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  • Crédit: Yves Beauchamp

Yves Beauchamp : l’homme de fer

Affligé de pleurésie à la naissance, Yves Beauchamp a été placé sous tente à oxygène à l’Hôpital Sacré-Cœur de Montréal quatre mois après sa naissance. Dans la salle d’urgence, le médecin avoue à son père : « S’il arrive à passer la nuit, il aura 25 % de chances de survivre ». Près de 42 ans plus tard, il est devenu un homme de fer à toute épreuve et termine l’édition 2006 du décatriathlon de Vidauban (en France) avec un temps de 11 jours, 15 heures et 57 minutes

Depuis sa création en 1992, seulement 80 personnes ont terminé cette épreuve extrême. En décembre dernier, Yves Beauchamp complétait l’épreuve de Monterrey (Mexique) en 10e position avec un temps de 11 jours et 6 heures. Trois jours derrière le gagnant. Seulement 19 athlètes ont déjà complété ainsi deux fois ou plus un décatriathlon!

Yves Beauchamp a eu la piqûre du triathlon en 1992 en regardant le réseau NBC qui présentait l’Ironman d’Hawaï. « Les concurrents rampaient à terre pour terminer. Cela a allumé chez moi une flamme de dépassement de soi, de force mentale et d’abnégation dans la douleur physique ». Après quelques marathons, ce brancardier à l’Hôpital Sacré-Cœur décide de courir le double Ironman de Lévis en 2000 (7,6 km de nage, 360 km de vélo et 84,4 km de course). En 2001, il termine quatorzième au Défi mondial de l’endurance en France. « À l’époque, ce triple Ironman était la course la plus difficile sur la planète : 11,4 km de natation, 540 km de vélo et 126,6 km de course à pied ». La distance marque l’imaginaire : un triple marathon pour terminer une telle distance!

L’histoire de l’Ironman

1920 : Le triathlon apparaît à Joinville-le-Pont (près de Paris) et consiste en 200 mètres de natation, 10 kilomètres de vélo et 1200 mètres de course à pied.

1975 : Le premier triathlon américain apparaît à Fiesta Island, dans le sud de la Californie (800 mètres en natation, 8 kilomètres de vélo et 8 kilomètres en course).

1977 : Sur une table de la brasserie Primo, dans le village polynésien d’Honolulu, le capitaine John Collins lance l’idée du premier Ironman (3,9 km de course, 180 km de vélo et 42,2 km de course). Le 18 février 1978, Gordon Haller devient le premier « homme de fer » hawaïen : il boucle les 225 kilomètres de l’épreuve en 11 heures, 46 minutes et 58 secondes.

1985 : Un double Ironman naît aux États-Unis, à Huntsville, Alabama.

1988 : Le Défi mondial de l’endurance, un triple Ironman, voit le jour à Fontanil-Cornillon dans le sud de la France. 

2000 : l’Ironman inspire l’ajout du triathlon aux Jeux olympiques d’été à Sidney en Australie. Le Canadien Simon Whitfield et la Suissesse Brigitte McMahon en sont les premiers médaillés d’or.

>> Le décatriathlon constitue un triathlon à la puissance dix et comporte 38 km de natation, 1800 km de vélo et 422,95 km de course à pied
 

Mais loin d’être rassasié, Yves Beauchamp s’inscrit à son premier décatriathlon (38 km de nage, 1800 km de vélo et 422 km de course!) en 2002 à Monterrey dans le nord du Mexique. Cette fois, il n’est pas assez préparé pour l’épreuve : « Je l’avais plus dans la tête que dans le corps. Je me suis engourdi et je n’ai fait que 285 km de course à pied ». Cet échec a causé une « période creuse » dans sa vie : trois ans de suite, il ne termine pas les doubles Ironman de Lévis. En 2005, il parvient tout de même à battre le record Guinness de vélo stationnaire à Repentigny. « J’ai dédié ce record à ma fille Audrey-Anne en m’arrêtant à 77 heures parce qu’elle pesait 7 livres et 7 onces à sa naissance, et 22 minutes parce qu’elle est née à 2 h 22 du matin. Mais j’aurais pu continuer… »

Crédit: Yves Beauchamp

La motivation revenue, l’homme d’un mètre soixante-dix-sept et 170 livres devient végétarien, cesse toute consommation d’alcool et se remet à la compétition… intensivement. Sans assistance lors d’un double Ironman en Autriche, il se retrouve à l’hôpital avec un taux de potassium très bas. Mais le désir de se dépasser est bien revenu. « Je n’avais pas terminé Monterrey et j’avais failli laisser ma peau en Autriche… mais en 2006, je reçois une invitation pour faire le décatriathlon de Vidauban avec la crème des ultra triathloniens. J’ai accepté! »

Cette fois, son frère Benoît, son cousin Carles et une infirmière de l’Hôpital Sacré-Cœur l’assistent. « Dans ce genre d’épreuve, tu es pratiquement comme une machine. Tu es là pour nager, pédaler et courir. C’est tellement immense comme distance que la seule chose à laquelle tu dois penser, c’est d’avancer. Ceux qui t’assistent pensent pour toi : ils veillent à ce que tu t’alimentes, que tu boives régulièrement. Ils s’occupent de ton équipement quand tu passes de la nage au vélo puis à la course. Tout ce que tu dois faire, c’est avancer! »

Au décatriathlon de Vidauban, Yves finit huitième après une semaine et demie de course entrecoupée de quelques pauses pour dormir : « Je dors quatre heures, mais certains Européens sont capables d’en dormir seulement deux et de fonctionner, de se faire encore plus mal que moi et de faire une déconnexion entre le cérébral et le mental ». Une souffrance qui devient une véritable drogue : « Dans la piscine de 50 mètres, tu vois la ligne d’eau pendant 700 longueurs (38 km). On devient en symbiose avec cette surface que l’on pénètre avec les mains. Même chose en vélo ou en course : on tourne en rond sur une boucle de 2 km avec les mêmes arbres et les mêmes maisons, mais chaque tour, tu les vois de façon différente. Ça entraîne des hallucinations : après 18 heures de nage, je voyais des rochers dans l’eau! En 2006 quand j’étais sur mon vélo, je voyais des danseuses hawaïennes dans les arbres en train de danser! »

Yves Beauchamp insiste sur le fait que le sport l’a surtout aidé à devenir un gars bien : « Il y a des gens qui crient à l’aide de milliers de façons pour lutter contre l’injustice. Le sport, c’est ma façon à moi de conjurer les aberrations de la vie. Dans les conférences que je donne aux jeunes, je leur conseille de pratiquer une activité sportive chaque jour. Cela sert d’exutoire aux problèmes du quotidien. »

Encore plus…
yvesbeauchamp.ca

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