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  • © Johannes Waibel, Unsplash

Manifeste amoureux de la poudreuse

Chaque année, quand approche la saison hivernale, les riders de tous bords, skieurs et planchistes, sont en émoi. Avec l’hiver viennent inévitablement les chutes de neige sur les sommets.

Dans l’imaginaire collectif, la sacro-sainte « poudreuse » est dans tous les rêves éveillés. Pourquoi fascine-t-elle autant?

Ce qui séduit en premier, c’est son aspect visuel et esthétique incomparable. Capable de gommer les laideurs ou les boursoufflures disgracieuses de l’environnement naturel ou humain. Elle sublime les lieux et les paysages où elle s’installe et subjugue ceux qui ont la délicatesse d’y poser le regard. « J’aime admirer la beauté d’un champ de poudreuse totalement vierge, déclare François Roy, guide d’aventure et fondateur de la compagnie Vertigo Aventures. Au soleil, on dirait une longue robe de diamants! »

Pas étonnant alors qu’elle ait été consacrée et utilisée à de nombreuses reprises par le cinéma et la télévision pour édifier son mythe. « La neige est un formidable outil de cinéma, très agréable à filmer », affirme Laurent Jamet, réalisateur de plusieurs documentaires, dont la très belle websérie Eye of the Storm. « Un contre-jour avec la lumière du soleil qui pénètre dans les cristaux de poudreuse, c’est merveilleux! »

Mais cet aspect visuel ne saurait tout expliquer. Le mythe de la poudreuse tient aussi des sensations de glisse qu’elle procure. Et à en croire ceux qui la côtoient de près, parcourir son manteau poudreux décuple les émotions. La poudreuse, c’est le ski à la puissance mille. Tout y est « un peu plus » : plus de plaisir, plus de douceur, plus de légèreté, plus de pureté, etc. Les superlatifs ne manquent pas pour définir les sensations que procure la dame blanche. « C’est extraordinaire, lâche simplement François Roy. Ça donne l’impression d’être au paradis! » On est dans une quasi-relation mystique entre le skieur et son outil de travail. Un amour charnel largement consommé. Une fusion des sens et des corps.


© Mirja Geh / Red Bull Content Pool

Un jeu sans contrainte et sans entraves. Car c’est aussi cela la poudreuse : un irrépressible appel à la liberté. « Dans la poudreuse, on a l’impression de balayer les conventions, d’évoluer hors du cadre des pistes dans un esprit d’aventurier et de pionnier », confie Thibaud Duchosal, un skieur freeride français qui collabore régulièrement avec Laurent Jamet. La pesanteur laisse sa place à l’apesanteur et le plaisir se fait léger. 

Pour certains, cela vaut toutes les psychanalyses et thérapies du monde : « Surfer sur de la neige fraiche me fait retomber en enfance, avoue Marie-France Roy, planchiste professionnelle originaire de Charlevoix. Tu oublies tes soucis, tes tracas quotidiens, tu es comme dans un nuage et tu t’y amuses vraiment. Quand j’étais enfant, il m’arrivait de rater des jours d’école pour aller surfer dans un pied de poudreuse sur le massif du Charlevoix. C’est un cadeau du ciel! »

Accro à la poudreuse

Dévaler ce manteau blanc peut toutefois devenir un jeu dangereux. La poudreuse se pratique généralement en hors-piste et la côtoyer, c’est faire face à un univers risqué et périlleux : « La limite entre le plaisir et le désastre est ténue, explique François Roy. Ceux qui la skient jouent avec le danger, mais essayent de le contrôler. Cela nécessite de très bonnes connaissances, d’avoir suivi des cours de base pour savoir comment réagir en cas d’avalanches, consulter les bulletins météo. » Le respect des règles de la montagne force à l’humilité face à la toute-puissance des éléments. « La montagne est un milieu hostile et l’humain y est microscopique, expose Thibaud Duchosal. Mais ça fait tout son charme. On y lève la barrière de l’interdit. Et la peur engendrée procure une bonne dose d’adrénaline! » 


Marie-France Roy © Chad Chomlack / Red-Bull-Content Pool

Ces skieurs de l’extrême seraient-ils des drogués, des junkies ? « La poudreuse, c’est comme un sac de chips : une fois ouvert, tu ne peux plus t’arrêter! », dit Marie-France Roy. Même dépendance caractérisée pour Thibaut Duchosal : « Quand on y a gouté, on n’a qu’une envie : y retourner! »

Cette beauté froide, grisante et addictive, sait pourtant se montrer bienveillante avec ceux qui sont prudents. « Le danger dépend de l’engagement qu’on met dans la descente, analyse William Cochet, skieur français à haute conscience écolo. De là naissent la peur et l’adrénaline. Mais si le ski est déconnecté de l’aspect sportif, de la performance pure, alors la peur laisse place au plaisir simple. » 


© Sépaq

Il n’est pas nécessaire d’aller chercher des endroits dangereux pour prendre du plaisir en poudreuse : elle se trouve aussi dans des zones moins inclinées, donc moins sous la menace des avalanches. Mieux encore : une simple incursion sur le bord des pistes et ses à-côtés non damnés peut être propice à la découverte de ses effets euphorisants. Encore faut-il adopter la bonne technique pour y évoluer avec aisance et fluidité. 

« La chose la plus perturbante pour les néophytes, c’est qu’ils ne voient pas leurs skis, explique Thibaud Duchosal. La base de la technique est pourtant la même, mais cette perte visuelle leur fait peur. Néanmoins, il ne faut pas hésiter à se lancer. Ce n’est pas forcément plus difficile qu’une piste noire en station! »

Dernier élément qui participe au mythe de la poudreuse : sa rareté. Une question intimement liée à celle de l’environnement et de sa préservation. « Le ski est l’un des sports les plus touchés par le réchauffement climatique, affirme William Cochet. C’est devenu une activité de consommation à outrance, alors que c’est à la base un sport de plein air et de découvert de la montagne. 

Cette rareté ajoute au plaisir et à la joie, mais il faut avoir conscience que cela reste précaire. Si la qualité est toujours présente, on prend moins souvent notre pied d’un point de vue quantitatif. » Pour le poète moraliste Jean de La Fontaine, « la rareté du fait donne du prix à la chose. » Ce prix, c’est quelques instants de joie et d’abandon, en suspension entre le paradis et l’enfer.


Comment skier dans la poudreuse


© Shutterstock

Tous les professionnels le disent : skier dans la poudreuse nécessite d’adopter un comportement et une technique légèrement différents que sur les pistes damnées.

1. Soyez zen

Relaxez-vous! La poudreuse est un élément solide mais léger, presque aérien. Adoptez donc le même état d’esprit. Être crispé et raide comme un piquet ne vous aidera pas à ressentir les sensations qu’elle procure et à y prendre plaisir.

2. Adoptez la bonne position

  • Répartissez le poids de votre corps uniformément sur les skis, pour éviter la chute causée par l’une des spatules enfoncée dans la neige tandis que l’autre est remontée.
  • Ayez les genoux fléchis, le tibia en appui sur la chaussure et le buste légèrement en avant. Attention, le corps trop en avant et vos skis s’enfonceront dans la neige. Trop en arrière, comme le sont souvent les néophytes de la poudreuse, et vos skis se cabrent. La vitesse augmente à mesure que la maitrise diminue.

3. Flexions/extensions dans les virages

Votre professeur de ski vous l’a souvent répété pendant les cours? C’est le temps de le mettre en application. D’abord, poussez sur vos jambes (extension) pour tasser la neige sous vos skis, puis remontez vos genoux (flexion) et basculez votre buste vers l’intérieur pour virer. Si vous avez la sensation de vous enfoncer, poussez sur les skis à la sortie du virage. L’enchainement régulier des flexions/extensions permet d’enchainer les virages sans accrocs. Les bâtons sont aussi essentiels dans la manœuvre, alors utilisez-les!

4. Soyez patient.

Pas besoin de se lancer de suite dans des pentes vertigineuses : la maitrise de la poudreuse se fait par étapes. Testez d’abord votre technique sur les bords et à côté des pistes en station, sur des pentes faibles à moyennes. Une fois parfaitement à l’aise, lancez-vous sur des versants aux dénivelés plus forts. Et surtout, ne perdez pas espoir si vous trouvez ça difficile : le plaisir sera plus grand quand vous y arriverez!


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