Rechercher dans le site espaces.ca
  • Enfant dans la nature © Shutterstock

Les Primitifs : Apprendre à survivre avec les enfants

Survivre ensemble, en nature, ou vraiment faire connaissance avec celle qui nous entoure, ça s’apprend.

Adrien, 4 ans, me regarde avec curiosité croquer des feuilles de pissenlit, puis des graines de plantain cueillies à quelques pas du sentier. Après tout, il m’a entendue maintes fois répéter à son petit frère de ne pas manger du gazon, des feuilles, des roches…

« Trouve un bâton long comme ton bras, et gros comme ça », dit en joignant son pouce à son index Mathieu Hébert, fondateur de l’école de survie Les Primitifs. Le petit garçon s’exécute, impressionné.

« Maintenant, lance-le le plus loin possible! » ajoute Mathieu. Sans surprises, Adrien s’en donne à cœur joie, ne croyant pas sa chance.

« La survie plaît aux enfants, résume Mathieu : ils ont enfin le droit de lancer des objets, de courir, de se cacher, et même de se battre. Des aptitudes et des réflexes qui ont fait en sorte que l’être humain a pu survivre à travers le temps, dans la nature. »

En forêt, les règles habituelles ne tiennent plus. En survie, le rythme habituel ne doit pas tenir non plus : il faut garder son calme. On s’arrête et on laisse les yeux vagabonder, les pattes se délier, jusqu’à ce que les uns ou les autres se butent contre quelque chose d’intéressant.

Cela ne tarde pas : à peine a-t-on quitté le sentier principal qu’on s’immobilise déjà.

Mathieu porte notre attention à une série d’entailles dans l’écorce d’un érable : les écureuils sont friands de son eau, au printemps, et ces traces sont les morsures d’un gourmand. Molènes, oxalis et plantains sont à nos pieds. On est invités à les porter à notre bouche et à en apprendre plus sur leurs vertus médicinales. Plus loin, un squelette de marmotte repose sur le sol; à ses côtés, un tronc d’arbre rongé par les fourmis cache quelques vers de terre bien gras.

« Ils sont très nutritifs, nous assure Mathieu. Le mieux, c’est de les conserver dans un récipient deux ou trois jours, le temps qu’ils se vident de leurs excréments. »

Mi-dégoûté, mi-amusé, Adrien écoute Mathieu parler d’insectes comestibles. Nous nous cachons ensuite dans le boisé, alors que le garçon tente de nous retrouver : « Il apprend ainsi à ne pas paniquer seul en forêt », explique Mathieu.

Après quelques répétitions, je remarque l’aplomb nouveau dans le pas de marche de mon fils. Il se porte même volontaire pour aller chercher un bac de matériel plutôt lourd. Il se sent « capable ». Ça se sent à quatre ans, mais aussi passé plusieurs printemps : et si on était « capables » de se débrouiller avec pas grand-chose?

« La liberté, c’est de n’avoir besoin de rien du tout », résume Mathieu Hébert, qui peut vivre en autonomie complète en nature pendant des semaines. Mais il est d’abord et avant tout un père de famille de deux enfants, qui connaît bien les aléas du quotidien de l’homme moderne.

Se connecter à la nature, ensemble

Au quotidien, on jongle avec les horaires et leurs contraintes, et on tente tant bien que mal de vivre des moments marquants en famille à travers tout ça. Selon Mathieu, on se complique la vie pour rien : « L’aventure doit se trouver à la hauteur des enfants », dit-il. Il n’est du coup pas nécessaire de faire deux heures de route pour se rendre à un immense parc que l’on découvrira à un rythme de marche que les enfants ne soutiendront qu’à la suite d’un stratagème quelconque.

« La différence entre le plein air et la survie, c’est qu’en survie, on n’a pas besoin de destination. On ne fait pas que traverser la nature : on s’y arrête », résume Mathieu.


À lire aussi : Survivre comme un primitif


Pendant les trois heures de l’atelier, on n’aura en effet pas bougé d’un iota. Adrien aura couru dans la forêt, confiant, puis il y aura armé un arc rudimentaire. Il aura par la suite contribué à l’élaboration d’un abri de branches et de débris; regardé, ébahi, un feu naître de la friction entre deux bâtons; appris à reconnaître des plantes comestibles et celles qui ont des vertus médicinales; et, surtout, nourri sa curiosité et forcé son regard à se perdre sur tous les microdétails qui ponctuent son appréciation de la nature.

Idem pour moi. « En survie, les parents se rendent rapidement compte qu’ils n’en savent en général pas plus que leurs enfants », me dit Mathieu.

Campés dans l’instant présent, les petits peuvent même nous aider à baisser notre regard vers ce qui se trouve à nos pieds, au lieu de contempler l’horizon dans l’attente.

Ce n’est pas demain la veille qu’on boudera tente et sacs de couchage dans nos expéditions à venir, mais nos œillères nous poussant à nous entêter vers la prochaine destination ne feront certainement plus partie de nos bagages.

Crédits photos : Véronique Champagne

Commentaires (0)
Participer à la discussion!