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Votre programme d’entrainement idéal

Après votre planification annuelle vient la question de choisir vos programmes d’entrainement. Ce n’est pas le choix qui manque! Quels sont les repères fiables qui permettent de les comparer, de les distinguer et les évaluer? Voici les alternatives qui s'offrent à vous pour faciliter votre sélection.

Il y a trois éléments importants dans tout bon programme d'entrainement : le volume de travail, l'intensité et la fréquence des entrainements. Du point de vue pratico-pratique, la première chose dont il faut tenir compte, c'est la durée des programmes. Certains programmes exigent 8, 12 ou 14 semaines ou même 26 semaines à votre calendrier. Assurez-vous que votre planification annuelle vous laisse la disponibilité nécessaire et que vous avez le niveau de forme requis pour le compléter avant l'épreuve prioritaire à laquelle vous désirez participer. C'est la seule façon de réellement faire l'essai d'un programme, d'en tirer tous les bénéfices et de lui rendre justice. Il n’est vraiment pas recommandé d’improviser des « aménagements » importants aux programmes ou de combiner aléatoirement certains éléments d’un programme avec un autre.

Le volume de travail
Certains programmes présentent le volume de travail recommandé selon la distance (km) et d’autres, en fonction du temps (minutes). La différence peut sembler anodine, mais songez qu'un entrainement de 45 minutes, c’est un entrainement de 45 minutes, peu importe le niveau du coureur. Par contre, franchir 10 kilomètres représente un entrainement 45 minutes pour l’un et 70 minutes pour l'autre. C’est bien différent! De plus en plus d'entraineurs délaissent la définition traditionnelle du volume de l'entrainement en fonction d'une distance pour l'exprimer en temps.

Comparez aussi comment sont planifiées les variations hebdomadaires du volume de travail d'un programme à l'autre. Certains programmes proposent une augmentation ininterrompue et linéaire de la charge de travail. Observez et évaluez ce que représentent les incréments de cette augmentation hebdomadaire. Les programmes plus élaborés font habituellement fluctuer le volume hebdomadaire de travail d'une semaine à l'autre, selon une courbe dans laquelle figurent des semaines plus chargées que d’autres afin de faciliter l’assimilation des effets de l’entrainement chez l’athlète.

L’intensité du travail
Il n'existe à peu près plus aujourd'hui de programmes qui suggèrent aux coureurs de toujours courir au même rythme à l'entrainement. Seules exceptions : les programmes conçus pour les débutants (et encore!). Presque tous les programmes énoncent des règles quant au rythme de base ainsi que les rythmes plus rapides qu'ils devraient soutenir à l’entrainement. C'est l'ensemble de ces prescriptions quant aux rythmes d’entrainement que l'on désigne par « intensité du travail ».

Il faut examiner quelles proportions occupent la course au rythme de base (pour lequel il existe plusieurs dénominations et définitions) et celles consacrées au travail de plus forte intensité durant les entrainements. Les programmes de Courir au bon rythme établissent par exemple cette proportion à 70/30 soit, 70 % du temps d’entrainement en endurance fondamentale et 30 % du travail en intensité. Cela n'est pas toujours aussi explicite et il faut prendre le temps d'évaluer quelle est la charge réelle de travail que préconise un programme quand on tient compte de tous les ingrédients de la recette.

La fréquence des entrainements
On s’accorde généralement pour dire que le minimum pour tirer profit de l'entrainement est de courir trois fois par semaine. Certains programmes vont jusqu'à proposer des semaines de six entrainements et on en a déjà vu recommander de courir chaque jour de la semaine. En moyenne cependant, les coureurs tirent le maximum d’un entrainement quand ils courent quatre fois par semaine. N'oubliez pas que le repos et la récupération font partie intégrante d'un plan d'entrainement réaliste et conséquent. C'est au repos, entre les entrainements, que les bénéfices de l'entrainement se matérialisent.


Deux pôles – deux traditions
En croisant ces quatre facteurs, on obtient un nombre infini de nuances et de variations. C’est pourquoi il y a tant de programmes différents qui s’offrent à vous. Il est tout de même possible d’examiner et de classer les programmes en fonction de l’élément qui constitue leur assise, leur axe premier et fondamental. Bien que la majorité des programmes proposent un dosage particulier de l’intensité et du volume de travail, chaque programme met un accent plus particulier sur l’un ou sur l’autre. Posez-vous d’abord la question suivante pour amorcer l’évaluation des programmes qui vous intéressent : l’accent est-il mis sur le volume de travail ou sur le travail de qualité?

Historiquement, on simplifie beaucoup le tableau pour mieux se comprendre. La tradition américaine veut que le volume de travail soit la pierre d’assise et l’élément clé de la réussite et l’école européenne a généralement préconisé un volume de travail moins élevé, mais davantage de travail de qualité. L’américain Joe Henderson, qui fut à l’époque rédacteur en chef et chroniqueur de la revue Runner’s World, proposait des programmes fondés sur l’entrainement au LSD (pas la drogue, le Long Slow Distance!) : soit de longues courses à un rythme lent. Ces programmes étaient en fait une extension des premières théories sur le jogging et l’exercice aérobie du docteur Kenneth Cooper. En clair, le volume de travail était l’élément-clé et indispensable pour permettre à un coureur d’atteindre ses objectifs.  

Pas besoin de chercher loin pour trouver cette influence au Québec. Les entrainements proposés aux coureurs pour la première mouture du Marathon de Montréal se composaient d’une suite quasi ininterrompue de courses de plus en plus longues, mais toujours courues au rythme correspondant au temps visé au marathon. C’est à cette tradition que nous devons les mythes voulant que pour se préparer à franchir la distance d’un marathon, il soit indispensable de soutenir un volume de travail de l’ordre de 100 km par semaine et de réaliser des entrainements d’au moins 32 kilomètres (quand il n’est pas prescrit de courir la distance complète du marathon avant la compétition).

Trois grandes écoles
Cette tradition a bien entendu perdu du galon, mais n’est pas complètement disparue, surtout dans l’imaginaire des coureurs! La majorité des programmes s’appuient aujourd’hui sur le fait que l’entrainement en intensité soit plus productif et soit un élément indispensable de tout programme d'entrainement digne de ce nom.

Il en résulte trois écoles de pensées que vous pourrez assez facilement reconnaitre dans vos recherches. Le modèle le plus cité est celui du grand entraineur néo-zélandais Arthur Lydiard. Les programmes qu’il a créés sont habituellement construits à l’image d’une pyramide dont chaque étage représente une étape dans l’entrainement d’un coureur compétitif. Chacune de ces périodes occupe une durée déterminée du programme et donne une place prépondérante un type particulier d’entrainement : entrainement en endurance fondamentale; entrainement en résistance et l’affûtage, le travail pour améliorer la vitesse. Il existe une myriade de versions des programmes inspirés par ces théories. Parmi les auteurs et entraineurs célèbres qui ont explicitement cité Lydiard comme source de leur système, mentionnons entre autres Jeff Galloway et Bill Bowerman (qui a cofondé Nike, il était aussi l’entraineur de Steve Préfontaine et fut le premier, à ma connaissance, à suggérer des entrainements de type « tempo »).

Le deuxième modèle que l’on reconnait de plus en plus dans les programmes est depuis longtemps très populaire en France. C’est, pourrait-on dire, l’école scientifique. Avec un fort accent sur le travail de qualité, à partir du concept de VO2 max, les programmes de l’école scientifique s’appuient sur les concepts de vitesse aérobie maximale (VAM ou VMA), de puissance aérobie maximale (PAM) et de la fréquence cardiaque maximale (FCM). Forts d’analyses pointues de la performance humaine en course à pied, ces programmes prescrivent des entrainements qui sont habituellement chiffrés en pourcentage de la VAM ou de la PAM. Voici par exemple la description d’une session d’entrainement typique dans un programme de cette école : « 2 séries de 8 fois 30 secondes d’effort à 100 % de la VMA entrecoupées de 30 secondes de footing à 60 % de la VMA ». Au Québec, des entraineurs comme Daniel Mercier et Guy Thibault ont grandement contribué au développement et à la popularité de tels programmes. Il faut généralement un peu d’attention, d’études et d’arithmétique pour arriver à saisir les concepts, faire son évaluation personnelle et traduire le tout en un calendrier d’entrainement clair. Plusieurs de ces entraineurs incitent d’ailleurs les coureurs à recourir à un encadrement et à un suivi étroit.

Finalement, il faut parler des systèmes hybrides qui marient à leur façon les principes de Lydiard et ceux de l’école scientifique, mais les traduisent en programmes d’entrainement simples et faciles d’accès. Ils décrivent avec précision et simplicité les différents rythmes au kilomètre à suivre ainsi que les différents types d’entrainement. Ils ne demandent pas des coureurs qu’ils maitrisent la science de l’entrainement physique, mais prescrivent un dosage clair du volume et de l’intensité de l’entrainement, qui tient compte du fait que les coureurs ont une « vraie vie ». C’est ainsi que l’on pourrait caractériser les programmes d’entrainement que j’ai développés pour le Marathon Oasis de Montréal depuis 2005 et repris dans le livre Courir au bon rythme.

Ce survol rapide des caractéristiques, des traditions et des écoles à la source des programmes d’entrainement ne fera pas de vous un expert, mais souhaitons que cette lecture vous ait donné des repères pour comparer, évaluer et comprendre l’essentiel des programmes d’entrainement que vous examinerez avant de faire votre choix en vue de réaliser vos objectifs.

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Jean-Yves Cloutier est l’entraineur-conseil du marathon de Montréal et Michel Gauthier est journaliste indépendant. Ils sont les coauteurs du livre Courir au bon rythme, paru aux Éditions La Presse.

 
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