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Mont Saint-Bruno : quand le vélo de montagne s'érode…

Le vélo de montagne compte 382 000 adeptes au Québec, davantage que le ski de fond ou la planche à neige. Pourtant, sa pratique n’est pas toujours facile. C’est le cas au mont Saint-Bruno, à une trentaine de kilomètres de Montréal, où les cyclistes doivent faire face aux interdictions d’accès et au développement urbain.

Au mont Saint-Bruno, le parc national est un incontournable pour tous les amoureux de la nature et du plein air. « Cinq lacs, un verger, un moulin historique et des dizaines de kilomètres de sentiers font de ce parc un véritable îlot de nature en milieu urbain », explique la présentation du parc sur le site de la Sépaq. Un îlot où le vélo de montagne a depuis longtemps déserté les sentiers désormais largement parcourus par les seuls randonneurs. « Sur les 30 kilomètres de sentiers du parc, environ un tiers est accessible au vélo de montagne, explique André Despatie, directeur des parcs nationaux des Îles-de-Boucherville et du Mont-Saint-Bruno. Mais ce tiers est surtout constitués de larges chemins de service moins intéressants pour les cyclistes qui préfèrent un peu plus d’action. Le parc est surtout une zone de préservation, ce qui n’est pas conciliable avec le vélo de montagne qui est un grand facteur d’érosion. »

Des négociations entre les gestionnaires et les représentants des cyclistes ont bien eu lieu, comme l’affirme Éric Léonard, membre de l’Association pour le développement des sentiers de vélo de montagne du Québec : « L'ADSVMQ et le Club Les Cœurs Vaillants ont proposé un projet pilote en 2010-2011 afin de compléter leur offre de service aux amateurs de plein air. » L’idée était de montrer qu’une gestion concertée et bénévole du vélo de montagne était viable. Le Parc a étudié la question, mais a finalement refusé la proposition. Selon André Despatie, « Il existait un risque de débordements. Le parc du Mont-Saint-Bruno est de petite taille et la question de la préservation de l’environnement prime. »

Une décision que regrette Daniel Fortin, président de VéloÉpic, un club qui veut rendre le vélo de montagne le plus accessible possible : « La Sépaq a évincé les cyclistes, à force de gardiens de sécurité et de rondes de surveillance. Si l’on se reporte quelques années en arrière, il y avait un superbe réseau de sentiers. C'était là à mon avis qu'il y avait le plus grand potentiel pour les cyclistes de montagne. Le reste a été développé à défaut d'avoir quelque chose de mieux. »

À l’extérieur du parc, deux autres parcelles cristallisent également les tensions entre propriétaires, gestionnaires et utilisateurs. Les coureurs se sont approprié les sentiers boisés du golf du Mount Bruno Country Club. D’abord tolérante, la direction a revu sa position après l’augmentation progressive de l’achalandage et le mécontentement des golfeurs. Ils ont fait intervenir la police pour avertir les cyclistes de leur incursion en terrain privé. Certains ont même reçu des contraventions!

À l’été 2010, les Cœurs Vaillants et l’ADSVMQ ont engagé des négociations avec le golf pour proposer une gestion commune et bénévole des sentiers. Mais, après trois rencontres, les dirigeants ont coupé court à la discussion : « Malgré notre présentation, le club de golf nous a confirmé qu'il ne souhaitait pas, pour le moment, avoir de vélos de montagne sur son terrain, explique Christophe Tanguy, ancien membre des Cœurs Vaillants. Il est dommage d'avoir perdu ces pistes, mais il est difficile de négocier. Nous n'avons aucun moyen réel de pression et le terrain est privé. » Une situation qui n’a pas évolué depuis et qui oblige les cyclistes à faire preuve de prudence. 

Coincé entre le golf et le parc national de la SEPAQ, le Boisé des hirondelles, l’une des dernières forêts matures de Saint-Bruno, devrait voir ses arbres et ses sentiers de vélo disparaître au profit d’un complexe immobilier de maisons de luxe. Le permis de construire émis par la mairie a provoqué de vives contestations parmi les habitants de Saint-Bruno et les divers groupes écologistes pour préserver la futaie.

La seule possibilité légale pour rouler dans la région constitue donc les 20 km de sentiers situés à la base du mont Saint-Bruno, appartenant à l’Armée canadienne et gérés par l’organisation Trivélo. Mais, malgré la beauté et la variété des sept sentiers proposés, cela ne satisfait pas totalement les cyclistes en mal de terrain de jeu plus difficile : « Les règles imposées par Trivélo et l’Armée sont vraiment trop contraignantes », assure Emmanuel Chalifoux, collaborateur à l’ADSVMQ et résidant de Sainte-Julie. La cause : des horaires limités à la fin de semaine (de 9 h à 16 h le samedi, de midi à 17 h le dimanche), l’obligation de s’enregistrer au départ auprès du garde, pas le droit de rouler seul, des sentiers fermés sans avertissement. « Il y a là un beau réseau, avec des gens de bonne volonté. Mais les conditions d'accès découragent à peu près tout le monde », dit Daniel Fortin.

Tous les amateurs de bouette s’accordent pour dire que faire du vélo de montagne au mont Saint-Bruno est de plus en plus difficile, bien que la demande soit là. La pratique en marge de la légalité s’est donc développée : « Faute d’une offre suffisante, les cyclistes parcourent quand même les sentiers, même si ce n’est pas légal, avoue Éric Léonard. On n’encourage pas cette pratique, mais on la comprend. » Et cela n’arrange pas l’image de la discipline, déjà accusée de nuire à l’environnement et de dégrader les sentiers. « C’est un mauvais procès que l’on fait au vélo de montagne », répond Emmanuel Chalifoux. Je comprends la politique intransigeante qui préfère des espaces verts sans vélo plutôt que pas d’espaces verts du tout, mais si l’on veut protéger l’environnement et la forêt, il faut y amener les gens et non les chasser. Le vélo de montagne permet de développer l’économie et le tourisme et de préserver sa santé. Dans le Vermont, des clubs ont les ressources financières pour monter des projets viables et combiner vélo et nature en toute harmonie. »

Quelques signes d’espoir existent : plus au nord, au parc Desrochers, une boucle de deux kilomètres va être entièrement aménagée pour le vélo de montagne, avec l’idée d’y organiser des courses régionales et des critériums. De même, l’agglomération de Longueuil a été choisie pour accueillir la finale des Jeux du Québec, à l’été 2014, et devrait se doter pour l’occasion d’une piste de vélo de montagne.

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