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Mylène Paquette : L’échec, c’est gagnant

Dans les médias, on voit souvent apparaître des portraits d’aventuriers ou d’entrepreneurs à succès qu’on aime, qu’on chérit et dont on est fier. Parfois, ces mêmes personnalités vivent des revers difficiles liés à leurs projets et, soudain, les échecs qu’ils vivent sont perçus comme négatifs.

Pourtant, malgré la défaite, les valeurs que ces personnalités véhiculent sont toujours bonnes : innovation, persévérance, détermination contre vents et marées…

L’aventure et l’entrepreneuriat sont, à quelques différences près, deux mondes similaires. J’en conviens, une aventure, bien qu’elle soit grandiose et estimée par le public, ne vient pas rentabiliser les placements des investisseurs. Elle se réalise la plupart du temps sans subventions publiques et ne permet pas d’entrevoir des retombées telles que la création de centaines d’emplois ou, par exemple, la révolution du monde des taxis…

Je peux comprendre une certaine forme de déception dans le cœur du public quant à des entreprises qui piquent du nez, mais je crois tout de même que la défaite, grande ou petite, est trop souvent perçue comme négative. Une fois l’amertume de l’échec passée, pourquoi mettre autant l’accent sur l’issue négative d’un projet plutôt que sur les valeurs intrinsèques et souvent nobles qui l’animaient à la base?

Mais qu’est-ce que l’échec?

Pour paraphraser René Descartes, quand tu veux, tu peux. À lire le célèbre philosophe, on pourrait croire que le fait de ne pas arriver à ses fins est la conséquence d’un manque de volonté. Pourtant, on sait bien que l’échec résulte souvent du fait d’avoir beaucoup trop essayé. Il découle d’une erreur de parcours dont on est responsable ou non, et qui nous empêche de poursuivre vers le succès.

L’échec n’est pas seulement une conséquence, mais une expérience fondatrice qui nous permet de reconnaître nos faux pas et nos limites, et il a pour effet de nous rendre plus forts. On peut en tirer de bonnes leçons, des leçons qu’on peut mettre au service des autres.

Avant de traverser l’Atlantique en solitaire, je l’ai fait avec cinq autres rameurs. Je me souviens de la confiance que m’inspiraient les initiateurs de cette première aventure. Dès que j’ai vu leur annonce, où ils cherchaient des rameurs pour se joindre à eux, je m’étais souvenu de leur histoire : l’année précédente, Peter et Matthew avaient tenté de franchir l’océan à la rame à bord de La Mondiale, un grand bateau de 14 rameurs.

À l’époque très intéressée par tout ce qui touchait ce sport extrême, j’avais suivi leur aventure et je savais que leur traversée avait connu l’échec quelques mois plus tôt; je n’étais donc pas surprise de les voir tenter l’expérience à nouveau. Comme ils avaient déjà connu la défaite, j’avais immédiatement pensé que ce revers apporterait de la maturité à cette nouvelle tentative et que, si je pouvais faire partie du voyage et côtoyer ces aventuriers, j’en reviendrais avec une expérience encore plus bénéfique.

Échouer, c’est grandir

Comme je crois que celui qui échoue en sait déjà plus que celui qui n’est pas encore tombé, j’ai tout de suite compris que ces camarades m’enrichiraient, car vivre un revers permet d’acquérir des compétences à l’abri desquelles le succès nous maintient souvent.

Après le succès de cette première traversée à la rame, j’ai eu confiance en mes capacités d’y arriver seule, mais j’ai aussi douté de mal mesurer le défi qui m’attendait. Peut-être étais-je en train de me lancer dans quelque chose que je sous-estimais, dont la vision que j’avais était altérée, brouillée par le succès que nous avions connu. J’ai alors cherché plus d’information.

Pour m’assurer une préparation technique optimale et demeurer honnête quant aux dangers que l’océan me réservait peut-être, j’ai dressé la liste des risques encourus et de toutes les conséquences qui y sont associées. En regardant les statistiques qui démontraient qu’à peine le tiers des tentatives mènent au succès, j’ai eu peur d’échouer à mon tour. Afin d’évaluer le défi à sa juste mesure, j’ai voulu comprendre ce qui pouvait mener à l’échec.

J’ai donc décidé de contacter des aventuriers qui avaient échoué pour comprendre quels avaient été les facteurs d’échec de leur expérience. Je me souviens qu’ils ne comprenaient pas mon intérêt à leur égard et, pourtant, ils se sont avérés une vraie mine d’informations.

Au cours de mes échanges avec eux, j’ouvrais les yeux. C’était un peu comme si les dangers que ces navigateurs avaient fréquentés étaient plus près de moi, plus tangibles, plus accessibles, bien moins remisés dans la caverne de la pensée magique.

Risquer l’échec

Ma vision du risque se précisait davantage et j’affinais mon esprit critique. Tranquillement, je prenais conscience des réels dangers et de leurs conséquences, et ma préparation technique n’en devenait que meilleure.

Durant celle-ci, je m’étais méfiée par instinct des consultants évoluant dans le domaine du sport extrême, qui proposaient leurs services à vil prix. Sans aucune expérience personnelle en haute mer, ces derniers n’offraient pas de valeur ajoutée à mes yeux. Ils n’avaient jamais été seuls dans une embarcation, n’avaient jamais rencontré d’obstacle, n’avaient jamais pensé au pire pour eux-mêmes.

Somme toute, j’ai de loin préféré faire confiance à mon jugement et à celui de ceux qui ont bravé la mer et rencontré des écueils qui les ont fait grandir de leurs expériences. Plus expérimentés à la suite de nos revers, nous sommes mieux outillés pour soutenir les autres sur leurs chemins respectifs.

Je crois que l’échec n’est pas assez valorisé dans nos sociétés. Surtout quand on sait que les circonstances qui y mènent ont souvent les mêmes origines.

Nous vivons dans un monde où gagner à tout prix est valorisé, comme si la performance et la compétitivité sont ce qui importe le plus. Pourtant, l’échec met en lumière la résilience, l’humilité, l’entraide et bien des apprentissages que seul le fait d’avoir essayé peut permettre de comprendre.

Et vous, de quand date votre dernier échec?

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