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  • Crédit : Sylvia Kania, Shutterstock

Maroc : retour aux sources

Une Québécoise d’origine marocaine redécouvre son pays natal en trekking, les pieds bien ancrés sur terre et dans sa réalité. Récit de son périple, pas-à-pas sur les sables, les ergs rocailleux et dans son cœur.

Du Maroc, pays qui m’a vu naître et que j’ai quitté à l'âge de 9 ans, je ne me souvenais de presque rien. En novembre dernier, j’y suis retournée avec Maxim, mon conjoint québécois, pour un trek de 18 jours. Un retour aux sources créé sur mesure pour étancher ma soif de dépouillement et d’authenticité, entre l’exploration de la vallée du Drâa, les étendues dunaires du Sahara et l’ascension du djebel Toubkal (4162 m), plus haut sommet d’Afrique du Nord.

Pour renouer avec mes racines, il était primordial pour moi de redonner aux populations locales. En retour, je vivrais un trekking à dimension humaine, où la nature demeurerait souveraine. Je n’ai donc traité qu’avec des entreprises équitables et solidaires, qui profitent aux communautés marocaines, tant dans l’Atlas que dans le Sahara.

Au pays des sables émouvants

Marrakech, 7 h du matin. Nous quittons notre riad (maison d’hôte) de la médina (vieille ville) de Marrakech, où nous venons de passer la nuit, et nous trépignons d’enthousiasme. En effet, c’est aujourd’hui le grand départ, direction M’hamid. La route sera longue : huit heures de cavale qui nous éloigneront de la civilisation et du brouhaha de la ville rouge, pour côtoyer une immensité remplie de promesses.

Pour nous rendre à M’hamid, nous longeons le djebel Tiffernine, dans le massif du Saghro, dans l’Anti-Atlas, et nous empruntons l’une des routes les plus dangereuses du Maroc : le col de Tizi n’Tichka. Gare à ceux qui ont le vertige, on monte vers les nuages! La route est sinueuse à souhait et côtoie des gouffres impressionnants. Notre chauffeur, greffé à son cellulaire, est pressé d’arriver, mais je ne rate rien du spectacle grandiose qui me rappelle par moments les canyons de l’Ouest américain ou les cratères lunaires. Je suis déjà sous le charme.

À Ouarzazate, nous passons devant les studios où ont eu lieu les tournages du Gladiateur, de Babel et de certaines scènes de Star Wars. Puis, nous arrivons à Zagora. Mouloud, le proprio de notre agence, son frère Khalifa, notre guide, et Abdou, son oncle cuisinier et chamelier, nous attendent. Khalifa nous raconte qu’il est né dans le désert et qu’il y est resté jusqu’à l’âge de 10 ans, vivant en nomade avec sa famille. « Tout a changé depuis, ce style de vie n’existe presque plus », lance-t-il, la mine un peu basse.

Une centaine de kilomètres plus loin, nous voilà à M’hamid, aux confins de l’Algérie. Terminus! Je me couche immédiatement dans le sable et m’enlise dans sa douceur. Je soupe au coin du feu avec Maxim et notre équipe, composée de véritables boute-en-train. La nuit est magique, le temps n’existe plus, tout est en suspens. Je regarde les étoiles, belles, brillantes; j’ai l’impression de pouvoir les toucher. Je suis éblouie par ce tableau tandis que Maxim compte les étoiles filantes.

Crédit : Maxim Galipeau

 

Je passe ma première nuit dans une tente très rudimentaire. Notre sac de couchage est installé sur une couverture, posée à même un sol caillouteux, et je n’arrive pas à dormir. Mais rien ne m’ébranle : je fais corps avec le pays de mes ancêtres. « Expérimenter le mode de vie nomade et renoncer au confort fait partie de l’aventure! », tempère Maxim.

À mon réveil, Khalifa et Abdou s’activent déjà pour allumer un feu et préparer le petit-déjeuner : thé, pain, huile d’olive et confitures. Ce rituel sera quotidien et le feu, son élément essentiel. Nous chargeons ensuite les deux dromadaires, et c’est le départ. La marche est agréable et au fil des pas, je m’habitue au sable. Nous visitons la kasbah de Bonou, où vivent encore les gardiens de la palmeraie qui, en cette période, foisonne de dattes – et aussi de mouches, hélas...

Tous les jours, c’est sous un ciel pétant de bleu et sous une chaleur écrasante que nous marchons 25 km, entrecoupés d’une longue pause pour le dîner et pour la sieste, tradition bien ancrée qui nous prépare pour la marche de l’après-midi.

Le désert nous tend les bras. Je tente l’expérience barefoot de nos guides, et je marche plusieurs jours sans mes souliers. C’est une sensation agréable et je m’adapte même au terrain rocailleux, car le désert n'est pas composé que de sable fin; les ergs et regs se succèdent au milieu des tamaris. Au loin, on aperçoit la chaîne de Kraab, située à la frontière algérienne et sous haute surveillance militaire.

L'équipe installe le bivouac pour la nuit, près du tombeau de Sidi Naji, lieu de pèlerinage des femmes sahraouies qui rêvent de se marier. Khalifa et Abdou, toujours de bonne humeur, racontent des anecdotes tout en entamant la fameuse cérémonie du thé. Le temps suspend son vol et pendant la préparation, plus rien n’a d’importance, la patience devient un art. Trois thés sont servis l’un à la suite de l’autre: Khalifa nous explique que le premier thé serait amer comme la vie, le second serait doux comme l'amour, et le dernier serait suave comme la mort...

Crédit : Maxim Galipeau

 

Déjà le sixième jour. Nous nous dirigeons vers les grandes dunes hurlantes. L’objectif est d’arriver à temps pour admirer le coucher du soleil. Nous traversons un plateau de pierres et un désert vierge, avant d’arriver aux grandioses dunes de Zahar.  

Dominées par une immense pyramide de sable, ces dunes ont été mon coup de foudre du désert. De leur sommet, j’ai le souffle coupé par l’immensité des vagues de sable environnantes, l’étendue de ce chaleureux vide, le coucher du soleil et les ombres qui flirtent avec les ocres chatoyants des sables... J’ai l’impression de dominer le monde. Maxim et moi nous allongeons bientôt sous les étoiles, puis je me creuse un trou dans le sable et je dors comme un bébé... 

Tous les matins, je trouve des empreintes de renards et de gerboises, aux abords du campement, preuve que la nuit, d’autres êtres prennent possession du désert. Parfois, le vent se lève violemment, le changement est soudain; couverte de la tête aux pieds, je goutte à ma première tempête de sable. Nous profitons d’une accalmie pour nous arrêter déjeuner sous les grands tamaris. Khalifa prépare la taguella – un pain cuit directement sur le sable brûlant, spécialité sahraouie – accompagnée d’un tajine. C’est tout simplement délicieux.

Le lendemain, nous nous dirigeons vers Erg Chegaga, les plus grandes dunes de la région, qui culminent à 300 m de hauteur et s’étendent sur plus de 40 km. Nous montons notre bivouac au milieu de cette immensité, coiffée une fois de plus de milliers d’étoiles. Nous y avons aussi vu quelques touristes, nos premiers du voyage. Chegaga est une destination populaire, et notre introspection contemplative est interrompue par les 4 x 4 et les méharées.

Après une dernière soirée d’histoires autour du feu, notre marche matinale se poursuit à travers la Hamada du Drâa, vaste étendue désertique caillouteuse parsemée de pierres volcaniques. Nous arrivons enfin à Ouled Driss pour une vraie douche, un vrai dîner et une nuit paisible dans un vrai lit. Cette petite halte de deux jours est vraiment appréciée, et nous nous refaisons des forces en vue de notre prochaine épreuve.

Cap sur le pays berbère

Après des adieux et des remerciements à notre équipe saharienne, nous entreprenons les 10 heures de route qui nous mèneront en territoire berbère. Quel changement de décor! Le Haut-Atlas, des rivières, de belles étendues vertes et de majestueuses montagnes couronnées de neige, qui imposent le respect.

Je m’enivre de l’odeur des pommes fermentées, entreposées pour l’hiver dans le charmant petit village d’Imlil, fait de maisons en pierres et peuplé de gens souriants et accueillants. Demain, 17 novembre, je m’offrirai une montagne pour mon anniversaire : le djebel Toubkal.

À mon réveil, de bon matin, il fait aussi froid qu’au Québec, mais les maisons ne sont pas chauffées. Après le petit-déjeuner, nous attaquons les 15 km de montée qui nous attendent en compagnie de Taieb, notre guide et sa mule, qui transportera nourriture et sacs.

La première partie du parcours est plutôt facile, à travers des villages, des forêts et un sentier muletier très bien balisé. Quelques échoppes stratégiquement disposées en montée proposent du thé, du jus d’orange fraîchement pressé et des tuques de laine. La montagne est aride et désertique et à 2 900 m, le sommet est inatteignable sans crampons, à cause de la neige et de la glace.

Crédit : Maxim Galipeau

Après 4 heures de marche, nous arrivons enfin au refuge Toubkal, à 3 100 m. L’ambiance est excellente: tout le monde prend son repas ensemble et se raconte son trek. Taieb nous remet nos crampons pour le lendemain : nous partirons à 6 h, avec nos lampes frontales pour les derniers 1 000 m d’ascension.

Au petit matin, j’avance prudemment avec mes compagnons de voyage, chaudement emmitouflés et à la queue leu leu dans la noirceur. Je ressens déjà les effets de l’altitude et j’avance comme une astronaute lestée. Chaque pas est un effort. La montée, à pic, est ardue et le sol, glissant. La température chute et un vent très fort souffle. Je maintiens la cadence et avance… en me répétant d’avancer. Le jour et le soleil se lèvent, l’ascension se poursuit sous un ciel dégagé.

Nous rattrapons un groupe en difficulté parti une heure avant nous. Après l’avoir encouragé, nous installons nos crampons et continuons. Je reste concentrée sur mon mantra : « avancer petit à petit ». Après 4 heures de marche, j'aperçois le sommet et la pyramide métallique qui le marque. À bout de souffle, je franchis les derniers mètres et du haut des 4167 m, un panorama à 360° et toute la chaîne de l’Atlas apparaît devant moi, tandis qu’au sud s’ouvrent les portes du désert, avec le massif du Sarho.

Je redescends, totalement émerveillée. Maxim et moi décidons de passer nos derniers jours à Imlil au lieu de Marrakech, car je me suis attachée à la région, à mon guide et à mes hôtes. Le repos du guerrier est aussi bien mérité et un peu de farniente, fort bienvenu, histoire de m’imprégner à jamais de cette aventure, de la graver dans ma mémoire et... de planifier notre prochain trek.

Bon à savoir

- Royal Air Maroc relie Montréal à Casablanca par vol direct plusieurs fois par semaine, avec possibilité d’atterrir à Marrakech (ram.com). Les deux villes sont également desservies entre elles par train (durée du trajet : 3 h 30).

- La meilleure saison pour le désert est d’octobre à mars; les journées sont alors chaudes, et les soirées fraîches. Pour la région du djebel Toubkal, la période d’avril à octobre est à privilégier.

Dans cet esprit de découvertes et d’expériences, le magazine espaces pousse plus loin l’aventure en proposant pour la première fois un voyage unique et hors de l’ordinaire: un trek saharien sur les traces des caravanes d’autrefois. Une invitation à marcher plusieurs jours dans la partie la plus saharienne du désert marocain, au sud de l’oued Drâa.

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