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  • Crédit : George Doyle

Surentraînement : Quand le dépassement n'a pas meilleur goût

Les bienfaits du sport sont indéniables, mais parfois le dépassement de soi peut amener un dangereux surentraînement.

Circuit Gilles Villeneuve, Montréal. Ma saison de vélo est bien entamée. Après un bon entraînement (modérément intense) je rentre à la maison. Je constate que je suis patraque et que mon cœur bat à une cadence démesurée. Le tout suivi d'étourdissements et de sueurs froides. Un brin paniquée, je tente de me calmer et j'attends que ce malaise passe. Après une nuit agitée, je m’en remets à un professionnel de la santé. Diagnostic : surentraînement et état dépressif!

Insultée, je remballe mes affaires et décide d'aller voir ailleurs. Bilan sanguin, questionnaire et discussions suivront avec Suzanne Leclerc, médecin généraliste spécialisée en médecine du sport. Elle avalise la fâcheuse nouvelle. Et non, le surentraînement n’est pas seulement réservé aux athlètes de haut niveau : ce trouble peut affecter l'amateur, le sportif du dimanche ou celui qui ne structure pas sa pratique sportive adéquatement.

La définition du surentraînement

Le surentraînement constitue une surcharge ou un trop-plein et ne se définit pas uniquement par un excès de sport, mais plutôt par une accumulation indue de stress physique et psychologique. Il se présente quand le sport pratiqué (peu importe son volume et son intensité) s’ajoute aux tensions du quotidien et devient trop important par rapport à ce que l'individu peut encaisser. Les athlètes de haut niveau vivent au moins un épisode de surentraînement durant leur carrière. Mais pour les amateurs, le risque est moins connu.

Laurent Bosquet, un ancien professeur au département de kinésiologie de l’Université de Montréal et spécialiste de la question, a une définition bien simple du problème : « C’est le point de bascule où la charge d’entraînement devient démesurée par rapport à la capacité de récupération. » Il reconnaît que le phénomène est rare et techniquement difficile à définir, car ses causes sont multiples et ses manifestations différentes d’un individu à l’autre. « Dans la majorité des cas, on parlera d'abord de "dépassement", un état de surmenage, dont l’athlète professionnel ou amateur peut se remettre en quelques semaines, voire quelques mois. Le "surentraînement" est l’état extrême du surmenage sportif et il est beaucoup plus grave. » Suzanne Leclerc affirme qu’un tel diagnostic est difficile à poser puisqu’il faut éliminer toute une série de malaises potentiels (anémie, dépression, etc.) avant d’en arriver à cette conclusion.

Comment l'éviter?

Les gens les plus à risque sont ceux qui valorisent la performance : des perfectionnistes engagés dans ce qu’ils entreprennent ou encore ceux au tempérament excessif dont le mantra est « ce qui ne tue pas rend plus fort ». Mais pour éviter le surentraînement, il ne faut pas oublier la valeur de la récupération dans l’amélioration des performances.

Pour éviter de tomber dans le piège, il faut d'abord être à l'affût des signes que le corps émet. Ces signaux d’alarme, tant sur le plan physique que psychologique, annoncent quand les ressources sont épuisées. Soyez donc prudent quand vos performances sportives diminuent et que le temps de récupération augmente, que des problèmes de sommeil s’amènent (agitation ou état constant de fébrilité), qu’un manque d’appétit apparaît ou que votre fréquence cardiaque est élevée au repos.


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Les symptômes à observer

Bruno Ouellette, psychologue sportif œuvrant avec des athlètes de divers horizons, fait appel à divers questionnaires pour évaluer l’état psychologique de ses sportifs. Il observe plusieurs facteurs : capacité de concentration, sentiment d’accomplissement, enthousiasme et motivation. Pour le sportif qui gère son activité soi-même, il faut se fier à ces symptômes (qui s'apparentent souvent à ceux de la dépression) pour émettre l'hypothèse d'un surmenage sportif.

Certaines disciplines seraient plus enclines à mener aux excès et au surmenage. Le cyclisme et la course à pied comptent leur lot de passionnés prêts à affronter les pires conditions pour ressentir l’état d’excitation qui suit. On parle alors du runner’s high, un état de béatitude qui serait dû à la sécrétion d’endorphines. L’activité sportive répétée émoustille aussi la dopamine, l’hormone du plaisir. Ce bien-être recherché par notre corps provoquerait une certaine dépendance neurochimique qui inciterait certaines personnes à en faire trop et à s’exposer aux risques du dépassement.

Il est aussi utile d’observer comment le corps encaisse la charge sportive et considérer l’importance de la récupération. Un bon entraînement est composé de cycles qui fait alterner l’intensité, le volume et les plages de repos. Trop de gens pensent encore que performance est synonyme de « défonce », et qu’il faut souffrir pour battre le chrono. Sauf qu'entre une pub de Gatorade et la vraie vie, il y a lieu de relativiser.

La récupération contre le surentraînement

Associer « repos prolongé » à « baisse de performance » est une autre conception tout aussi erronée. Les spécialistes du domaine sportif s’accordent pour reconnaître l’importance cruciale des périodes de récupération. Le repos doit suivre l’intensité pour que s'opère le phénomène de la « surcompensation » : après avoir été vidé de ses ressources, l'organisme profite d'une période de récupération pour augmenter ses capacités. Le repos n’est donc pas synonyme de « désentraînement », mais « d'affûtage » et d’une éventuelle amélioration.

La charge sportive ne devrait jamais être évaluée de manière isolée. L'influence des autres « soucis existentiels » dans l'équation est déterminante. Face à un entraînement modéré auquel n’est ajouté aucun stress particulier, le corps répondra bien et pourra aisément refaire ses réserves. Mais si le stress quotidien est trop important, même une charge minime d’entraînement peut plonger un sportif anxieux dans le surmenage.

Le traitement

Éviter le surentraînement, c'est tout d'abord être à l’écoute de son corps. Il faut savoir planifier la charge externe de l’activité physique (fréquence, volume et intensité) en fonction de la réponse de l’organisme. L’entraînement doit être perçu selon une courbe où l’on alternera entre périodes modérées et intenses. Le repos doit suivre l’intensité pour atteindre la surcompensation et voir une éventuelle progression. Cette réponse physiologique varie avec le temps et doit constamment être réévaluée pour ajuster son programme d’entraînement.

Pour survivre au surentraînement, il faut réduire de façon importante son activité physique. Laurent Bosquet affirme que cette période devrait coïncider avec une décroissance d’au moins 80 % des activités pratiquées. Cette retraite temporaire fait peur à bien des athlètes qui craignent de perdre le niveau d’excellence atteint. Mais Laurent Bosquet assure qu’une personne qui gardera son intensité, mais diminuera de 80 % son volume d’entraînement n'a pas à craindre une diminution de ses capacités. Ce changement peut même conduire à une optimisation du potentiel. Il est toutefois moins aisé de chiffrer la durée de récupération préférable : la prudence et la pondération sont donc de mise. Pour ce qui est du temps de convalescence, il variera selon le degré d'épuisement. Dans les cas mineurs, l’entraînement pourra reprendre après quelques semaines ou quelques mois. Si le problème est plus grave, les mois pourront faire place à une année ou plus.

Il existe un certain tabou autour du surentraînement. Qui a envie d’admettre qu’il n’a pas la force mentale pour relever ses défis sportifs? Personne ne veut laisser paraître qu'il est dépassé par les événements. Les pressions sociales et individuelles viendront voiler la dure réalité et augmenter les conséquences fâcheuses. À trop courir après les performances, on risque de courir à sa propre perte. Il faut trouver le moyen d’apprivoiser nos limites et trouver le juste équilibre entre la passion et l'humilité sportive. Après tout, c’est l’amélioration de vos performances et votre santé qui est en jeu.

L’équation du surentraînement

Charge sportive exagérée (stress physique, dépassement)

+

charge quotidienne (stress familial, professionnel, etc.)

=

surcharge physiologique (performances diminuées, temps de récupération augmentés)


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