie d’Ungava. 

Après cinq heures de motoneige – moyen de transport obligé ici –, on arrive enfin aux refuges, qui sont en fait des chalets bien chauffés, dotés de lits très confortables et de sanitaires corrects. Bien qu’ils soient situés au beau milieu de nulle part (et du parc), on sent que le froid mordant n’a pas d’emprise ici. Et même si à Kuururjuaq, le volet culturel inuit est moins présent, les aurores boréales, elles, sont omniprésentes…


Pingaluit, l’accessible

© Pierre-Luc Boucher

Mes premiers kilomètres dans le parc national de Pingualuit m’ont initié à la toundra arctique du plateau d’Ungava. Devant moi s’ouvrait une étendue sans fin, couverte de neige, où rien ne venait obstruer l’horizon… sauf un petit monticule qui grandissait en face de nous, à chaque kilomètre que la motoneige avalait.

À 350 km de Kangiqsujuaq, je me suis finalement retrouvé devant une masse rocheuse : les abords de l’Œil du Québec, ce fameux cratère créé par l’impact d’un météorite, il y a 1,4 million d’années. L’hiver, ce cercle glacé et presque parfait reflète les rayons du soleil comme un miroir… mais il est souvent couvert de neige, comme lors de mon passage. « Sous cette glace se trouve l’une des eaux les plus pures au monde », de lancer fièrement mon guide, Noah Annahatak.

Autour du cratère, il n’y a rien du tout, pas un seul arbre. Seules émergent les cabines où on peut passer la nuit en tout confort, avec eau chaude, lit douillet et Wi-Fi. Même si Pingualuit présente moins de variété dans ses paysages, il demeure le plus accessible et le mieux aménagé des parcs nationaux du Nunavik, et ce, peu importe les intérêts des visiteurs.

Au fil des jours, l’image d’une terre rigide, meurtrie par le froid, a commencé à se dissiper, à mesure que je me rapprochais des Inuits. Peu à peu, j’ai découvert leur côté farceur et leur maîtrise de l’art de raconter. Combien de fois aurez-vous l’occasion d’entendre un guide vous décrire sa participation à la dernière chasse à la baleine permise dans sa région?

C’est à l’initiative de la communauté de Kangiqsujuaq qu’est né le parc de Pingaluit, en 2004. Ce village inuit de 600 habitants domine une baie située à 10 km du détroit d’Hudson, et on dit de ses habitants qu’ils sont très engagés et passionnés par la sauvegarde de leur culture. C’est bien ce que j’ai pu constater en allant pêcher, en construisant un igloo, en cuisinant de la bannique ou en goûtant à la graisse de béluga, ce « caviar inuit » qui m’a laissé une drôle de sensation grasse en bouche.

Enfin, encore ici, le parc de Pingaluit donne lieu à des sorties irréelles en ski nordique ou en raquettes, dans un environnement plane où la ligne d’horizon se confond avec le ciel. Mais tout près du cratère se trouve aussi un large canyon, où on peut facilement glisser comme des enfants, pendant des heures, sur des pentes naturelles. Qui a dit que le Nunavik n’était fait que pour les adultes?

Praticopratique

© Pierre-Luc Boucher

En général, les forfaits offerts dans les parcs du Nunavik sont d’une durée de 8 à 10 jours, ce qui permet de vivre pleinement chaque activité et de pousser la découverte de chaque parc à son maximum.

Les installations touristiques m’ont fortement impressionné. Chaque fois que j’ai logé dans un hôtel de la coopérative, je n’ai rien eu à redire, plutôt le contraire. J’ai été surpris par le confort et la propreté des lieux. 

Au Nunavik, il ne faut jamais sous-estimer le froid : lorsqu’il fait -30 °C, il faut garder en tête qu’il fera -50 °C une fois sur la motoneige, incontournable moyen de transport local. Apportez des chauffe-mains et des chauffe-pieds (hot shots) en grande quantité et ne lésinez pas sur la qualité de votre cagoule, de votre tuque et de votre couche de base. Les parcs nationaux peuvent fournir des vêtements adaptés aux conditions extrêmes de la région, mais informez-vous avant de partir pour éviter les mauvaises surprises. 

Même si on trouve des guichets automatiques un peu partout et qu’on peut parfois payer avec une carte de débit, apportez un peu d’argent liquide, pour les pourboires ou les souvenirs. À deux reprises, j’ai dû composer avec une panne d’électricité et avec un guichet automatique défectueux…
 
Info : nunavikparks.ca, ou consultez les capsules de Guide et Bourlingueur sur viago.ca

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