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  • Crédit: Dylan Stewart Page, Sunrise Medical

Le bonheur n’est jamais immobile

On tient souvent les plaisirs de la vie pour acquis, mais lorsqu’un accident majeur survient, tout bascule. Malgré leurs limitations physiques, des rescapés rivalisent d’originalité pour continuer à faire du sport. Une leçon d’humilité, de persévérance et de courage.

Le 18 avril 1996, à 46 ans, la vie de Steeve Verreault s’est soudainement figée dans son salon. Quelques heures plus tard, il apprenait qu’il était atteint du syndrome du Guillain-Barré, une maladie neurologique qui se produit lorsque le système immunitaire d'une personne attaque le système nerveux périphérique.

Il a passé cinq longs mois branché à un respirateur, car son corps ne répondait plus aux commandes. « Mes muscles se sont atrophiés, ce qui a laissé des séquelles permanentes et apparentes », raconte aujourd’hui Steeve Verreault.

Au départ, il vit une période de révolte, mais avec l’aide du personnel médical et de sa conjointe, il reprend goût à la vie. « Quand j’aurai 55 ans, il ne faut jamais que je me dise, j’aurais donc dû », s’est-il dit à l’époque.

C’est alors que commence la longue rééducation. Lors des premières séances de remise en forme, cinq minutes d’efforts devaient être suivies de cinq heures de repos. Même si graduellement, Steeve a repris des forces, il restait incapable de marcher. Sa physiothérapeute lui a suggéré de s’entrainer en piscine. « Dans la piscine, il n’y a pas de pesanteur et je pouvais me tenir debout. Je pense sincèrement que c’est grâce à la piscine que je suis en mesure de marcher aujourd’hui », raconte l’homme de Saint-Félicien qui nage aujourd’hui trois kilomètres par semaine.

Adepte du vélo de montagne avant sa maladie, Steeve Verreault a également trouvé le moyen d’enfourcher à nouveau sa bicyclette. « Il me fallait juste un moyen pour monter et descendre du vélo. J’ai donc déniché deux petites roues qui me permettent de garder l’équilibre », explique-t-il en ajoutant fièrement que les roues ne touchent pas au sol lorsqu’il roule. Deux petites roues qui lui permettent de profiter de l’été et de rouler près de 2000 km par an!

Steeve Verreault n’en veut pas à sa maladie. Il mène une vie active et il s’implique au sein de plusieurs conseils d’administration dans le domaine de la santé et du transport adapté. « Je mène une très belle vie, en partie grâce au Guilain-Barré! J’ai des défis extraordinaires à relever et je suis capable de les relever », conclut-il.

Crédit: Ian Lee

Innover pour améliorer son sort

Maniaque de planche à voile œuvrant dans le domaine de la manufacture de planches à neige dans les années 90, Marco Pilotto a toujours été un grand sportif. En janvier 2004, sa vie bascule lorsqu’il fait une chute banale à quelques centaines de mètres de son chalet. « Je me suis cassé le cou et je suis devenu tétraplégique, raconte-t-il. J’ai alors décidé de relever le défi de vivre avec une incapacité physique. J’ai choisi de ne pas m’apitoyer sur mon sort et de me renouveler. »

En devenant tétraplégique, la mobilité passe inévitablement par un fauteuil roulant. « Je me suis rapidement rendu compte que la traction des fauteuils traditionnels n’était pas optimale. Il y avait d’énormes lacunes », explique M. Pilotto. Avec une perte de force dans les bras suite à son accident, il lui fallait trouver un produit qui offrirait une meilleure préhension et une meilleure adhérence pour être capable de se déplacer plus facilement.

Crédit: Ian LeeGrâce à ses connaissances, acquises dans la pratique des sports de glisse, Marco Pilotto s’inspire des wishbones de planche à voile pour inventer un prototype de cerceaux propulseurs; construits d’aluminium et recouverts d’EVA (Ethylene vinyl acetate), une matière antidérapante grandement utilisée dans les sports nautiques. « C’est le matériau de prédilection pour le confort et l’adhérence. De plus, c’est propre, esthétique et hypoallergène », ajoute M. Pilotto. Pendant deux ans, il perfectionne le produit avec l’aide de sa fille, Gabrielle, avant de lancer la marque BBraver en 2012.

Depuis le lancement, l’intérêt pour son innovation est mondial. « Les cerceaux, c’est l’essentiel de la mobilité. Ils permettent aux gens de faciliter leur déplacement ». Une personne en fauteuil roulant donne en moyenne 2 400 poussées par jour et près d’un million par année. Bref, ce produit est une nécessité pour les personnes avec un handicap. « C’est l’interface entre mon fauteuil et moi. C’est ce qui me permet d’être créatif. Quand je sors de mon lit, c’est mon premier contact, mon premier souffle. C’est ce qui me permet de vivre », témoigne fièrement l’entrepreneur qui a également voulu donner du style à ses produits.

Un fauteuil efficace est la première étape qui permette à une personne en fauteuil roulant d’adopter un mode de vie actif. Lorsque les cerceaux BBraver auront atteint une certaine notoriété, l’homme qui n’a jamais baissé les bras pense déjà à lancer d’autres accessoires sportifs pour les personnes à mobilité réduite.

Selon Marco Pilotto, deux attitudes sont possibles après un accident. « Tu peux chialer ou tu peux bouger. Et ceux qui bougent ne chialent pas », soutient celui qui pratique le ski de fond avec l’aide de son chien en hiver.

Bonne nouvelle, il y a de plus en plus d’offres d’activités sportives pour les personnes handicapées, en partie grâce à des visionnaires comme lui.

Crédit: Dylan Stewart Page, Sunrise Medical

Repousser les limites

Défoncer les portes, repousser les limites et trouver de nouvelles façons de bouger fait partie du quotidien de Geneviève Hallé, qui est devenue paraplégique en 2001, lorsqu’elle a chuté pendant une compétition de planche à neige aux US Open.

Tout de suite après son accident, dans sa chambre d’hôpital, c’était elle qui remontait le moral à ses proches. « Je suis restée positive et j’ai vu ça comme un défi », dit-elle aujourd’hui. Dès cet instant, elle a fait le choix d’apprécier ce que la vie lui offrait et de saisir chaque occasion. « J’ai choisi de pratiquer le plus de sports possible, même si je dois parfois adapter l’équipement », ajoute l’athlète.

Elle a commencé par essayer le ski alpin. Elle s’est ensuite mise au vélo, qu’elle a pu acheter avec un don de la Fondation Maurice Tanguay pour les enfants. Puis, elle a essayé le ski de fond.

Dernièrement, elle a fait son premier saut en parachute. Récemment, elle vient de s’équiper pour pratiquer la planche à pagaie (SUP). « J’adore ce sport, car je peux me saucer et rembarquer facilement sur ma planche. Je peux tenir le rythme plus facilement qu’en vélo », soutient la graphiste de 36 ans. Pour être plus à l’aise sur sa planche, elle a d’abord improvisé en se servant d’un siège pliable. L’été prochain, elle compte en utiliser un fait sur mesure pour optimiser ses poussées.

Comme si ce n’était pas assez, Geneviève s’est aussi mise au surf! « C’est le fun d’être là dans l’eau avec tout le monde. J’ai beaucoup de chance d’être entourée de bon monde pour me permettre de vivre ça, explique-t-elle. C’est important de se tenir en forme pour pouvoir être le plus autonome possible, mais il faut aussi savoir demander de l’aide quand on en a besoin ».

La technologie vient aussi faciliter l’autonomie des personnes en fauteuils roulants. D’ailleurs, depuis quelques mois, Geneviève apprécie les cerceaux propulseurs BBraver et elle ne peut plus s’en séparer. « Ma puissance est transmise à 100 % à chaque poussée. J’ai hâte de voir la différence lors de mes prochaines courses ». Après avoir réalisé un 5 km l’an dernier, elle souhaite faire un 10 km cet été.

La plus grande difficulté pour pratiquer des sports de plein air est le prix exorbitant de l’équipement. Les athlètes avec un handicap doivent prévoir 5 000 $ pour la plupart des sports, voire plus, car l’équipement doit être adapté au corps et à la condition de chaque personne. « Une chance que j’ai une tête de cochon », lance celle qui prend tous les moyens pour arriver à ses fins, même si ça doit prendre plusieurs années.

C’est ce qui est arrivé quand elle a vu une photo d’une jeune femme handicapée sur un wakeboard. « Je lui ai tout de suite écrit pour savoir comment elle faisait et pour savoir où elle avait trouvé son matériel », explique Geneviève. Puis, elle a trouvé quelqu’un au Québec qui en faisait. Elle a emprunté l’équipement pour créer une réplique de l’armature, ajustée à son corps, grâce à laquelle elle peut se tenir sur la planche. Plusieurs amis généreux l’ont assistée pour trouver les ressources nécessaires et lui permettre de faire du wakeboard… après deux ans d’efforts!

Après avoir été influencée par la photographie d’une jeune femme handicapée publiée dans un magazine, Geneviève Hallé s’est donné une nouvelle mission. « Je veux inspirer les gens en fauteuil pour qu’ils soient fiers d’eux. J’ai appris à me trouver belle en fauteuil, car je me réalise dans le sport et le travail. Tout est dans l’attitude », lance-t-elle avec beaucoup de détermination.

Elle planche aujourd’hui sur un projet de vidéo d’entrainement pour aider les personnes en fauteuil roulant à faire de l’exercice, surtout en hiver. Elle souhaite aussi continuer à découvrir de nouveaux sports comme le ski cerf-volant!

On ne sait jamais ce que la vie nous réserve, mais ces trois modèles inspirants démontrent qu’il ne faut jamais s’apitoyer sur son sort. On doit toujours continuer à rêver, à se lancer des défis et tout faire pour les réaliser. Avec la bonne attitude, tout est possible.

Crédit: Geneviève Hallé

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