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  • Crédit: Atryom Efimov

Les nouveaux coureurs des bois

Le Québec court de plus en plus… et pas seulement sur le bitume, pourtant, les coureurs le délaissent de plus en plus pour les sentiers et la croissance des épreuves hors route est phénoménale. Alors, que faut-il savoir avant de fouler le sentier? Trucs, astuces et rudiments de ce sport de plus en plus populaire.

Retour à la nature, attrait de la nouveauté, variation des plaisirs; les raisons qui poussent les coureurs à délaisser le goudron pour les sentiers diffèrent grandement. Néanmoins, Les moyens qu’ils prennent pour vivre leur passion sont universels. L’ultra-marathonien et coureur en sentier Sébastien Roulier interprète l’engouement actuel pour le trail comme une suite logique à celui d’il y a quelques années pour la course sur route. « Ce sont les mêmes coureurs qui, tannés du dictat du bitume, se tournent vers de nouveaux défis, pense-t-il. Ils voient dans la pratique du trail-running un moyen de briser la monotonie et de varier les plaisirs ».

Jeff Gosselin fait partie de ces coureurs qui, après avoir connu une carrière sur route fructueuse, se sont tournés vers le sentier. Une transition qui s’est faite sur plusieurs années et semble avoir souri à ce fanatique d’ultra-trail, à en croire les nombreuses premières places qu’il y a récoltées dans la Belle Province où de nouvelles épreuves hors route, dont quelques-unes dites d’ultra-trail (50, 80 voire 160 kilomètres) sont venues s’ajouter à la trentaine déjà existantes. « L’expérience n’est tout simplement pas la même, témoigne ce professeur d’éducation physique au secondaire. Tu es dans le bois, seul avec toi-même et les éléments, dans des coins parfois si reculés que tu peux te prendre pour un explorateur ».

Cette mentalité de retour à la nature est centrale dans la course en sentier, dit Guillaume Millet, professeur-chercheur au Département de kinésiologie de l’Université de Calgary et auteur du livre Ultra-trail : plaisir, performance et santé. « Nous vivons de plus en plus dans un environnement moderne dénué de contacts réels avec la nature. Y courir permet de renouer avec ses racines et de s’ancrer dans le moment présent », souligne-t-il.

Le terrain avant tout

Or, qui dit courir en nature dit également terrains accidentés. C’est justement autour de ces derniers que la majorité des conseils offerts par les intervenants se concentrent. Après tout, que serait la course en sentier sans ses montées, ses descentes, ses cours d’eau à traverser ainsi que ses obstacles à culbuter? « Il ne faut pas sous-estimer les effets du terrain sur la course, met en garde Guillaume Millet. Certains coureurs, surtout ceux habitués à la route, auront de la difficulté à le lire correctement et à y être efficaces. Aussi, il varie beaucoup en fonction de la météo, ce qui n’est pas le cas de l’asphalte qui reste assez égal selon qu’il soit mouillé ou enneigé ».

Selon Jeff Gosselin, c’est la configuration du terrain qui dicte l’allure, et non le coureur qui adopte une foulée régulière et un rythme constant. Sa solution : mettre au rencart la montre GPS, ses écouteurs et sa musique. Mais, surtout, laisser de côté l’orgueil en apprenant à marcher quand la situation l’exige. « Les premiers comme les derniers marchent. Il n’y a pas à avoir honte de ça! », indique-t-il. Dans son livre, Guillaume Millet rapporte que 60 % des arrivants sur l’Ultra-trail du Mont-Blanc (UTMB) réalisent une vitesse moyenne inférieure à 4 km/h. On considère que la vitesse où la transition se fait entre la course et la marche s’effectue autour de 7 km/h.

Sébastien Roulier renchérit : « Il faut apprendre l’humilité et se départir de cette mentalité propre à la route où marcher est vu comme un échec. En sentier, il est normal de monter une côte abrupte en marchant. C’est souvent lors de ces pauses stratégiques qu’il est possible de reprendre son souffle, d’analyser la situation et d’ainsi relancer son élan. » Des techniques comme le powerwalk, c’est-à-dire marcher en poussant sur ses cuisses avec ses mains, doivent faire partie de la trousse à outils des coureurs en sentier.

Tout ce qui monte redescend

Autre technique essentielle pour le traileur : la descente. Cette dernière est intimement liée à la capacité de lire le terrain. « Lors des descentes, il est possible de perdre beaucoup de temps en empruntant de mauvaises trajectoires », note Guillaume Millet. Pour s’améliorer, poursuit-il, il n’y a pas de secrets : il faut faire du chemin et ne pas hésiter à prendre un peu de muscles dans les jambes « de manière à mieux encaisser les chocs ».

Une opinion que partage Jeff Gosselin. « Les descentes sont d’autant plus importantes à travailler que ce sont elles qui maganent beaucoup dans un trail. Ce n’est pas pour rien que la notion de dénivelé négatif y est tout aussi importante, sinon plus, que celle de dénivelé positif ou de distance », indique-t-il. Incidemment, les courses en sentier réputées comme étant les plus difficiles au monde sont celles qui comportent le plus de dénivelés négatifs.

« La plupart des blessures en sentier découlent d’une mauvaise lecture du terrain et d’un mauvais choix de trajectoires lors des descentes, rajoute Sébastien Roulier. On veut gagner du temps, on coupe les coins ronds et, boum, la chute survient. » Même si elle cause moins de blessures de surutilisation (périostites, maux de genoux, etc.) que la route, la course en sentier amène malgré tout son lot d’égratignures, de foulures et de frousses!

D’ailleurs, cette réalité se reflète dans le temps nécessaire pour récupérer d’une escapade en sentier. « Parce que les stimulations y sont plus variées que sur la route, il est possible d’en enchaîner plusieurs sans se blesser ou se surentraîner », explique Guillaume Millet.

Le maître mot : la planification  

Les trois aficionados du trail consultés par Espaces sont unanimes : la clé de la réussite sur les épreuves de sentier, c’est la planification. « Plus on part longtemps, plus on doit y consacrer du temps », affirme Sébastien Roulier, qui en fait même son conseil numéro un.

« La planification rigoureuse d’un itinéraire, des difficultés qu’il comporte et des portes de sortie à emprunter en cas de pépin est ce qui fait toute la différence entre être dans le moment présent ou se demander constamment où tu t’en vas », pointe Jeff Gosselin. « Savoir qu’on va être plus lent en trail et le prévoir dans ses plans est essentiel », fait valoir Guillaume Millet. Un truc : prévoir de 1,5 à 2 fois plus de temps que sur la route pour parcourir la même distance en sentier.   

Cette planification s’applique également à la nutrition. Sur des épreuves de courtes distances qui ne dépassent guère les 2 ou 3 heures, on optimise les apports en glucides en optant pour une alimentation riche en ce macronutriment ainsi qu’en se ravitaillant en gels et en boissons énergétiques. Bref, on met en pratique les conseils nutritionnels bien connus de tous les athlètes d’endurance!

Par contre, sur de longues courses comme des ultra-trails, qui peuvent parfois prendre dix heures, la stratégie à adopter est très différente. « Sur ce type d’épreuves, le souci principal, c’est l’écœurement. Il faut donc veiller à varier les plaisirs, ne pas trop manger et boire les mêmes produits. Si on ne s’alimente que de gels et de barres, on court le risque de se tanner, mais aussi d’avoir des ballonnements et des diarrhées », met en garde Guillaume Millet. C’est là toute la différence entre savoir s’alimenter et pouvoir s’alimenter.

Courir, tout simplement

En sentier, le seul domaine où la planification n’est pas indispensable, c’est dans celui de l’entraînement. Le coureur y est moins ancré dans une planification rigide et structurée. « Les sentiers offrent naturellement des changements de rythme. Il y a plus de place pour des séances au ressenti où les temps d’effort ne sont pas calculés à la seconde près », explique Sébastien Roulier.

Cette absence de notion de temps est ultimement ce qui fait tout le charme de la course en sentier, croit Jeff Gosselin. « C’est ce qui permet de se sortir de la mentalité de performance à tout prix et d’ainsi préserver la notion de plaisir ».

Weekend-choc : un must

On ne se prépare pas à un ultra-trail comme on se prépare pour un marathon. Pourtant, aux dires de Guillaume Millet, c’est une erreur que bien des coureurs en sentier néophytes commettent. « Comment voulez-vous devenir meilleur en courant cinq, huit, voire dix heures de suite si vous ne dépassez jamais les trois à quatre heures durant l’entraînement? C’est tout simplement impossible », affirme-t-il.

C’est pourquoi, il y a déjà de nombreuses années, il a proposé un mode d’entraînement à la terminologie bien spécifique : les weekends-chocs. Le concept est assez simple : planifier des journées successives, souvent la fin de semaine, où le coureur gobe du millage et des dénivelés qui s’apparentent à ceux rencontrés lors d’ultras. « Cela permet de s’adapter aux exigences de l’épreuve, mais aussi de mettre à l’essai ses stratégies nutritionnelles, son choix de matériel et ainsi de suite », explique le physiologiste de l’exercice.

Concrètement, un weekend-choc se répartit sur deux, trois, voire quatre jours. Il comprend des séances de rando-course de cinq à dix heures en montagne ou sur des terrains accidentés.

 

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