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  • Crédit : XP Antarctik

XP Antarctik : odyssée polaire sur l’ultime continent

Partis d’Ushuaïa vers l’Antarctique, les six Québécois membres de l’expédition XP Antarctik ont atteint l’objectif de parcourir une région inexplorée pour y gravir des sommets vierges. Samuel Ostiguy et François Mailhot, deux membres de l’équipe, nous racontent leur 41 jours d’aventure et d’exploration en terres australes.

Quel bilan faites-vous de cette expédition?

Samuel Ostiguy : C’est l'accomplissement d’un rêve, qui a demandé trois ans de préparation et de travail. Une expérience incroyable et intense de 41 jours, dont 27 jours de progression sur le continent, incluant le Forbidden Plateau, un genre d’énorme lac gelé, qui n’avait jamais été traversé par une équipe en autonomie. Notre chemin était parsemé d’embûches : peu d’informations avant le départ, à part Google Map. Du whiteout et une faible visibilité, des crevasses, des séracs et un fort risque d’avalanche... On a réalisé l’ascension du mont Walker, le plus haut sommet de la péninsule. Puis, une partie de l’équipe a pu grimper deux sommets vierges. Idéalement, on aurait aimé que toute l’équipe puisse le faire, mais cela n’a pas été possible.

Pourquoi?

François Mailhot : Après 15 jours d’expédition, je suis tombé malade. On ne sait pas encore très bien ce que c’était, sûrement un virus à incubation très lente. J’avais une fatigue extrême. Pendant quatre jours, j’ai dormi 22 heures sur 24, sans être capable de manger et de boire. Tout cela en pleine tempête, j’étais aussi atteint psychologiquement.

Crédit : XP Antarctik

Quels ont été les moments les plus difficiles de l’aventure?

FM : En plus de ma maladie, j’ai également fait une chute d’environ 25 à 30 mètres, en haut du mont Harris pendant un whiteout. J’étais encordé avec Marina et Samuel. J’ai légèrement paniqué, car Marina n’était pas loin de tomber avec moi. Si elle tombait, automatiquement Samuel suivait... Ce fut un moment fort et désorientant sur une paroi de 50 mètres qui se terminait plus bas par une crevasse. Vraiment pas accueillant! Chaque minute qui passait me paraissait comme une heure. J’ai vu Alexandre apparaitre et me demander : « Ça va Frank? » Ça m'a enlevé 50 % du stress que j’avais. Heureusement, l’équipe a réussi à me sortir de là.

SO : Nous étions séparés en deux équipes, car la veille, j’étais moi aussi tombé dans une crevasse. J’avais accumulé de la fatigue à cause de ça, mais la chute de François fut plus difficile et un moment délicat de l’expédition. C’était totalement inattendu. J’étais le dernier de cordée. Marina était dans une position précaire, à trois mètres de la falaise. C’était sur moi que tout reposait pour nous dégager, en prenant le moins de risques possible. Ce fut un beau rendez-vous avec moi-même!

FM : On a vécu de belles émotions! Le départ en voilier pour le retour vers Ushuaïa a été impressionnant. Dans le passage Drake, l’hiver commençait et les nuits étaient plus longues. Il y avait une forte concentration d’icebergs. On faisait des roulements à l’avant du bateau pour diriger et les éviter, mais on ne voyait absolument rien! Ce fut les moments les plus stressants de l’expédition.

Quelles sensations avez-vous ressenties en territoire inexploré?

SO : Beaucoup de fierté individuelle et d’équipe, après tant d’efforts pour y arriver. Beaucoup d’humilité aussi face au défi de ne pas savoir quels obstacles on allait rencontrer sur le chemin du retour. C’était beau! On était complètement séduit par l’environnement : l’aspect grandiose et gigantesque de l’Antarctique, des couchers de soleil flamboyants, des paysages hallucinants quand on se trouvait sur les sommets...

FM : On a touché du doigt l’essence même de l’aventure. Le feeling que l’exploration était à son maximum, à tout moment. Chaque jour, avec nos cartes pas très précises, c’était une nouvelle recherche d’itinéraire. On savait que l’on devait passer par telendroit, sans savoir où exactement. Il fallait être très prudent : chaque fois que l’on s'élevait en hauteur, la température, le type de neige, les crevasses et les risques d’avalanches changeaient.

Crédit : XP Antarctik

Quels ont été les moments mémorables de l’aventure?

FM : Le Forbidden Plateau est un endroit constamment dans les nuages. Mais pour notre première journée, on a eu un magnifique ciel bleu, sans vents avec une vue incroyable sur la mer. Ce fut l’une des plus belles choses que j’ai vues de ma vie, un privilège pour nous.

SO : Il y a aussi tous ces petits plaisirs. Se retrouver le soir tous ensemble dans la grande tente, avoir des délires au milieu de nulle part. On oubliait la journée difficile et le fait d’avoir mal partout. L’un des succès de notre aventure, c’est l’équipe elle-même : partir à autant de personnes, c’est un défi et un risque, mais pour nous, ce fut une force.

Votre expédition comportait un volet scientifique, notamment sur l’adaptation du corps humain aux conditions extrêmes. Quelles sont les premières conclusions?

FM : On a pu recueillir beaucoup de données grâce à l’Astroskin, un chandail de l’Agence spatiale canadienne. Une fois par semaine, je prenais la température de chacun au réveil. On faisait aussi des tests psychologiques et de rapidité. Sur le bateau, André-Anne a fait des prélèvements de notre salive et de cheveux. Les résultats bruts seront disponibles d’ici un mois, et l'on aura davantage de réponses d’ici six mois à un an.

SO : On a quand même pu observer quelques données intéressantes, notamment au niveau de la matière grasse. On s’est rendu compte qu’on en avait peu perdu à part François qui a perdu 20 livres. Cela va être intéressant de savoir s’il y a eu des carences, en vitamines et nutriments.

Crédit : XP Antarctik

Appréhendez-vous le retour « à la civilisation »?

SO : C’est un retour qui va être agréable. XP Antarctik s’est construit en trois volets : explorer, documenter et inspirer. La première phase est terminée. Le volet scientifique est en cours. On se concentre désormais sur l’inspiration : donner des entrevues et des conférences, écrire un livre, faire le montage et la production de capsules vidéos et du film documentaire. On veut toucher un maximum de personnes, aller dans les écoles secondaires, pour partager notre aventure et les faire rêver et voyager. Le projet XP Antarctik est donc loin d’être terminé. On a encore du boulot!

Encore plus
xpantarctik.com

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