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  • Crédit: Mélanie Pageau

Japon : Hyperactivement zen

Randonnée pédestre et Japon semblent former un couple mal assorti. Pourtant, l’archipel volcanique offre de multiples possibilités avec, en prime, un bain culturel dépaysant et rafraîchissant.

Voilà sept heures que nous avons quitté la foule en talons hauts de Kamikōchi, au pied de la montagne, pour gravir 1600 mètres dans les Alpes japonaises. Le refuge où nous voulons planter notre tente ne devrait plus être très loin, mais il n’y a rien en vue. Devant une pancarte qui doit indiquer le sommet Oku-hotaka-dake, nous cherchons à savoir si nous sommes dans la bonne direction, mais nous sommes analphabètes devant ces mots en kanji japonais.

Nous n’avons pas croisé âme qui vive au cours de la montée, qui se fait parfois sur cordes ou échelles, entre le roc et le vide. Avec nos sacs chargés pour quatre jours, un faux pas ici serait fatal. Entre les pics, aucun espace pour s’installer pour la nuit. Nous poursuivons à la lampe frontale. Sur une pente descendante, nous apercevons enfin le refuge, perché sur un col, entre deux pics. Soulagement!

Après une délicate descente sur des échelles, on installe la tente sur une mini terrasse entre les roches, au bord du vide. Mais nous avons droit à des toilettes avec bancs chauffants! Les Japonais ne sont pas à une contradiction près : ces refuges cinq étoiles, construits dans des endroits difficilement accessibles, sont desservis tous les jours par hélicoptères, qui apportent eau et autres ravitaillements le long de cette voie alpine très respectée.

Notre deuxième jour devait être celui du fameux Daikiretto, une succession de cheminées bordées par le vide de chaque côté. Il est conseillé aux randonneurs ayant le vertige de s’abstenir. Nous ajouterions aussi les randonneurs en autonomie complète! Car nos gros sacs à dos sont difficilement compatibles avec ces passages qui s’apparentent à l’escalade (mais sans assurage!), sur des échelles, des chaînes et des barres de fer. Mieux vaut partir légers, dormir et manger dans les refuges : c’est d’ailleurs ce que font les Japonais. Et, surtout, il faut bien suivre les indications peintes sur les roches : un cercle indique la voie à suivre, alors qu’un X devrait vous arrêter net.

Après une petite exploration sans nos sacs, nous avons décidé de ne pas nous y aventurer et de prendre la sortie « côté jardin » vers Karasawa, où nous avons dormi dans un champ de roches, entouré de montagnes. Heureusement qu’on nous a prêté une planche pour mettre sous la tente! Tenez-vous-le pour dit : les Alpes japonaises ne sont pas pour les enfants et surtout pas pour les escargots transportant leur maison. Ces pics dégageant une forte personnalité offrent néanmoins un formidable défi aux randonneurs expérimentés.

Des singes nous ont salués sur le chemin du retour vers Kamikōchi. Nous y avons aussi croisé des marcheurs octogénaires, qui avançaient à pas de tortue en observant la faune et la flore. Tableau typiquement nippon : l’homme en harmonie avec lui-même, avec les autres et avec la nature.

Boucle de quatre jours sur le toit d’Hokkaidō

La nature se montre sous un autre jour dans les montagnes sauvages d’Hokkaidō, l’île la plus au nord de l’archipel. Après avoir traversé en bus des champs campagnards autour d’Asahikawa, nous abordons les montagnes plus rondes et sans refuges de luxe du parc Daisetsu-zan. Même en ces latitudes nordiques au début septembre, j’agite l’éventail que m’a gentiment offert à la gare une jeune Japonaise qui rêve de parcourir le monde à pied. Difficile de l’imaginer marchant autour du globe avec ses vêtements très « fashion », comme la plupart de ses compatriotes. Un autre aspect de la culture japonaise nous frappera à l’auberge de jeunesse d’Asahi-dake Onsen : à la recherche d’une douche, nous n’avons trouvé que le « onsen » commun (un pour les hommes, un autre pour les femmes), où tout le monde se lave assis sur un petit banc de plastique, côte à côte, en se savonnant méticuleusement avec l’eau versée dans une bassine, et en se rinçant tout aussi méticuleusement avec une douche téléphone avant de plonger dans le bain thermal.

Contrairement aux Alpes japonaises, les randonneurs du parc Daisetsu-zan doivent ici être autonomes et planifier méticuleusement leur ravitaillement en eau, qui provient souvent des plaques de neige restantes de l’hiver précédent. En raison du peu de neige reçue, nous avons suivi les conseils de randonneurs locaux et abandonné l’idée de faire la « Grande Traverse » de cinq jours et 55 km, qui se fait normalement d’Asahi-dake Onsen à Takachi Onsen, reliant les sommets du toit d’Hokkaidō : le trek suprême de cette île. Nous avons plutôt suivi un itinéraire en boucle nous permettant de marcher sur la crête de cette chaîne de montagnes et de fouler le plus haut sommet d’Hokkaidō, Asahi-dake (2290 m). En planifiant notre randonnée dans le sens antihoraire, nous gardions le meilleur pour la fin et pouvions voir ce haut sommet au loin se rapprocher au fil de nos pas. Durant les quatre jours de ce superbe trek, nous avons croisé presque plus de renards que d’humains. Indice de la faible fréquentation du sentier, à certains endroits, on devait se frayer un chemin à travers les pins denses, sans même voir nos pieds!

Dans les environs de Hakuun-dake (2229 m), les paysages deviennent volcaniques avec les pierres de rhyolite multicolores, les fumerolles et le lac turquoise du volcan actif Asahi-dake. La multiplication d’humains nous ramène progressivement à la civilisation. On profitera aussi de notre passage à Sapporo pour prendre une bière du même nom et visiter sa brasserie!

Crédit: Mélanie Pageau


Pèlerinage au mont Fuji

« Konichiwa! » Nous répétons ce mot de salutation, encore et encore. On n’y échappe pas ici : les Japonais marchent en masses et sont très sociables. Particulièrement au mont Fuji (Fuji-san), qui est l’emblème du pays et un pèlerinage pour beaucoup d’entre eux.

En ce début septembre, nous sommes pourtant hors de la saison officielle de randonnée sur ce géant. Alors que nous nous informions sur cette randonnée à Tokyo, les citadins déconseillaient fortement aux « gaijins » d’y aller en ce temps « froid ». Les Tokyoïtes ne connaissent assurément pas le froid québécois! Nous avons fait la sourde oreille et nous voilà sur la plus haute montagne du Japon (3776 mètres), à des années-lumière de la mégalopole, bien que nous n’ayons fait que deux heures de bus.

Contrairement aux avertissements des frileux Tokyoïtes, il fait chaud en ce début d’ascension dans cette forêt luxuriante. Partis à 16 h 30, nous n’enfilerons notre Gore-Tex que vers 20 h 30 alors que nous arrivons à la 8e station (3100 mètres) où nous décidons de dormir dans un refuge.Le lendemain, nous nous levons à 4 h pour poursuivre notre ascension. La foule qui voulait être au sommet pour le lever du soleil est déjà passée. Nous voyons descendre une véritable procession alors que nous montons tranquilles dans la roche volcanique noire, grise puis rouge. Deux heures plus tard et nous voilà au bord du cratère, que nous contournons pour atteindre le véritable sommet de ce cône volcanique.

Nous étions venus conquérir les montagnes du Japon, mais ce sont finalement les Japonais, avenants et généreux, et leur culture ancestrale, marquée par le respect d’autrui, qui nous ont conquis. Les vieilles en kimono, les jeunes filles en minijupes, les geishas, les lutteurs sumos, les sushis, les tatamis, les maisons et les temples en bois, les lanternes de papier, les jardins zen, le Shinkansen (le système de train à grande vitesse), le poisson au déjeuner… autant de raisons d’aller marcher au pays du Soleil levant.

Crédit: Mélanie Pageau


En un clin d’œil

Destination :Randonnée au Japon
Itinéraire :
Trois plans de randonnée pédestre, trois aventures à la sauce orientale assaisonnées de culture ancestrale : les Alpes japonaises, Hokkaidō et le légendaire mont Fuji.
Quand :
La saison de randonnée bat son plein en juillet et août, ce qui rime avec foules, mais aussi avec services. Au printemps, les cerisiers sont en fleurs; en septembre, le temps est encore clément.
S’y rendre
: Depuis Québec ou Montréal, Air Canada se rend à Tokyo (autour de  1200 $). Les vols intérieurs sont assez abordables, si achetés à l’étranger (environ 110 $ par segment).
Budget :
Plus abordable qu’on ne pourrait l’imaginer. Ce voyage de trois semaines a coûté environ 3500 $ pour deux, plus les billets d’avion.
Argent :
Le yen. Un dollar canadien donne environ 90 yens.
Autres activités :
Les visites culturelles de temples et de châteaux, l’expérimentation de la gastronomie nippone, les tournois de sumo.
Lecture :
Hiking Japan, Lonely Planet

Le meilleur :L’incroyable respect mutuel des habitants, ce côté zen qui nous fait complètement décrocher.

Le pire :Se sentir complètement analphabètes, autant dans le métro que devant les indications à la montagne. On a beau comparer les kanji sur notre carte avec ceux sur l’affiche, il y a toujours une petite différence qui fait toute la différence!

Le plus bizarre :Voir un poisson entier dans son assiette de déjeuner et se retrouver nus dans un onsen pour prendre le bain.

Crédit: Mélanie Pageau


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