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  • Crédit: Nicolas Renaud

Jérôme Liard : Seul contre vents et marées

Le défi était ambitieux : partir seul en kayak de la ville de Québec et longer la côte du Labrador jusqu’à Salluit avant de redescendre de l’autre côté. Mais voilà, tout ne s’est pas bien passé.

« Je suis parti le 8 mai un peu en retard : je n’étais pas complètement prêt. J’ai fait des tests et j’ai amélioré les choses au fur et à mesure ». C’était la deuxième fois que Jérôme sortait son nouveau kayak Artika de 5,50 m et de 23 kilogrammes pour régler le gouvernail, emballer et placer les 70 kilogrammes de matériel au bon endroit. « Ça paraît anodin, mais ça joue sur l’équilibre du kayak », dit-il. Bernard Moitessier disait que si on attend d’être prêt, on ne part jamais. Jérôme est parti.

Puis il y a eu du vent. Beaucoup de vent. Du 20 nœuds (40 km/h) presque tous les jours. De face ou de trois quarts, le vent crée de la houle et des vagues. « C’était quasiment impossible de pagayer! », dit Jérôme à l’autre bout du fil. Il avait prévu pagayer 30 km par jour. Le 13 juillet, il était encore à Longue-Pointe-de-Mingan. S’il a parcouru 700 kilomètres (avec une moyenne de 14 à 18 km par jour), il est bien loin de ce qu’il croyait accomplir. « Ça m’est arrivé de sortir par gros temps, mais je me suis promis de ne plus le refaire. Il y a parfois des vagues de deux à trois mètres. Et puis il y a d’autres phénomènes dangereux en kayak : des tourbillons et ce qu’on appelle les vagues triangulaires. Sur les hauts fonds, l’eau remonte et fait des vagues qui vont au fond, qui frappent les rochers, qui sautent de partout. On est comme dans une marmite d’eau bouillante. »

Prudent, Jérôme Liard ne s’éloigne pas à plus de quatre kilomètres de la côte afin d’éviter les coups de vent et le risque de ne pas pouvoir accoster à temps. « J’écoute la météo sur un VHF.  Quand ils annoncent du 20 nœuds, je ne m’éloigne pas! »

Mais le paysage en vaut la chandelle : « Je connaissais le chemin par la route, mais en kayak c’est différent. Il y a des baies, des tas d’îles qu’on ne le devine pas de la 138. Et beaucoup de monde m’a accueilli les bras ouverts. Je suis resté trois jours chez un couple qui m’a recueilli parce qu’il faisait mauvais. J’ai dormi et j’ai mangé chez eux. C’était formidable. »

Mais qu’est-ce qui pousse Jérôme dans ces paysages du Nord avec le vent, la neige, les icebergs? « Avec ma grandeur (1,68 m), je me sens moins ridicule parmi les bouleaux nains que parmi les séquoias géants, affirme-t-il. Voyager dans les contrées nordiques, c’est voyager dans l’infiniment grand et l’infiniment petit à la fois. Tout nous rappelle comment le fait d’être vivant est extraordinaire. Ça exige un effort physique et mental, mais plutôt qu’un dépassement de soi, c’est un déplacement de soi. On se retrouve soi-même nu, sans faux-semblants, sans hypocrisie. »

Jérôme Liar sait maintenant qu’il n’arrivera pas à Salluit à la mi-octobre comme prévu au départ. « Mon projet est d’arriver à Nain ou Goose Bay sur la côte du Labrador. Avec le retard accumulé, je n’arriverai pas plus loin. Je ne peux pas pagayer plus tard que la mi-octobre parce que l’eau va geler. Peu importe où je serai, il faudra que j’arrête. »

Si Jérôme arrive à Goose Bay, il aura parcouru la moitié de son défi de 5500 kilomètres en kayak. Quant aux autres 5000 kilomètres en ski en traîneau à chiens dans la baie d’Hudson et la Baie James, c’est pour 2010. À suivre…

Jérome Liard

Crédit: Nicolas Renaud• Né en1974 à Argenton, petit village du centre de la France.

• Lauréat de la bourse Défi-Jeunes, il a 24 ans quand il part avec son ami Nicolas Renauld pour découvrir la culture lapone. D’abord 550 km en ski sur la piste royale de la transhumance des rennes entre la Suède et la Norvège. Puis 500 autres km en traîneau à chiens et en pulka (longue luge suédoise utilisée pour le transport du matériel).

• En 2000, il part en solitaire et remonte la côte norvégienne en kayak de mer. Il s’arrête juste avant la nuit polaire, après 106 jours et 1600 km parcourus.

• Après un trek en solo en Inde dans la vallée du Gange, il s’offre une ballade hivernale de 320 km en 2004 sur la Basse-Côte-Nord, là où il n’y a plus de route. C’est à ce moment que le rêve d’une expédition plus ambitieuse voit le jour : faire le tour du Québec.

• Depuis sept ans, il vit au cœur des montagnes de Sainte-Brigitte-de-Laval, à 25 minutes au nord de la ville de Québec, sur la rivière Montmorency.

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