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  • Crédit: Sara Winter

Mauvais karma

Voyager recèle de nombreux défis et aventures, mais aussi son lot de risques… surtout si l’on ne s'est pas bien préparé !

Les voyages « indépendants » sont souvent en cause, mais ceux qui s’engagent avec des agences peuvent également vivre leurs lots d’évènements imprévus. Les histoires d'horreurs surviennent parfois en raison d'un manque d'expérience, ou simplement par malchance. Vols, agressions, accidents, blessures, ou arnaques : ce genre de récits foisonne dans les blogues de voyages. Certains disent que ces complications façonnent le périple en une expérience différente, intéressante et mémorable. Dans l'ensemble, le voyageur qui fait preuve de planification et de prudence s'en sort généralement très bien.

Quand on planifie une activité en voyage, il faut savoir au minimum où elle aura lieu et comment s’y rendre. Il faut faire ses propres vérifications sur le sérieux de l’entreprise engagée. Ce qui n’est pas une mince tâche! Disposées les unes à côté des autres sur les artères principales des quartiers touristiques, toutes les agences prétendent offrir le meilleur service au meilleur prix. Et les notions de sécurité varient grandement d’un pays à l’autre : les normes occidentales ne sont pas appliquées partout.

Les régions favorites des voyageurs offrent beaucoup de flexibilité. Sur le plan budgétaire, c’est souvent beaucoup plus économique d’établir son horaire et son itinéraire une fois sur place avec les ressources locales plutôt que de tout réserver à l’avance. Mais pas toujours. À Uyuni, en Bolivie, la visite du grand désert de sel se fait obligatoirement par le biais d’une agence. La tentation est forte d'arriver sur place et de trouver le guide qui dirigera le voyage, mais l'explosion touristique dans cette ville poussiéreuse a rendu très difficile de discerner le bon, du mauvais guide. Il doit y avoir plus d'une soixante d'agences sur place. Allez savoir qui vous fera passer l’excursion la plus sécuritaire au meilleur prix! Les problèmes de mécanique des véhicules sont fréquents. En avril 2011, une traversée de ce grand désert de sel a tourné au cauchemar pour un groupe d’Israéliens : la camionnette dans laquelle ils prenaient place a fait une violente embardée à la suite d’un problème mécanique. Deux d’entre eux ont perdu la vie et une autre personne a subi de graves blessures.

En mai 2008, un face à face entre deux camionnettes (une collision inexplicable dans ce territoire aussi plat que vide) a provoqué la mort de 11 touristes. Ces accidents ne se produisent pas souvent, mais ils rappellent l'importance de s'informer sur l'expérience du chauffeur et sur la mécanique des véhicules. L'idéal est d’effectuer soi-même ses propres vérifications. N’hésitez jamais à demander de voir le véhicule dans lequel vous monterez à bord et l’équipement qui sera utilisé. Internet et les différents forums de discussions sont des sources de critiques utiles. Et attention à la négociation : le plus bas tarif peut réduire la qualité des services que vous obtiendrez!

Un voyage qui aurait pu mal tourner au Népal

Émilie Nadeau et Charles Péloquin, deux passionnés de randonnée qui ont beaucoup d'expérience de voyage, rêvaient de parcourir un sentier du Népal. Ce pays représente un rêve pour tout randonneur, alpiniste ou photographe. Émilie avait voyagé deux fois au Népal et Charles en était à sa troisième visite. D'ailleurs, le Népal, c'est une véritable histoire d'amour pour les deux : c’est là qu’ils se sont rencontrés pour la première fois. En 2009, ils se préparaient pour y marcher tout le mois de décembre. Ils connaissaient relativement bien le terrain et ce qui était nécessaire comme préparatifs de base pour la randonnée dans les montagnes népalaises. « Je me suis entrainée pendant trois mois à faire de la marche et de la montagne », raconte Émilie. « Et moi j'ai arrêté de fumer! » ajoute Charles. Le couple maintient avoir fait beaucoup de recherches sur les lieux choisis et les guides recommandables pour effectuer un séjour sécuritaire.

Leur voyage se résumait à un périple de quelques randonnées en montagne. Ils sont d'abord arrivés à Katmandou. Ensuite, ils ont pris un avion vers Luckla, le lieu de départ de nombreux treks. C'est d'ailleurs d'ici que partent les alpinistes qui se dirigent vers l'Everest. Émilie et Charles n'ont pas la prétention d'atteindre le plus haut sommet du monde, mais ils choisissent un circuit qui possède tout de même quelques difficultés.

Ils gravissent le mont Mera, une montagne de 6 475 mètres d’altitude qui implique sept à huit jours de marche. « C'est la plus haute des montagnes que l'on considère comme accessible sans véritables techniques d'alpinisme », précise Charles. Tout randonneur chevronné est donc capable de la gravir. Ils optent aussi pour le col Amphu Lapsa, franchissable en trois jours de marche. Ce col offre quelques difficultés techniques : il requiert donc un équipement approprié et un guide expérimenté, qui connaît le terrain. Pour le dénicher, il faut passer par une agence. Émilie et Charles choisissent Pemba Sherpa, un guide qu’on leur a recommandé. Selon ce qu'ils avaient obtenu comme informations, Pemba, possède l’expérience, la patience et la courtoisie de mise pour prendre en charge les randonneurs. Ils lui font confiance et complètent ainsi leurs réservations depuis le Québec.

À leur arrivée au Népal, ils apprennent que Pemba Sherpa n'est pas disponible : « Ne vous inquiétez pas, on vous réfère au deuxième meilleur, Dandy Sherpa », se font-ils certifier par le personnel de l’agence. Le couple garde confiance. Au départ, Charles et Émilie prennent également le temps de vérifier que tout est inclus : nourriture, équipement et porteurs. Ils partent rassurés. Le voyage se déroule bien pendant les premiers jours. Mais les deux voyageurs découvrent vite que Dandy Sherpa, qui possède effectivement beaucoup d'expérience en montagne, maîtrise très peu les relations humaines et la logistique. Il commence d’ailleurs à y avoir un sérieux problème de planification de matériel et de nourriture.

Le couple atteint le mont Mera, comme prévu. « C’était une très belle journée », raconte Charles, qui en garde un souvenir impérissable. Par la suite, les deux Québécois, le guide et les porteurs se dirigent vers le col Amphu Lapsa situé à trois jours de marche. « À partir d’un certain moment, on sentait le guide plus stressé, explique Émilie. Nous devions accélérer le rythme. » C'est la mi-décembre et la neige s'en vient. Si le col est enneigé, il faudra rebrousser chemin, car il sera trop dangereux d’y passer. Émilie et Charles découvrent que le guide et les porteurs, qui fument comme des cheminées depuis le début du voyage, ont épuisé les allumettes pour le feu. « Avez-vous du feu? Nous ont-ils demandé », relate Charles, un peu ébahi.

Comme plus personne n’a de feu, ils abandonnent toute la nourriture à cuire sur les réchauds. Cela représentait la plus grande proportion de leurs victuailles. Il faut donc faire vite pour passer le col et rejoindre un village de l'autre côté et les deux randonneurs n'ont qu'un bol de gruau dans l’estomac. « C'est la dernière journée de marche, on va manger dans un hôtel ce soir », garantit le guide. Sur le plan de la météo, la journée s’avère fabuleuse, mais cela ne parvient pas à calmer leur stress. Ils sont partis à 4 h 30 le matin pour atteindre le village à 1 h 30 la nuit suivante. Une journée complète avec seulement un petit déjeuner et trois litres d'eau à se partager. Sans feu, impossible de faire fondre la neige.

« Nous n'avons pris aucune photo du col Amphu Lapsa, tellement nous étions concentrés à garder un rythme rapide », déplore Charles, qui garde, tout de même, de bons souvenirs de cette mésaventure. Heureusement, la météo clémente leur a permis d’éviter le pire. « Quand tu vas en montagne, il faut que tu acceptes de te mettre un peu dans la misère, mais je crois qu'on l'a fait un peu trop à la bonne franquette », admet le jeune randonneur. « Nous n’avions aucune marge de manœuvre. S'il y en a un qui se casse une jambe, qui se blesse, on fait quoi? Ça aurait pu être vraiment dramatique ». « Dans le choix des guides, on va certainement être plus consciencieux », concède sa compagne. Comment expliquer une telle incompétence? Le problème vient probablement de la rareté des opportunités pour les résidents de ces pays. Quand un jeune en forme entrevoit le métier de guide en montagne pour un salaire meilleur, il saute sur l’occasion.

Charles croit que certaines personnes exagèrent peut-être les questions de sécurité : « Nous avons rencontré des Australiens qui ont choisi la totale! Ils étaient six et avaient 20 porteurs, huit guides et des radios. En cas de problèmes, ils repartaient en hélicoptère. C'est un peu trop. À refaire le même trajet, je ne prendrais pas toutes ces mesures, mais j'en prendrais un peu plus ». De son côté, Émilie estime que c'est le manque de moyens de communication qui posait un problème, en cas de besoin. « Si j’y retournais, j'aurais un moyen de communication en tout temps, comme un téléphone satellite ». Charles et Émilie ont porté plainte, avec succès, auprès de l'agence, qui a reconnu l'inexpérience totale de leur guide.

Crédit: Benoit LivernocheL'impression de se faire arnaquer

Charles et Émilie ont avoué avoir négocié leur guide au plus bas prix. Leurs économies ont résulté par une excursion plutôt difficile et périlleuse. Dans un voyage, le touriste veut négocier, mais à quel prix?

Julien et sa conjointe Karine ont parcouru le Viêt Nam, en avril 2007. C'était, pour eux, un premier voyage en Asie. Ils recherchaient un équilibre entre la très touristique Thaïlande et les États moins développés que sont le Cambodge et le Laos. Pour eux, le Viêt Nam évoquait la négociation aisée de leurs activités et leurs déplacements sans avoir à passer continuellement par un intermédiaire. Julien voulait éviter les agences et les groupes guidés. Cependant, la barrière de la langue vietnamienne, ramène, la plupart du temps, le touriste aventureux à la dure réalité : il existe bien un fossé difficilement franchissable entre le visiteur et la population locale.

Si Julien et Karine ont été moins aventureux que les randonneurs Charles et Émilie, il n'en demeure pas moins qu'ils ont dû apprendre à négocier, ce qui a donné lieu à un voyage d'un mois ponctué de petites mésaventures. Ils ressentaient cette impression détestable de se faire rouler constamment : « Si l’on négocie, ce n'est pas seulement dans le but de réaliser une économie », précise Julien. « C'est pour s'assurer de la qualité, dans son ensemble, du service qu'on obtiendra. Si, par exemple, il faut chaque fois négocier un transport ou une activité par l’intermédiaire d’un hôtel et, qu'à la fin, ce qui a été promis n’a pas été livré, qui est responsable? Moi, je m'en prends au principe de respecter une entente, quel qu'en soit le prix. »

Le couple désirait notamment visiter la fameuse baie d'Halong, un site classé au patrimoine mondial de l'UNESCO. « Nous ne voulions pas faire le forfait traditionnel, c'est-à-dire le tour tout inclus », raconte Julien. « Pas de problème! » leur dit-on. On leur offre une journée de kayak de mer, visite de grotte, etc. En fin de compte, il y avait plus de monde, mais pas plus de nourriture. « Le guide ne nous a pas transportés là où nous devions aller », se désole Julien qui critique ce modèle de prise en charge où le touriste ne fait que suivre et ne peut penser par lui-même. « On n’a pas de contrôle sur ce qui se passe. C'est frustrant. Pour des voyageurs indépendants, c'est difficile à accepter. »

Sont-ils des touristes trop exigeants? « Absolument pas », répond Julien. Il estime que ce sont les ententes prises lors des négociations qui font défaut : « Que ce soit sur un prix, sur une destination ou sur un service, on s'attend à un respect de ce qui a été conclu. Pour nous, ce fut un voyage de négociations et d'ententes non respectées. » Il en va d’une question de principe selon lui. Dans la majorité des cas, il se souvient avoir dû se battre pendant les tours organisés alors que ce qui était entendu, au départ, n’était pas au rendez-vous. « Tout le monde se relance, à savoir qui est responsable de quoi. Quand on demande quelque chose, c'est toujours possible, ils disent toujours oui, mais est-ce vraiment le cas? » Pour Julien et Karine, le voyage au Viêt Nam a été un enchainement fatigant de gestion de situations. Leur image générale d'un très beau pays est teintée par cette impression de se faire rouler continuellement. Conclusion? « La prochaine fois, on paiera plus et on s'assurera d'avoir un service de meilleure qualité. »

Le devoir du touriste

Il faut savoir que le tourisme est véritablement devenu un produit de consommation. Et l’Internet a facilité l'échange d'informations et de conseils alors que la possibilité d’émettre des critiques et des mises en garde, grâce aux nombreux forums de discussions, a démocratisé le voyage. Cela dit, Internet a aussi facilité la création de sites bidon, diffusant des informations douteuses. Pour une personne qui désire se créer sa propre petite agence, il est maintenant très facile de sembler crédible : « Plus il y aura de sites et d'agences, plus ce sera difficile pour le voyageur de savoir avec qui faire affaire », affirme Richard Rémy, propriétaire de l’agence Karavaniers, qui donne également un bon nombre de conférences sur le voyage. Il revient tout juste du Népal, où il a effectivement observé une explosion du nombre d’agences offrant des randonnées guidées. Il estime que le touriste a un devoir de bien s'informer sur la culture du pays visité : « Si le but du touriste est de payer le moins cher possible, il faudra qu'il sache que quelqu'un va se faire exploiter. » Le touriste doit aussi savoir que la personne qui négocie les tours est très rarement celle qui va exécuter ledit tour. Il s’agit d’un intermédiaire qui prend une bonne part des profits. Donc, la qualité n'est pas toujours de son ressort.

Richard Rémy souligne que la notion de base pour bien négocier un tour est d'avoir du temps. « Voyager pour six mois est facile pour le voyageur indépendant, mais quand on a que quelques semaines, négocier à la va-vite apportera son lot d'imprévus. Même les plus expérimentés se font avoir. Quand on s'est fait avoir une fois, on comprend. Et j'ajouterais même qu’il faut savoir se faire rouler dans chaque pays, car chaque culture a sa façon de négocier! »

À la fin, c'est au voyageur de décider, d'une part quel est son sentiment, est-il en confiance, quelles sont ses exigences en matière de confort? Où se situe sa patience face aux imprévus? Ou bien quelle est sa limite à payer?

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