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XP Antarctik : six Québécois vers l’ultime continent

En février 2014, une équipe de six aventuriers québécois partira, pendant 45 jours, à la découverte d’une région inexplorée de l’Antarctique pour y gravir des sommets vierges. Une expédition pour repousser les frontières de l’inconnu. Le fruit de trois ans de réflexion et de préparation. Entrevue avec deux membres de XP Antarctik : Alexandre Byette et Marina Lançon.

Quels sont les objectifs de cette expédition de 45 jours en Antarctique?

Marina Lançon : XP Antartick se structure en trois points : explorer, documenter et inspirer. Explorer, c’est l’expédition en tant que telle : partir d’Ushuaïa en voilier, traverser le tumultueux passage Drake jusqu’à la péninsule Antarctique, une région inexplorée. Pendant un mois, nous serons dans une complète autonomie. Il nous faut ensuite revenir sur le continent sud-américain.

Documenter, c’est en lien avec l’Université du Québec à Montréal (UQAM). On travaille en collaboration avec Jean Boucher et Alain Steve Comtois du département de kinanthropologie. Nous sommes les cobayes d’une équipe chercheurs qui travaillent sur l’adaptation du corps humain aux conditions extrêmes. Inspirer, pour englober la communauté dans notre voyage. On collabore avec la Fondation Rêves d’Enfants pour qui on va faire une collecte de fonds et ainsi aider à la réalisation du rêve d’un enfant atteint d’une maladie grave.

Alexandre Byette : L’Agence spatiale canadienne a aussi embarqué dans le projet. On va tester du matériel pour eux, car c’est un site analogue, avec des conditions qui se rapprochent des voyages spatiaux : six personnes pendant un mois et demi dans un environnement extrême, sans contact avec l’extérieur.

Comment vous est venue l’idée de ce projet?

Crédit: XP AntarctikAB : Marina et moi sommes deux personnes à la motivation sans fin. Quand nous sommes tous les deux, on se défie et ça donne souvent des idées un peu folles. L’idée de se rendre en Antarctique est partie de l’une ces discussions. Cela pouvait être dit sur le ton de la blague, mais nous étions tous les deux sérieux. C’était il y a trois ans et on y arrive, même si l’on ne le réalise pas encore tout à fait…

Et aussi l’envie de réaliser une première mondiale en allant grimper des sommets vierges?

ML : Pas vraiment. Ce n’était pas la motivation première. Aujourd’hui, beaucoup d’expéditions se montent pour « cocher des sommets ». Ce n’est pas ce qui nous importe et intéresse le plus. On recherche surtout le côté exploration et aventure, même si ce n’est pas nous les vrais explorateurs. C’était ceux à notre place, il y a 200 ans, qui partaient sans savoir vraiment où ils s’en allaient.

AB : On veut essayer de retrouver ce sentiment d’aventure, car aujourd’hui, il n’a plus le même sens. Quand les gens se font déposer en avion au Pôle Sud et marchent quelques kilomètres avant de se faire reprendre, ce n’est plus vraiment de l’exploration. Nous, on veut se mettre dans la situation où l’on n’aura pas de chemins balisés. On veut pouvoir prendre nos jumelles et se demander quel itinéraire on va suivre. C’est intéressant de n’avoir aucune donnée. Il n’y a pas de cartes. Les montagnes n’ont pas de nom. C’est un énorme terrain de jeu.

Qu’est-ce qui vous fait rêver dans le fait d’aller en Antarctique?

AB : La vie sur place. Après une grosse journée, se mettre dans son duvet, manger un bon repas et admirer la vue en face de soi, voir les aurores boréales. Mais le retour à Ushuaïa va être aussi génial : la première douche chaude, manger un bon asado (NDLR : grillade), etc. En expédition, tu te mets à fantasmer sur la nourriture ou sur les choses qui tu manques.

Avant de vous lancer dans ce projet, que représentait ce continent pour vous?

ML : Pour moi, c’est l’un des derniers continents où il reste encore du terrain à explorer. Il n’y a rien! Pas même de populations locales. C’est ce qui me donne l’envie d’y aller.

AB : C’est l’ultime continent, une fois et demie plus grand que le Canada. Le continent le plus méridional, le plus froid, le plus venteux, le plus difficile d’accès, avec le plus grand désert du monde.

Crédit: Andrew Mandemaker

Vous n’êtes pas un peu fous d’y aller?

AB : On est tous le malade de quelqu’un! Tout est relatif. L’important est de le faire pour soi, pas pour les autres. La réussite de cette aventure va se jouer sur le retour de toute l’équipe. Quand elle s’est créée, chacun a mis ses objectifs par écrit : on voulait tous revenir en un seul morceau. Cela peut sembler banal mais c’est très important parce que, dans la prise de décision, la gestion du risque, on veut y aller mais on veut aussi revenir. On a donc construit toutes les étapes du voyage en se laissant un laps de temps suffisant pour les réaliser. Si l’on peut en faire plus, tant mieux. Notre philosophie, c’est de nous amuser en montagne. Si l’on peut arriver au sommet, c’est un bonus. Je suis prêt à tout pour y arriver, mais seulement si je peux revenir, sans faire n’importe quoi. Tout le monde dans l’équipe partage cet état d’esprit.

ML : On ne cherche pas le sommet à tout prix. Il y a quelques années, je me suis cassé la clavicule alors que je voulais partir grimper des sommets. Les médecins m’ont dit : « Ne soyez pas frustrée, les montagnes vont rester là. » C’est vrai. Peut-être que nous n’y retournerons plus jamais en Antarctique, mais ce n’est pas un problème, car la montagne, elle sera toujours là, à nous attendre si nous voulons y retourner.

Quels défis vous attendez-vous à devoir surmonter?

ML : Surtout le froid. En Antarctique, il n’y a aucun élément extérieur pour se réchauffer. Tout part de nous. C’est notre corps qui doit réchauffer nos vêtements et notre sac de couchage. Il faut donc s’autogérer, faire attention à la transpiration et à l’humidité quand on fait un effort physique pour ne pas avoir froid. D’un point de vue technique, on va évoluer face à des éléments hostiles : des glaciers, des crevasses, le vent. Notre point de départ est au niveau de la mer et on va monter vers un plateau à 2 000 mètres d’altitude, sur une distance de deux kilomètres.

Quel type de préparation avez-vous suivie?

Crédit: Spirit of Sidney AB : Elle s’est faite sur plusieurs niveaux. D’abord physique, avec le programme d’entrainement établi par les scientifiques de l’UQAM pour développer notre puissance quand on tirera nos traineaux. Ensuite, technique pour l’escalade : en novembre, nous irons dans les Rocheuses canadiennes pour nous entrainer. Enfin, une préparation d’équipe pour travailler la cohésion du groupe. Là-bas, il faudra collaborer tous ensemble.

ML : C’est un pari de partir en expédition à six. Normalement, ça ne se fait pas parce que ça ne marche pas. Quand tu es poussé à ta limite, c’est plus difficile avec six cerveaux! On va tout faire pour que cela fonctionne, mais on n’a aucune garantie. C’est tout l’intérêt de notre préparation en équipe.

Combien coûte l’aventure XP Antartick?

AB : Le budget global est de 360 000 dollars. Il y a une implication financière personnelle des membres de l’équipe. Il y a aussi une partie qui se traduit en services et équipements : skis, panneaux solaires, nourriture, communication. Notre plus grosse dépense est le paiement du voilier qui va nous amener en Antarctique. Pour en financer une partie, on a organisé plusieurs collectes de fonds : des soupers, un tournoi de golf et encore plein d’autres qui s’en viennent avant notre départ. On a également des commandites qui achètent de la visibilité. Enfin, il y a le financement participatif : des particuliers qui veulent nous appuyer peuvent donner de cinq dollars jusqu’à 500 dollars, sur notre site Internet.

Encore plus
Pour les suivre avant et pendant l’expédition : xpantarctik.com

 
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