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  • Crédit: Frank Leung

Condos à l’Île Charron : Pas dans mon parc !

Le Mouvement Desjardins a récemment vendu les 0,24 km2 de terrains qu’il détenait depuis une vingtaine d’années sur l’Île Charronsituée entre le parc national des Îles-de-Boucherville et l’embouchure du pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine. Le nouveau propriétaire des lieux souhaite y construire un grand projet immobilier. Une idée qui sème la colère…

C’est Nature Québec (Union québécoise pour la conservation de la nature) qui a alerté l’opinion publique concernant le projet de l’Île Charron. Pourquoi doit-on s’opposer à un tel projet? Ce terrain n’est-il pas privé et situé à l’extérieur des limites du parc? Et, son propriétaire actuel n’a-t-il pas pleinement le droit de faire du développement, en vertu du zonage résidentiel établi dans le plan d’urbanisme de la Ville de Longueuil? La saga qui entoure ce terrain perdure depuis des années.

Lors de l’audience publique qui a précédé la création du parc national des Îles-de-Boucherville – au début des années 80 – plusieurs participants, organismes et citoyens ont été étonnés que le projet de parc sur les îles de Boucherville n’incluait pas l’Île Charron, territoire limitrophe et seule porte d’accès par le pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine. Ils ont tous recommandé au gouvernement provincial d’intégrer cette île dans le parc. Le projet a finalement vu le jour sans l’Île Charron, mais le gouvernement a imposé une réserve foncière sur ces terrains pour les acquérir plus tard et les ajouter au parc. Cette réserve a été maintenue durant six ans à la suite desquels le gouvernement a renoncé à son acquisition. Personne ne s’en est inquiété ni même préoccupé. Depuis, on y a implanté l’usine de traitement des eaux usées de la Rive-Sud et le seul terrain restant de 0,24 km2 est devenu la propriété de Desjardins Sécurité Financière. Celui-ci est aujourd’hui en pleine expansion forestière et s’intègre pleinement dans le paysage du parc à son entrée.

Depuis quelques années, Desjardins avait manifesté son intention de vendre ce terrain. La direction du parc national a proposé à Desjardins d’en faire un don écologique afin de maintenir l’intégrité du territoire et d’éviter les impacts sur plusieurs milliers de résidants à sa frontière[ll1] . Sans avertissement, Desjardins a vendu cette année le terrain à un promoteur immobilier. Il ne manque plus que le permis de construction pour que la machinerie lourde et les premières excavations commencent. De nombreuses voix se sont immédiatement élevées pour demander aux responsables d’agir concrètement pour éviter ce scénario. Une dizaine de personnalités de divers milieux – dont le chanteur Paul Piché – ont signé une lettre ouverte en ce sens. Des citoyens se sont mobilisés et une pétition mise en ligne au début de juillet a déjà recueilli près de 10 000 signatures.

Tout est-il perdu?

Imaginons un peu le décor final. En échange du paysage champêtre que nous voyons actuellement à l’entrée du parc, nous aurions une vue sur une zone urbanisée et devrons subir le flot de la circulation générée par l’arrivée de plusieurs milliers de voitures sur ce petit territoire. Sans compter les impacts des résidents sur l’achalandage du parc et des difficultés que la direction devra affronter pour éviter la dégradation du milieu naturel restant.

Il est évident que nous nous trouvons aujourd’hui devant une situation marquée par une absence flagrante de vision et de planification de l’aménagement du territoire. La responsabilité doit être assumée par le gouvernement provincial, la Ville de Longueuil et le gouvernement provincial.

D’abord par le gouvernement du Québec et ses ministères successifs qui ont assumé la responsabilité des parcs. Nos élus ont dormi au gaz et n’ont pas procédé à l’acquisition du terrain lors de la fin de la période de mise en réserve. De plus, ils n’ont pas été en mesure d’anticiper la situation actuelle.

La Ville de Longueuil, de son côté, aurait pu, depuis longtemps déjà, assurer une protection à cet espace. Elle avait déjà été sensibilisée à cette possibilité lors du projet de 1989 tout comme en 2005 par le mémoire de Nature Québec. Il est grand temps que les villes comprennent que leur mission n’est pas uniquement de développer leur territoire dans le but d’augmenter les taxes foncières, mais d’en assurer l’équilibre harmonieux avec la protection des milieux naturels.

Quant au Mouvement Desjardins, cet organisme coopératif dans lequel de nombreux Québécois possèdent des parts et des investissements, il a manqué une excellente occasion de donner une ristourne sociale qui aurait été saluée comme un grand geste pour les aires protégées. De plus, cela aurait procuré une excellente publicité à Desjardins. Et, après avoir été approché par la direction du parc pour l’acquisition de ce terrain, il aurait été à tout le moins décent qu’avant de le vendre discrètement à un autre acheteur la coopérative québécoise offre à son voisin une dernière occasion de l’acquérir.

Que faire maintenant?

Nature Québec propose à ces trois acteurs de se concerter et de convenir que ce terrain doit être protégé et annexé au parc – ou à tout le moins être désigné comme une zone naturelle tampon. Le terrain doit être racheté à son nouvel acquéreur et zoné « territoire de conservation ». C’est la seule solution qui s’impose afin d’assurer l’intégrité écologique de l’ensemble insulaire que constitue le parc national des Îles-de-Boucherville et de l’Île Charron. Il faut impérativement préserver sa beauté et se soucier de l’amélioration de la qualité de son milieu dans le futur.

Ceux et celles qui veulent s’exprimer concernant le projet immobilier de l’Île Charron sont invités à signer la pétition en ligne sur le site de Nature Québec : naturequebec.org

Crédit:Courtoisie Jean HubertJean Hubert est coresponsable bénévole de la commission sur les aires protégées de Nature Québec. Il a travaillé comme gestionnaire de parcs québécois durant une dizaine d’années. Il a été le premier directeur du parc des Îles-de-Boucherville au début de son établissement et adjoint au Service des parcs de la grande région de Montréal (parcs du Mont-Tremblant, d’Oka, des Îles-de-Boucherville, du Mont-Saint-Bruno et de la Yamaska). Il a aussi été chargé de projets durant plusieurs années au ministère de l’Environnement en Montérégie, particulièrement dans les dossiers de la gestion du territoire et de l’eau par bassin versant. Il est impliqué activement dans plusieurs organismes de conservation, particulièrement  pour le Réseau de milieux naturels protégés, dont il est le président. Il est aujourd’hui travailleur autonome, consultant en environnement, consultation et participation publiques.

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